Affaire du Tribalisme a l'UCAC: POLITIQUE A TETE CHERCHEUSE
15 OCT. 2012
© MINLEND Joseph Thierry | Correspondance
Le Grand Chancelier de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC) défraie la chronique ces derniers mois. Il met ainsi la faculté des sciences sociales de gestion au devant de la scène, ceci contraste avec le label de qualité, la discrétion et le caractère avant-gardiste de cette université.
© MINLEND Joseph Thierry | Correspondance
Le Grand Chancelier de l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC) défraie la chronique ces derniers mois. Il met ainsi la faculté des sciences sociales de gestion au devant de la scène, ceci contraste avec le label de qualité, la discrétion et le caractère avant-gardiste de cette université.
Le Grand Chancelier de l’Université
Catholique d’Afrique Centrale (UCAC) défraie la chronique ces derniers
mois. Il met ainsi la faculté des sciences sociales de gestion au devant
de la scène, ceci contraste avec le label de qualité, la discrétion et
le caractère avant-gardiste de cette université. Se prévalant de sa
qualité de mandataire du Conseil Supérieur, l’instance faitière de
l’UCAC, il affirme au sujet des statistiques (ethniques) de la faculté
des sciences sociales et de gestion que : « j’ai eu à leur (les membres
du Conseil Supérieur) soumettre mon exposé avec quelques commentaires ».
Les commentaires du Grand Chancelier Victor TONYE BAKOT se résument en
ceci : il y’a trop d’étudiants et d’enseignants originaires de la Région
de l’Ouest du Cameroun en faculté des sciences sociales et de gestion.
En d’autres termes, il ya trop de Bamiléké à l’UCAC puisque les autres
ethnies de l’Ouest n’y sont pas visibles. La suite logique de cette
prise de position de TONYE BAKOT est qu’il faut freiner, filtrer,
restreindre l’entrée, le recrutement des Bamiléké en faculté des
sciences sociale et par extension à l’université catholique, question
d’éviter un phénomène de contagion d’une faculté à une autre. Désormais,
les originaires des Grass-Fields entreront à l’UCAC à dose
homéopathique. Le grand chancelier écrit à ce sujet : « alors, le
conseil supérieur a demandé expressément au Doyen de la faculté des
sciences sociales et de gestion, d’éviter que le déséquilibre régional
ne perdure et qu’on corrige progressivement cette situation devenue
scandaleuse, parce que l’université n’appartient pas à un pays encore
moins à une Région du Cameroun qui en compte 10 ». Christian Cardinal
TUMI, ancien Grand Chancelier de l’université catholique affirme que : «
Notre principe était toujours le mérite. Nous ne regardions pas d’où
viennent les étudiants… Les professeurs étaient évalués sur leur
qualification et non pas sur le fait de savoir s’ils étaient Anglophone,
Francophone ou Bamiléké ».
TONYE BAKOT instaure dans son institution la stupide politique camerounaise appelée pompeusement: politique d’équilibre régionale. La proximité du Grand Chancelier avec le pouvoir en place l’a influencé, la preuve il tient le même discours que le régime en ce qui concerne l’entrée, le recrutement dans les universités et grandes écoles. Il a jeté un pavé dans la mare, accentuant ainsi la frustration des originaires des Grass-Fields. Lorsqu’un Prince de l’Eglise prône la discrimination, il ya lieu de s’interroger, voir de s’inquiéter. L’actualité récente de l’UCAC nous offre l’opportunité de : questionner les critères qui ont sous-tendu l’élaboration de la politique d’équilibre régional à savoir le taux de scolarisation et l’importance démographique ; donner notre modeste point de vue quant à l’incidence de la politique d’équilibre régionale sur les Bamiléké en particulier.
Critère du taux de scolarisation de la province d’origine
Estimant que certaines régions n’étaient pas suffisamment représentées dans l’administration, le Président Ahmadou Ahidjo avait instruit par décret (N°82/407 du 07 septembre 1982 portant sur le régime général des concours administratifs) au ministre de la fonction publique de l’époque M. YOUSSOUFA DAOUDA de fixer des quotas de places réservées aux originaires de chaque province (aujourd’hui Région administrative) ainsi qu’aux anciens militaires candidats aux concours administratifs sur la base du taux de scolarisation et de l’importance démographique des provinces d’origine des candidats. Ces quotas sont les suivants par provinces : Centre-Sud 19% ; Est 4% ; Littoral 12%, Nord 30% ; Nord-Ouest 12% ; Ouest 13% ; Sud-ouest 8% ; Anciens militaires 2%. La pertinence des critères retenus pour aboutir à ces quotas ne laisse pas indifférent, elle suscite un commentaire.
La démarche consiste à faire quelques rappels historiques et non à brandir des statistiques. Ahmadou Ahidjo clamait que certaines régions du Cameroun notamment l’Est, le Nord et le Nord-ouest étaient moins scolarisées du fait de l’injustice coloniale. Il faut s’accorder sur le fait que l’école comme institution commence au Cameroun avec l’implantation définitive de l’Islam et du Christianisme au début du XIX siècle. A la différence de l’école islamique qui n’enseignait que les saintes écritures à ses élèves, l’école d’obédience chrétienne enseignait en plus de la bonne nouvelle, les sciences et les métiers. L’école publique instaurée par le colonisateur allemand et ses continuateurs français et anglais survient après l’institution des premières écoles confessionnelles. En 1914 on dénombrait 833 (huit cent trente trois) élèves dans les écoles publiques contre 49.000 (quarante neuf mille) élèves dans les écoles privées confessionnelles. Les premières écoles ont été construites par des missionnaires tel qu’Alfred Saker. Ainsi l’émergence de l’école au Cameroun est d’origine confessionnelle. Ahidjo aurait dû interroger l’anthropologie des peuples de ces régions moins scolarisées car dans l’hypothèse où il y avait peu d’écoles dans le Nord par exemple, rien n’interdisait aux originaires de cette région d’aller étudier au Sud du pays. Ahidjo lui-même était parti de Garoua sa ville natale pour fréquenter l’école primaire supérieure de Yaoundé.
Amougou Nguelé Paul (1925-2004) a été instituteur, député, secrétaire d’État. Sa carrière d’instituteur a couru de 1941 à 1956, elle s’est déroulée à Kougondong, Tibati, Ngaoundéré, Yaoundé-Ekoudou (Briqueterie). Il racontait à ceux qui l’ont côtoyé comment il traquait les enfants dans les maisons, les champs, la savane, il bravait la réticence des parents et des enfants en ce qui concerne l’école. Certains enfants se cachaient même sous le lit le voyant arrivé, il les en extirpait. Les anecdotes d’Amougou Nguelé montrent que certaines ethnies étaient réfractaires à l’instruction pendant la période coloniale, ces ethnies n’ont pas vite compris l’importance et l’enjeu de l’école. Le colon avait plutôt intérêt à scolariser pour mieux asseoir sa culture et par ricochet sa domination. Il savait cela. Si en surface le problème apparaissait sous forme de sous-scolarisation, au fond le problème était d’ordre anthropologique. Ahmadou Ahidjo aurait dû chercher son bouc émissaire ailleurs peut-être dans l’importance démographique des régions.
Critère de l’importance démographique de la province d’origine
Les résultats du premier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 1976 ont servi de base de travail pour la définition des quotas de places par province pour les concours administratifs et d’entrées dans les grandes écoles. Les données de ces résultats mises à la disposition du public ne précisent pas les effectifs ethniques de la population du Cameroun, mais plutôt des effectifs de population des circonscriptions administratives. Ahmadou Ahidjo ayant les données stratégiques sur les effectifs ethniques a choisi l’importance démographique des provinces comme deuxième critère d’attribution des quotas. Si ce critère était défavorable à sa province natale le Nord, l’aurait-il choisi ? Le Nord s’en tire avec la part du lion à savoir 30% des places. Il est important de noter que la population d’une province n’est pas l’effectif des originaires de cette province mais plutôt l’effectif des résidants, donc les migrations ont une place importante dans l’analyse. En 1976, la province du Nord comptait 2.089.791 habitants contre 968.856 pour la province de l’Ouest. Rappelons qu’en 1976, le Cameroun était formé de sept provinces et quarante départements et avait une population estimée à 7.663.246 habitants. La province du Nord de l’époque encore appelée Grand Nord a donné naissance aux trois Régions actuelles que sont : l’Adamaoua, le Nord, l’Extrême-nord. Le solde migratoire est égal à la différence entre les immigrants et les émigrés, c'est-à-dire la différence entre ceux qui s’installent et ceux qui partent d’une aire géographique sur une période donnée. En examinant le solde migratoire entre les départements du Cameroun sur une période de 5 ans et pour les deux sexes, le recensement de 1976 nous apprend que : le solde migratoire de la province de l’Ouest est négatif c'est-à-dire que l’Ouest se vide de sa population pour gonfler celles des autres provinces. Le solde migratoire de la province du Centre-sud est presque nul, mais les flux avec d’autres provinces sont importants. Quant au Grand Nord, les échanges migratoires de cette province se résument à des échanges interdépartementaux au sein de la même province donc l’effectif des résidants est sensiblement égal qu’à l’effectif des originaires.
Une enquête réalisée sur la population de la ville de Douala en 1964-1965, par le ministère des affaires économiques et du plan et l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques. Structure française) rappelait en ce qui concerne la répartition de la population par ethnie que : « Le groupe le plus important est toujours celui des Bamiléké qui représente plus du tiers de la population camerounaise… ». Les Bamiléké sont les plus nombreux malgré le génocide dont ils sont victimes à travers la guerre de libération nationale. Ce génocide ainsi que leur dynamisme économique les a conduits aux quatre coins du Cameroun, dépeuplant leur province d’origine, augmentant la population des autres provinces. A ce jour, nous pouvons prétendre qu’il y a des Bamiléké sur chaque kilomètre carré habité de notre pays. Un bel exemple d’intégration nationale, un exemple à suivre. L’alinéa (4) de l’article premier du décret N°82/407 du 7 septembre 1982 stipule que : « Est considérée comme province d’origine d’un candidat, la province dont ses parents légitimes sont originaires ». Cette définition est curieuse à plus d’un titre. La procréation se fait-elle uniquement au sein d’une même province ? En cas de naturalisation camerounaise des parents légitimes du candidat à quelle province d’origine appartient-il ? Ces questions recommandent qu’on n’intègre désormais la notion de terre d’adoption au Cameroun. En l’état actuel des choses, un jeune Bamiléké par exemple, dont la famille est installée à Douala depuis cinq générations et qui n’est jamais sorti e cette ville sera toujours considéré comme originaire de l’Ouest malgré l’assisse sociale et l’intégration de sa famille dans la communauté SAWA. Le critère de l’importance démographique est biaisé pour l’Ouest, avantageux pour le Grand Nord, car l’Ouest est pourvoyeur de résidants aux autres provinces. Le choix de ce critère n’était pas innocent, il procède d’une politique à tête chercheuse visant à endiguer les Bamiléké ce « … caillou dans la chaussure ».
Incidence de la politique d’équilibre régional sur les Bamiléké dans les concours et recrutements
Nous sommes en pleine saison des concours et recrutements dans les facultés et grandes écoles. Les fameuses délibérations ont eu, ont, ou auront lieu. Les délibérations qui distribuent le BAC aux camerounais à 8,50 sur 20 de moyenne, tandis qu’au TCHAD le BAC de cette année est à reprendre parce qu’on a délibéré à 9,50 et des têtes sont tombées. Pendant les délibérations, interviennent les quotas de l’équilibre régional, ce bourreau de la méritocratie qui coupe la tête aux brillants et laissent prospérer les cancres. L’équilibre ethnique va une fois de plus faire son lot de victimes en particulier dans la communauté Bamiléké. l’interprétation des quotas fixés par le régime AHIDJO montre qu’un originaire de l’Ouest a moins de chance d’entrer à l’ ENAM par rapport à un nordiste. L’ENAM ! Ce faux mythe de réussite sociale qu’on vante à la jeunesse camerounaise. C’est un autre débat. Les quotas régionaux travestissent la nature des concours et recrutements, car les candidats ne compétissent pas a une échelle nationale mais plutôt a une échelle intra-régional, on assiste à des concours dans le concours. Les Bamiléké ont pour challengers eux-mêmes malheureusement dans les limites du quota de places attribuées à l’Ouest. Les personnes de bonne foi issues du système éducatif camerounais reconnaissent la suprématie des élèves et étudiants Bamiléké dans les filières scientifiques et techniques et de plus en plus dans les filières qui n’étaient pas leurs domaines de prédilection. Au nom de l’équilibre ethnique, de braves originaires des Grass-Fields sont recalés au profit des médiocres et paresseux des autres régions. On se demande si le fait que les originaires de l’Ouest se soient très tôt révélé dans le domaine de l’intelligentsia et qu’ils soient pionniers ou majors dans divers secteurs n’a pas concouru à la mise en place de l’équilibre régional pour les contrecarrer. Nous pouvons citer quelques figures tel que : Pierre TCHANKEU premier expert comptable ; Samuel WANKO premier ingénieur des ponts et chaussées ; Jean FOCHIVE major à l’école de police ; Marcel NIAT NDIFENDI ingénieur électricien ; Général NSANSO premier polytechnicien d’Afrique noire. En aparté, les responsables des facultés et grandes écoles affirment que : sans les quotas, les concours et recrutements sont dominés par les Bamiléké.
Faute de trouver une place au bercail, les Bamiléké prennent le chemin de l’exil. Les cerveaux s’évadent dans l’indifférence absolue des pouvoirs publics, on penserait même à une complicité passive. Le Cameroun a cette particularité de former des hommes et femmes qui vont servir ailleurs. Ô l’argent du pauvre contribuable. Au Cameroun, la chasse aux cerveaux ne consiste pas à dénicher et apprivoiser le génie comme cela se fait sous d’autres cieux, mais au contraire à l’anéantir. Dans les couloirs des écoles et facultés on affuble les Bamiléké des noms les plus insolites : « Bosniaques », « envahisseurs » etc. le terme « Bosniaque » est apparut dans la rue pendant l’épuration ethnique de Bosnie-Herzégovine. Cette expression trahit le fait que les Bamiléké sont une cible. L’expression « envahisseur » renvoi à l’idée qu’aux yeux des autres camerounais les Bamiléké représentent une menace permanente. Le vocable Bamiléké est généralement employé au sens péjoratif comme une insulte, avec des sous-entendus. En fin de compte les Bamiléké se sentent exclus, marginalisés. Cela les conduit à un repli identitaire qui n’est pas appréciée des autres ethnies les taxant de tribalistes. Ce repli identitaire se manifeste par la floraison d’associations d’étudiants originaires des villages et des villes Bamiléké au sein des facultés, instituts et grandes écoles.
Au demeurant, la politique d’équilibre régionale version officielle part des quotas de places fixées pour les concours administratifs et d’entrée dans les grandes écoles. La pratique de cette politique s’est étendue aux nominations aux emplois civils et militaires et même au sport domaine par excellence du mérite, de la performance. Juridiquement, un concours est une compétition de personnes ayant les mêmes droits. Pourquoi établir des quotas régionaux en ce qui concerne les concours et recrutements au sein d’un pays ? Choisit-on de naître dans une région ou dans une ethnie précise ? Le préambule de la constitution de 1972 martèle que : « Tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs. L’État assure à tous les citoyens les conditions nécessaires à leur développement ». La loi prône l’égalité des chances mais ceux qui gouvernent ont crée ce que nous appelons : l’inégalité institutionnelle des chances. Nous définissons l’inégalité institutionnelle des chances comme l’application par l’État de règles visant à favoriser ou défavoriser un ou plusieurs groupes de population au détriment de la population générale. Les quotas régionaux sont la matrice de l’inégalité institutionnelle des chances. La pratique de l’équilibre régionale vient s’ajouter aux inégalités naturelles entre les hommes. Certains naissent plus intelligents, plus nantis, plus doués, plus forts… que d’autres. Au-delà des inégalités naturelles entre les hommes et les droits reconnus aux minorités, quand un État applique une politique du type « politique d’équilibre régional », il ne fait rien d’autre que du favoritisme, du népotisme, de la discrimination, de l’épuration. La politique d’équilibre régionale ou politique d’équilibre ethnique s’est pérennisée, affinée avec le successeur constitutionnel du président Ahidjo devenu successeur à vie par les méthodes et la manière connue de tous. La politique d’équilibre régionale n’est rien d’autre que l’exacerbation du tribalisme d’Etat, une planification du mérite, or le mérite ne se planifie pas, il éclos, il émerge, il s’exprime, on le respecte, on le promeut, on l’encourage, on le félicite, on le récompense. A la place de la politique d’équilibre régional, il est souhaitable de développer la saine émulation, qui par un phénomène analogue à « la main invisible » d’Adam SMITH réajustera les déséquilibres « sans niveler par le bas ».
La politique d’équilibre régional est un instrument de choix utilisé contre les Bamiléké dans tous les domaines de la vie nationale en particulier dans les concours et recrutements.
MINLEND Joseph Thierry
Leader Estudiantin
TONYE BAKOT instaure dans son institution la stupide politique camerounaise appelée pompeusement: politique d’équilibre régionale. La proximité du Grand Chancelier avec le pouvoir en place l’a influencé, la preuve il tient le même discours que le régime en ce qui concerne l’entrée, le recrutement dans les universités et grandes écoles. Il a jeté un pavé dans la mare, accentuant ainsi la frustration des originaires des Grass-Fields. Lorsqu’un Prince de l’Eglise prône la discrimination, il ya lieu de s’interroger, voir de s’inquiéter. L’actualité récente de l’UCAC nous offre l’opportunité de : questionner les critères qui ont sous-tendu l’élaboration de la politique d’équilibre régional à savoir le taux de scolarisation et l’importance démographique ; donner notre modeste point de vue quant à l’incidence de la politique d’équilibre régionale sur les Bamiléké en particulier.
Critère du taux de scolarisation de la province d’origine
Estimant que certaines régions n’étaient pas suffisamment représentées dans l’administration, le Président Ahmadou Ahidjo avait instruit par décret (N°82/407 du 07 septembre 1982 portant sur le régime général des concours administratifs) au ministre de la fonction publique de l’époque M. YOUSSOUFA DAOUDA de fixer des quotas de places réservées aux originaires de chaque province (aujourd’hui Région administrative) ainsi qu’aux anciens militaires candidats aux concours administratifs sur la base du taux de scolarisation et de l’importance démographique des provinces d’origine des candidats. Ces quotas sont les suivants par provinces : Centre-Sud 19% ; Est 4% ; Littoral 12%, Nord 30% ; Nord-Ouest 12% ; Ouest 13% ; Sud-ouest 8% ; Anciens militaires 2%. La pertinence des critères retenus pour aboutir à ces quotas ne laisse pas indifférent, elle suscite un commentaire.
La démarche consiste à faire quelques rappels historiques et non à brandir des statistiques. Ahmadou Ahidjo clamait que certaines régions du Cameroun notamment l’Est, le Nord et le Nord-ouest étaient moins scolarisées du fait de l’injustice coloniale. Il faut s’accorder sur le fait que l’école comme institution commence au Cameroun avec l’implantation définitive de l’Islam et du Christianisme au début du XIX siècle. A la différence de l’école islamique qui n’enseignait que les saintes écritures à ses élèves, l’école d’obédience chrétienne enseignait en plus de la bonne nouvelle, les sciences et les métiers. L’école publique instaurée par le colonisateur allemand et ses continuateurs français et anglais survient après l’institution des premières écoles confessionnelles. En 1914 on dénombrait 833 (huit cent trente trois) élèves dans les écoles publiques contre 49.000 (quarante neuf mille) élèves dans les écoles privées confessionnelles. Les premières écoles ont été construites par des missionnaires tel qu’Alfred Saker. Ainsi l’émergence de l’école au Cameroun est d’origine confessionnelle. Ahidjo aurait dû interroger l’anthropologie des peuples de ces régions moins scolarisées car dans l’hypothèse où il y avait peu d’écoles dans le Nord par exemple, rien n’interdisait aux originaires de cette région d’aller étudier au Sud du pays. Ahidjo lui-même était parti de Garoua sa ville natale pour fréquenter l’école primaire supérieure de Yaoundé.
Amougou Nguelé Paul (1925-2004) a été instituteur, député, secrétaire d’État. Sa carrière d’instituteur a couru de 1941 à 1956, elle s’est déroulée à Kougondong, Tibati, Ngaoundéré, Yaoundé-Ekoudou (Briqueterie). Il racontait à ceux qui l’ont côtoyé comment il traquait les enfants dans les maisons, les champs, la savane, il bravait la réticence des parents et des enfants en ce qui concerne l’école. Certains enfants se cachaient même sous le lit le voyant arrivé, il les en extirpait. Les anecdotes d’Amougou Nguelé montrent que certaines ethnies étaient réfractaires à l’instruction pendant la période coloniale, ces ethnies n’ont pas vite compris l’importance et l’enjeu de l’école. Le colon avait plutôt intérêt à scolariser pour mieux asseoir sa culture et par ricochet sa domination. Il savait cela. Si en surface le problème apparaissait sous forme de sous-scolarisation, au fond le problème était d’ordre anthropologique. Ahmadou Ahidjo aurait dû chercher son bouc émissaire ailleurs peut-être dans l’importance démographique des régions.
Critère de l’importance démographique de la province d’origine
Les résultats du premier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 1976 ont servi de base de travail pour la définition des quotas de places par province pour les concours administratifs et d’entrées dans les grandes écoles. Les données de ces résultats mises à la disposition du public ne précisent pas les effectifs ethniques de la population du Cameroun, mais plutôt des effectifs de population des circonscriptions administratives. Ahmadou Ahidjo ayant les données stratégiques sur les effectifs ethniques a choisi l’importance démographique des provinces comme deuxième critère d’attribution des quotas. Si ce critère était défavorable à sa province natale le Nord, l’aurait-il choisi ? Le Nord s’en tire avec la part du lion à savoir 30% des places. Il est important de noter que la population d’une province n’est pas l’effectif des originaires de cette province mais plutôt l’effectif des résidants, donc les migrations ont une place importante dans l’analyse. En 1976, la province du Nord comptait 2.089.791 habitants contre 968.856 pour la province de l’Ouest. Rappelons qu’en 1976, le Cameroun était formé de sept provinces et quarante départements et avait une population estimée à 7.663.246 habitants. La province du Nord de l’époque encore appelée Grand Nord a donné naissance aux trois Régions actuelles que sont : l’Adamaoua, le Nord, l’Extrême-nord. Le solde migratoire est égal à la différence entre les immigrants et les émigrés, c'est-à-dire la différence entre ceux qui s’installent et ceux qui partent d’une aire géographique sur une période donnée. En examinant le solde migratoire entre les départements du Cameroun sur une période de 5 ans et pour les deux sexes, le recensement de 1976 nous apprend que : le solde migratoire de la province de l’Ouest est négatif c'est-à-dire que l’Ouest se vide de sa population pour gonfler celles des autres provinces. Le solde migratoire de la province du Centre-sud est presque nul, mais les flux avec d’autres provinces sont importants. Quant au Grand Nord, les échanges migratoires de cette province se résument à des échanges interdépartementaux au sein de la même province donc l’effectif des résidants est sensiblement égal qu’à l’effectif des originaires.
Une enquête réalisée sur la population de la ville de Douala en 1964-1965, par le ministère des affaires économiques et du plan et l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques. Structure française) rappelait en ce qui concerne la répartition de la population par ethnie que : « Le groupe le plus important est toujours celui des Bamiléké qui représente plus du tiers de la population camerounaise… ». Les Bamiléké sont les plus nombreux malgré le génocide dont ils sont victimes à travers la guerre de libération nationale. Ce génocide ainsi que leur dynamisme économique les a conduits aux quatre coins du Cameroun, dépeuplant leur province d’origine, augmentant la population des autres provinces. A ce jour, nous pouvons prétendre qu’il y a des Bamiléké sur chaque kilomètre carré habité de notre pays. Un bel exemple d’intégration nationale, un exemple à suivre. L’alinéa (4) de l’article premier du décret N°82/407 du 7 septembre 1982 stipule que : « Est considérée comme province d’origine d’un candidat, la province dont ses parents légitimes sont originaires ». Cette définition est curieuse à plus d’un titre. La procréation se fait-elle uniquement au sein d’une même province ? En cas de naturalisation camerounaise des parents légitimes du candidat à quelle province d’origine appartient-il ? Ces questions recommandent qu’on n’intègre désormais la notion de terre d’adoption au Cameroun. En l’état actuel des choses, un jeune Bamiléké par exemple, dont la famille est installée à Douala depuis cinq générations et qui n’est jamais sorti e cette ville sera toujours considéré comme originaire de l’Ouest malgré l’assisse sociale et l’intégration de sa famille dans la communauté SAWA. Le critère de l’importance démographique est biaisé pour l’Ouest, avantageux pour le Grand Nord, car l’Ouest est pourvoyeur de résidants aux autres provinces. Le choix de ce critère n’était pas innocent, il procède d’une politique à tête chercheuse visant à endiguer les Bamiléké ce « … caillou dans la chaussure ».
Incidence de la politique d’équilibre régional sur les Bamiléké dans les concours et recrutements
Nous sommes en pleine saison des concours et recrutements dans les facultés et grandes écoles. Les fameuses délibérations ont eu, ont, ou auront lieu. Les délibérations qui distribuent le BAC aux camerounais à 8,50 sur 20 de moyenne, tandis qu’au TCHAD le BAC de cette année est à reprendre parce qu’on a délibéré à 9,50 et des têtes sont tombées. Pendant les délibérations, interviennent les quotas de l’équilibre régional, ce bourreau de la méritocratie qui coupe la tête aux brillants et laissent prospérer les cancres. L’équilibre ethnique va une fois de plus faire son lot de victimes en particulier dans la communauté Bamiléké. l’interprétation des quotas fixés par le régime AHIDJO montre qu’un originaire de l’Ouest a moins de chance d’entrer à l’ ENAM par rapport à un nordiste. L’ENAM ! Ce faux mythe de réussite sociale qu’on vante à la jeunesse camerounaise. C’est un autre débat. Les quotas régionaux travestissent la nature des concours et recrutements, car les candidats ne compétissent pas a une échelle nationale mais plutôt a une échelle intra-régional, on assiste à des concours dans le concours. Les Bamiléké ont pour challengers eux-mêmes malheureusement dans les limites du quota de places attribuées à l’Ouest. Les personnes de bonne foi issues du système éducatif camerounais reconnaissent la suprématie des élèves et étudiants Bamiléké dans les filières scientifiques et techniques et de plus en plus dans les filières qui n’étaient pas leurs domaines de prédilection. Au nom de l’équilibre ethnique, de braves originaires des Grass-Fields sont recalés au profit des médiocres et paresseux des autres régions. On se demande si le fait que les originaires de l’Ouest se soient très tôt révélé dans le domaine de l’intelligentsia et qu’ils soient pionniers ou majors dans divers secteurs n’a pas concouru à la mise en place de l’équilibre régional pour les contrecarrer. Nous pouvons citer quelques figures tel que : Pierre TCHANKEU premier expert comptable ; Samuel WANKO premier ingénieur des ponts et chaussées ; Jean FOCHIVE major à l’école de police ; Marcel NIAT NDIFENDI ingénieur électricien ; Général NSANSO premier polytechnicien d’Afrique noire. En aparté, les responsables des facultés et grandes écoles affirment que : sans les quotas, les concours et recrutements sont dominés par les Bamiléké.
Faute de trouver une place au bercail, les Bamiléké prennent le chemin de l’exil. Les cerveaux s’évadent dans l’indifférence absolue des pouvoirs publics, on penserait même à une complicité passive. Le Cameroun a cette particularité de former des hommes et femmes qui vont servir ailleurs. Ô l’argent du pauvre contribuable. Au Cameroun, la chasse aux cerveaux ne consiste pas à dénicher et apprivoiser le génie comme cela se fait sous d’autres cieux, mais au contraire à l’anéantir. Dans les couloirs des écoles et facultés on affuble les Bamiléké des noms les plus insolites : « Bosniaques », « envahisseurs » etc. le terme « Bosniaque » est apparut dans la rue pendant l’épuration ethnique de Bosnie-Herzégovine. Cette expression trahit le fait que les Bamiléké sont une cible. L’expression « envahisseur » renvoi à l’idée qu’aux yeux des autres camerounais les Bamiléké représentent une menace permanente. Le vocable Bamiléké est généralement employé au sens péjoratif comme une insulte, avec des sous-entendus. En fin de compte les Bamiléké se sentent exclus, marginalisés. Cela les conduit à un repli identitaire qui n’est pas appréciée des autres ethnies les taxant de tribalistes. Ce repli identitaire se manifeste par la floraison d’associations d’étudiants originaires des villages et des villes Bamiléké au sein des facultés, instituts et grandes écoles.
Au demeurant, la politique d’équilibre régionale version officielle part des quotas de places fixées pour les concours administratifs et d’entrée dans les grandes écoles. La pratique de cette politique s’est étendue aux nominations aux emplois civils et militaires et même au sport domaine par excellence du mérite, de la performance. Juridiquement, un concours est une compétition de personnes ayant les mêmes droits. Pourquoi établir des quotas régionaux en ce qui concerne les concours et recrutements au sein d’un pays ? Choisit-on de naître dans une région ou dans une ethnie précise ? Le préambule de la constitution de 1972 martèle que : « Tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs. L’État assure à tous les citoyens les conditions nécessaires à leur développement ». La loi prône l’égalité des chances mais ceux qui gouvernent ont crée ce que nous appelons : l’inégalité institutionnelle des chances. Nous définissons l’inégalité institutionnelle des chances comme l’application par l’État de règles visant à favoriser ou défavoriser un ou plusieurs groupes de population au détriment de la population générale. Les quotas régionaux sont la matrice de l’inégalité institutionnelle des chances. La pratique de l’équilibre régionale vient s’ajouter aux inégalités naturelles entre les hommes. Certains naissent plus intelligents, plus nantis, plus doués, plus forts… que d’autres. Au-delà des inégalités naturelles entre les hommes et les droits reconnus aux minorités, quand un État applique une politique du type « politique d’équilibre régional », il ne fait rien d’autre que du favoritisme, du népotisme, de la discrimination, de l’épuration. La politique d’équilibre régionale ou politique d’équilibre ethnique s’est pérennisée, affinée avec le successeur constitutionnel du président Ahidjo devenu successeur à vie par les méthodes et la manière connue de tous. La politique d’équilibre régionale n’est rien d’autre que l’exacerbation du tribalisme d’Etat, une planification du mérite, or le mérite ne se planifie pas, il éclos, il émerge, il s’exprime, on le respecte, on le promeut, on l’encourage, on le félicite, on le récompense. A la place de la politique d’équilibre régional, il est souhaitable de développer la saine émulation, qui par un phénomène analogue à « la main invisible » d’Adam SMITH réajustera les déséquilibres « sans niveler par le bas ».
La politique d’équilibre régional est un instrument de choix utilisé contre les Bamiléké dans tous les domaines de la vie nationale en particulier dans les concours et recrutements.
MINLEND Joseph Thierry
Leader Estudiantin