Affaire Me Eyoum : Les avocats de la défense déclarent le tribunal incompétent
Ils exigent, par ailleurs, la nullité de toute la procédure suite aux intrusions de l’Exécutif dans la procédure en cours.
Les débats se sont ouverts hier, lundi 16 mars 2012, dans l’affaire
Ministère public et Etat du Cameroun contre Me Eyoum, Abah Abah,
Engoulou Henri, Me Baleng Célestin et Bouem Honoré. Tous sont accusés de
la coaction de détournement de deniers publics de la somme de 1,7
milliard Fcfa, représentant les honoraires indûment perçus par l’avocate
Me Eyoum en sa qualité d’avocat de l’Etat du Cameroun à l’époque de
l’affaire Oncpb contre Etat du Cameroun.
Prenant de cours le
président du tribunal qui s’apprêtait à engager les débats au fond, Me
Yondo Black prend la parole en lieu et place de sa cliente Me Eyoum pour
suggérer au tribunal qu’il se déclare incompétent et se dessaisisse du
dossier. «Parce que, explique-t-il, lorsqu’un litige concerne un avocat
il y a des juridictions appropriées pour en connaître et lorsqu’il
s’agit des honoraires, il existe des juridictions connues. Aucun texte
ne prévoit que le Tgi puisse en connaître». Pour l’ex-Bâtonnier, l’usage
de l’autorité administrative compromet l’ordre public. Il ya eu une
grave atteinte aux droits individuels, une voie de fait qui devrait,
selon lui, être jugée par le tribunal administratif.
Il s’agit
de la violation flagrante de l’organisation de l’Etat qui veut que le
problème des honoraires soit résolu entre l’avocat et l’entité qui l’a
constitué. Mais en cas de litige, la juridiction compétente, explique
l’avocat est dans un premier temps le Bâtonnier de l’Ordre des avocats.
Sa décision pouvant faire l’objet d’appel ou de voie de recours. Pour Me
Yondo, il n’y a jamais eu de conflit entre Me Eyoum et le Minfi qui l’a
constuée. «Le Minjustice, poursuit-il, n’est pas un supra ministre.
Il ne saurait initier un procès de détournement de deniers publics dans
un domaine encadré par la loi. C’est cette voie de fait que nous voulons
écarter. Il s’agit d’un cas de constitution d’un avocat qui a travaillé
et a droit aux honoraires ».
Pour l’avocat Monge Dihn, le tribunal
doit prononcer la nullité de toute la procédure. Me Eyoum a été arrêtée à
la suite d’une lettre de cachet du Sgpr datant du 29 décembre 2009 et
adressée au ministre de la justice. Une lettre qui, selon l’avocat,
désigne nommément Eyoum et ses coaccusés comme auteur de détournement
avec injonction de les placer en détention préventive. «Il s’agit là
d’un empiètement de l’Exécutif sur le judiciaire qui constitue une
violation flagrante du principe de la séparation des pouvoirs. Le
pouvoir Exécutif qui solutionne une affaire judiciaire en indiquant la
juridiction de jugement: c’est un scandale».
Double enquête
De
plus indique l’avocat, le tribunal compétent devrait être celui du
Wouri. Me Eyoum, est l’auteur principal des faits qui ont été commis à
Douala, le Pv d’enquête préliminaire devrait être transmis au Tgi du
Wouri. C’est une pseudo arrestation dont elle a été victime, le
procureur de la République n’étant pas compétent. C’est le pouvoir
Exécutif qui décide de la mise en détention de Me Eyoum. En plus, la
qualification des faits est de l’Exécutif qui décide que l’avocate sera
poursuivie pour détournement de deniers publics. La lettre du Sgpr au
Minjustice est une grave atteinte au principe de la séparation des
pouvoirs. «L’une des curiosités de cette affaire, relève l’avocat, est
que deux enquêtes préliminaires ont été diligentées : la première à la
diligence de la gendarmerie nationale qui a conclu à une absence de
détournement ; la seconde enquête préliminaire sera confiée à la
diligence de la Direction de la police judiciaire sera menée avec
acharnement dans le but de trouver des éléments à charge contre Me
Eyoum».
Intervenant par la suite, pour leurs clients, maîtres
Eloh, Awono et Nouga réitéreront les deux demandes d’incompétence du Tgi
et de nullité de toute la procédure, une nullité d’ordre public, en
raison de l’intrusion de l’Exécutif dans la sphère judiciaire. Pour Me
Nouga, l’accusée Eyoum n’est qu’une victime collatérale. Il y a des
membres du gouvernement qu’on voulait arrêter et elle s’est retrouvée
là. Et de dévoiler qu’il avait été reçu par l’ambassadeur des
Etats-Unis qui disait avoir été trompé sur cette affaire par un membre
de l’Exécutif qui avait des comptes à régler. Il faut arrêter cette
personnalité qui utilise l’institution, judiciaire à d’autres fins : il
faut, réitère l’avocat, l’arrêter et lui faire comprendre la vénalité de
sa démarche. Suite des débats le 25 janvier 2012
Evariste Menounga