En
réduisant la peine de suspension du capitaine des Lions indomptables de
15 matchs à huit mois, la Fédération a cédé aux pressions.
La peine de suspension de Samuel Eto’o, le capitaine des Lions
indomptables, est passée de 15 matchs à huit mois, depuis le 7 janvier
dernier.
C’était au terme d’une réunion du Comité exécutif de la Fédération
camerounaise de football (Fécafoot), à l’hôtel Mont-Fébé de Yaoundé. Par
cet acte, la Fécafoot démontre qu’elle n’a pas résisté aux multiples
pressions auxquelles elle a fait face depuis le 12 décembre 2011, date à
la quelle la Commission fédérale d’homologation et de discipline (Cfhd)
de cette instance a condamné les joueurs Samuel Eto’o, Enoh Eyong et
Assou Ekotto. Le Comité exécutif de la Fécafoot est revenu sur la
décision de la Cfhd en arguant, dans sa délibération N. 11, que « Samuel
Eto’o Fils est un sportif mondialement connu ayant rendu d’éminents
services aux sélections nationales du Cameroun », qu’ «il pourrait
encore rendre d’utiles services à la sélection nationale masculine « A »
du Cameroun, dans la perspective des compétitions à venir ».
« Il n’a pas été possible de rester indifférent, le président Iya [Iya
Mohamed, le président de la Fécafoot, Ndlr] recevait des coups de fil
tous les jours à propos de ces sanctions. Nous avons été contraints de
revenir sur cette décision, mais sans toutefois montrer aux yeux du
monde que nous l’avons fait du fait de ces pressions », a révélé, samedi
dernier à l’hôtel Mont-Fébé de Yaoundé, un membre du bureau exécutif de
la Fécafoot. Il s’agit là, selon notre source, d’une « situation
d’ingérence de la part des pouvoirs politiques au Cameroun ».
Paul Biya
Comment résister, dès lors que c’est le chef de l’Etat en personne qui
s’en mêle ? Iya Mohamed a été reçu il y a quelques jours par Philemon
Yang, le Premier ministre. Au cours de cette rencontre, la suspension du
capitaine des Lions indomptables a été le principal sujet. Il était
question, pour le Premier ministre, de convaincre Iya Mohamed de revenir
sur la décision de la Cfhd de la Fécafoot qui a décidé de suspendre
Samuel Eto’o Fils pour 15 matchs avec l’équipe nationale de football A
du Cameroun. Eto’o est accusé d’avoir, au mois de novembre 2011, incité
ses coéquipiers à ne pas se déplacer pour l’Algérie, où ils devaient
disputer un match amical. De source bien informée, Philemon Yang a reçu
les instructions de Paul Biya, le président de la République en
personne, pour demander que la peine infligée au capitaine des Lions
soit revue.
Quelques jours avant Philemon Yang, c’est Adoum Garoua, le ministre des
Sports, qui recevait, chacun à son tour, Samuel Eto’o et Iya Mohamed.
Pour les mêmes raisons. Entre le président de la Fécafoot et le
ministre, il aurait été convenu, comme le prévoit l’article 43 alinéa 2
des statuts de la Fédération, que le Comité exécutif revienne sur le cas
des sanctions, Eto’o ayant refusé de faire appel. Cet article prévoit
que « dès lors qu’elles sont contraires aux statuts et règlements ou à
l’intérêt supérieur du football, le Comité exécutif peut reconsidérer
toutes les décisions prises par les instances élues ou nommées de tous
les organismes ou ligues constituées au sein de la Fédération pour,
éventuellement, les réformer ».
Selon Luc Assamba, membre de ce bureau exécutif, «
c’est Iya Mohamed qui a ressorti l’affaire Eto’o au cours de la réunion
». Luc Assamba reconnait par ailleurs que, « symboliquement il fallait
le faire. Si chacun d’entre nous pouvait se mettre dans la peau de la
Fédération, dans la peau de l’Etat camerounais, dans la peau de l’Etat
algérien, il comprendrait que cette suspension est même diminuée sans
véritable raison. On l’accepte comme ça, parce qu’il faut protéger la
République ». La même grâce a été accordée à Benoît Assou Ekotto, dont
la sanction pécuniaire d’un million de Fcfa a été levée. Le
vice-capitaine Enoh Eyong, lui, a vu sa sanction passer de deux matchs à
deux mois.
Une situation qui perdure
Les questions d’ingérence du politique dans les questions du
sport au Cameroun ne datent pas d’aujourd’hui. En 1994, le Cameroun,
qualifié pour la Coupe du Monde, avait été suspendu à un mois de la
compétition par la Fifa. La Fifa voulait faire adopter de nouveaux
textes par ses membres. Les textes prévoyaient que les organes
dirigeants des fédérations seraient désormais élus. Bernard Massoua II,
alors ministre de la Jeunesse et des Sports est disposé à adopter les
nouveaux textes. Ce qui n'est pas le cas de tout le gouvernement.
Il sera obligé de maintenir à la tête de la Fécafoot le bureau conduit par Pascal Baylon Owona. L'opposition sera maintenue par Maha Daher, Sg de la Fécafoot, dont les plaintes conduiront à la suspension du Cameroun. Celle-ci sera levée à la suite de la promesse du gouvernement de ne plus s'immiscer dans la gestion du football.
Mais un an après, une cellule
provisoire de gestion (Cpg) du football est désignée par Jean-Marie
Bipoun Woum, le ministre, pour suppléer les organes de la Fécafoot. Elle
est dirigée par Emmanuel Mvé Elemva. Mais, le Sg de la Fécafoot va
écrire au Minjes le 11 octobre 1995. Dans la lettre, il indique qu'il ne
reconnaît pas la Cpg et exige que le bureau de Maha Daher soit
réhabilité avant le 31 octobre 1995. Cet autre conflit va être suivi par
une menace de la Fifa, qui rejette l'affiliation du Cameroun pour les
éliminatoires de la Coupe du monde de 1998 en France. Le Minjes a fini
par reconduire Maha Daher, qui organisera un congrès extraordinaire.
En 1998, quelque temps après son élection à la tête de la fédération,
Vincent Onana a signé un contrat avec Jean Claude Darmon, un régisseur
qui favorise la signature du contrat avec Puma. Cet acte sera dénoncé
par le ministère que dirige alors Joseph Owona. Cette dénonciation
s'appuie sur le fait que le gouvernement n'a pas été associé aux
négociations. L'affrontement connaît un autre tournant lorsque Vincent
Onana est accusé de détournement des billets d'accès au stade pour la
Coupe du Monde. Il passera deux années de détention préventive à la
prison centrale de Yaoundé à Kondengui. Il sera plus tard blanchi.
En juin 2006, Philippe Mbarga Mboa, alors ministre des Sports, demandera au président de la Fécafoot de démissionner. Ceci lors d'une rencontre à huis clos. A la suite de celle-ci, Iya Mohamed avait déclaré : « Le ministre m'a dit que le gouvernement a demandé que je démissionne. Je ne lui ai pas répondu sur le champ. Je lui ai dit que je lui donnerai ma réponse demain ». Celle-ci ne viendra jamais.