Affaire du BBJ-II: Les scénarios d'un verdict historique
YAOUNDÉ - 19 Septembre 2012
© Arthur L. Mbye | Repères
Balle au centre devrait-on dire, et bien malin est celui qui peut deviner le jugement qui sera prononcé le 21 septembre au TGI du Mfoundi. «Repères» esquisse quelques scénarios d'un verdict décidément historique.
© Arthur L. Mbye | Repères
Balle au centre devrait-on dire, et bien malin est celui qui peut deviner le jugement qui sera prononcé le 21 septembre au TGI du Mfoundi. «Repères» esquisse quelques scénarios d'un verdict décidément historique.
Vendredi 21 septembre, le collège des
juges du tribunal de grande instance du Mfoundi en charge du procès de
l'achat manqué de l'avion présidentiel BBJ-II doit rendre le verdict.
Marafa Hamidou Yaya, ancien ministre d'Etat, Yves Michel Fotso, ancien
administrateur général de la Camair, et cie, accusés de détournement en
coaction et de complicité de détournement de 31 millions de dollars,
sont accrochés aux lèvres du président du tribunal, Gilbert Schlick,
mais c'est tout un pays qui retient son souffle. Cette affaire s'est
complexifiée par la forte coloration politique que lui ont prêtée les
observateurs, mais elle est déjà en soi sans précédent dans les annales
judiciaires camerounaises.
Commencé le 16 juillet, trois mois jour pour jour après l'arrestation de Marafa Hamidou Yaya, le procès n'aura duré que deux mois et cinq jours avant de rendre son verdict. La ferveur populaire qui s'est emparée de l'affaire est certes retombée au fur et à mesure, mais c'est quasiment en direct que les audiences ont été suivies, rapportées dans les journaux comme jamais avant. Les réquisitions du procureur et les mémoires de la défense ont fait l'objet de publication intégrale dans la presse, fait sans précédent.
Au terme d'un mois et demi de débat, ponctué par les dépositions des accusés, des témoins et des pièces à conviction, le ministère a, le 27 août, requis la culpabilité de Marafa Hamidou Yaya, Yves Michel Fotso et Cie. Le 6 septembre, dans leurs mémoires de défense, les avocats ont élaboré sur l'innocence des accusés et demandé un acquittement pur et simple. Balle au centre devrait-on dire, et bien malin est celui qui peut deviner le jugement qui sera prononcé le 21 septembre au TGI du Mfoundi. «Repères» esquisse quelques scénarios d'un verdict décidément historique.
SCÉNARIO 1: MARAFA HAMIDOU YAYA ET YVES MICHEL FOTSO SONT ACQUITTÉS
Ce scénario serait un coup de tonnerre sans être un coup de théâtre. Car s'ils sont apparus coupables avant d'entrer dans la salle d'audience à l'ouverture de leur affaire le 16 juillet, Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso ont mené un procès qui a renversé la tendance générale de l'opinion publique. Avec la force du témoignage vivant et une abondante documentation, soit près de 200 pièces versées au dossier de procédure, ils ont détricoté des idées reçues et tordu le cou aux thèses longtemps entretenues pour astiquer leur culpabilité. Par exemple l'histoire de 16 des 31 millions de dollars débloqués qui seraient revenus dans les caisses de la CBC, et, partagés, en espèces entre complices du détournement à fait pschitt pendant le procès. Tout comme l'accusé n'a pas pu démontrer que GIA, qui avait reçu les 31 millions de dollars, Fotso et Marafa étaient un groupement d'intérêts communs. En tout état de cause, au vu des débats, Gilbert Schlick a de quoi motiver la relaxe pure et simple des accusés.
Seulement, les conséquences politiques d'un tel verdict, pourtant déjà envisagé dans le sérail, seraient importantes, notamment dans la gestion du phénomène Marafa Hamidou Yaya, l'homme des quatre lettres qui ont fait bouger le système et qui a publiquement exprimé ses ambitions présidentielles. L'encore membre du bureau politique du parti au pouvoir mettrait le pouvoir dans l'embarras, divisé qu'il est sur son cas, notamment au sujet de son avenir dans le RDPC. N'ayant jamais prononcé de décision d'exclusion d'un de ses militants, le parti au pouvoir garderait-il dans ses rangs cet ancien apparatchik devenu incontrôlable et très probablement vindicatif ? Oserait-il l'exclure sans provoquer une vraie scission, la première du genre dans la vie de la formation créée par Paul Biya et qui affiche 28 ans de vie au compteur? Marafa Hamidou Yaya, lui-même, prolongerait-il son chemin dans le RDPC dont certains membres, pontes du régime, ont travaillé à son arrestation?
La question de l'avenir de l'ancien Minatd dans l'hypothèse d’un acquittement n’est pas qu’une préoccupation pour le sérail, mais également pour lui-même. En effet, s’il est acquis qu’une sortie de prison serait célébrée par ses partisans, il n'est pas sûr qu'il puisse tenir sur la distance son statut d'opposant au système, exposé qu'il serait à l'usure et à l'accommodation. Le destin à la Mandela qu'on lui prête ne vaudrait que si sa détention est prolongée, lui façonnant alors un statut de martyr.
De plus, un acquittement de Yves Michel Fotso et de Marafa Hamidou Yaya signifierait que le processus d'achat manqué d'un avion présidentiel (d'abord le BBJ-II puis l'Albatros), entamé en 2001 et achevé en 2004, est un échec retentissant mais n'a pas de responsable, ou alors pas de coupable à indexer. En effet bien qu'il ait manifesté l'intention de faire payer les responsables de ces déconvenues, le chef de l'Etat n'a encore aucun coupable définitif à se mettre sous la dent. Bien qu'il n'y ait à ce jour ni avion présidentiel, ni le retour des ressources financières débloquées (près de 30 milliards de francs) pour cette dépense dite de souveraineté.
Le cas Fotso serait tout aussi difficile à gérer, notamment dans le strict cercle familial, où les positions se sont tranchées en son sujet. Relaxé, quelle place lui garderait-on dans la-vaste cour de son richissime père, qui ne s'est présenté à aucune de ses audiences ? Et quelle serait l'attitude de ses frères, qui l'ont enterré trop tôt?
Enfin, une relaxe des accusés de l'affaire du BBJ-ll mettrait la pression sur le procès en appel de l'affaire Albatros, actuellement pendant à la Cour d'appel du Centre, et qui met en présence, entre autres, l'ancien SGPR, Jean-Marie Atangana Mebara. Ce dernier avait déjà été acquitté en instance, preuve que sa défense n'est pas faible.
SCÉNARIO 2: LES ACCUSÉS SONT TOUS CONDAMNÉS
A la lecture des réquisitions du parquet le 27 août devant le tribunal de grande instance, du Mfoundi, on peut constater qu'il n'a pas varié d'un pouce dans sa volonté d'obtenir la culpabilité de Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso. Ignorant tous les éléments apportés au dossier et comme sourd aux nombreux témoignages enregistrés à la barre, y compris de ses propres témoins, le procureur a requis la condamnation des accusés. Une attitude qui cache plus la faiblesse de l'accusation bien malmenée au cours du procès, qu'elle ne s'appuie pas sur des éléments probants et irréfutables.
Quoi qu'il en soit, la culpabilité des accusés les expose, si le président du tribunal le suit, à une peine d'emprisonnement à vie, requis par le code pénal pour un détournement supérieur à 500 000 francs CFA. Dans cette hypothèse, bien malin celui qui pourrait fixer la peine à infliger effectivement, la condamnation à vie étant jusqu'ici l'exception dans l'opération Epervier.
Cette condamnation ferait rejaillir les accusations d'opération politique qui ont plombé ce procès dès l'arrestation de Marafa Hamidou Yaya le 16 avril. Yves Michel Fotso pourrait courir le risque d'un engloutissement par l'univers carcéral, mais il sait beaucoup de choses sur le dossier CBC et serait vite rappelé dans l'actualité par le dossier de la Camair pour lequel une plainte a été déposée en février par la liquidation. On a bien vu l'agitation dans le landernau après la sortie de ses avocats à propos des débiteurs de la CBC, dont il n'avait rien dévoilé des réels noms qui se cachent derrière les entreprises citées.
Marafa pourrait aussi continuer à perturber le pouvoir, compte tenu de la nouvelle stature qu'il s'est tissé avec cette affaire. Grâce à ses lettres ouvertes, il a montré son pouvoir de nuisance et engagé une œuvre de sape qui a obligé le pouvoir à prendre l'initiative des négociations. Son aura populaire pourrait croître au fur et à mesure des années passées derrière les barreaux.
SCENARIO 3: L'UN DES DEUX ACCUSÉS EST CONDAMNÉ
C'est une hypothèse faiblement possible. L'accusation a mis Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso dans le même sac. Toute la thèse du ministère public repose sur le fait que ce sont deux complices, coauteurs du détournement de 31 millions de dollars qu'ils ont planifié et mis en œuvre avec une pernicieuse intelligence. Si, les responsabilités étaient séparées, la thèse de l'accusation tomberait à l'eau.
Commencé le 16 juillet, trois mois jour pour jour après l'arrestation de Marafa Hamidou Yaya, le procès n'aura duré que deux mois et cinq jours avant de rendre son verdict. La ferveur populaire qui s'est emparée de l'affaire est certes retombée au fur et à mesure, mais c'est quasiment en direct que les audiences ont été suivies, rapportées dans les journaux comme jamais avant. Les réquisitions du procureur et les mémoires de la défense ont fait l'objet de publication intégrale dans la presse, fait sans précédent.
Au terme d'un mois et demi de débat, ponctué par les dépositions des accusés, des témoins et des pièces à conviction, le ministère a, le 27 août, requis la culpabilité de Marafa Hamidou Yaya, Yves Michel Fotso et Cie. Le 6 septembre, dans leurs mémoires de défense, les avocats ont élaboré sur l'innocence des accusés et demandé un acquittement pur et simple. Balle au centre devrait-on dire, et bien malin est celui qui peut deviner le jugement qui sera prononcé le 21 septembre au TGI du Mfoundi. «Repères» esquisse quelques scénarios d'un verdict décidément historique.
SCÉNARIO 1: MARAFA HAMIDOU YAYA ET YVES MICHEL FOTSO SONT ACQUITTÉS
Ce scénario serait un coup de tonnerre sans être un coup de théâtre. Car s'ils sont apparus coupables avant d'entrer dans la salle d'audience à l'ouverture de leur affaire le 16 juillet, Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso ont mené un procès qui a renversé la tendance générale de l'opinion publique. Avec la force du témoignage vivant et une abondante documentation, soit près de 200 pièces versées au dossier de procédure, ils ont détricoté des idées reçues et tordu le cou aux thèses longtemps entretenues pour astiquer leur culpabilité. Par exemple l'histoire de 16 des 31 millions de dollars débloqués qui seraient revenus dans les caisses de la CBC, et, partagés, en espèces entre complices du détournement à fait pschitt pendant le procès. Tout comme l'accusé n'a pas pu démontrer que GIA, qui avait reçu les 31 millions de dollars, Fotso et Marafa étaient un groupement d'intérêts communs. En tout état de cause, au vu des débats, Gilbert Schlick a de quoi motiver la relaxe pure et simple des accusés.
Seulement, les conséquences politiques d'un tel verdict, pourtant déjà envisagé dans le sérail, seraient importantes, notamment dans la gestion du phénomène Marafa Hamidou Yaya, l'homme des quatre lettres qui ont fait bouger le système et qui a publiquement exprimé ses ambitions présidentielles. L'encore membre du bureau politique du parti au pouvoir mettrait le pouvoir dans l'embarras, divisé qu'il est sur son cas, notamment au sujet de son avenir dans le RDPC. N'ayant jamais prononcé de décision d'exclusion d'un de ses militants, le parti au pouvoir garderait-il dans ses rangs cet ancien apparatchik devenu incontrôlable et très probablement vindicatif ? Oserait-il l'exclure sans provoquer une vraie scission, la première du genre dans la vie de la formation créée par Paul Biya et qui affiche 28 ans de vie au compteur? Marafa Hamidou Yaya, lui-même, prolongerait-il son chemin dans le RDPC dont certains membres, pontes du régime, ont travaillé à son arrestation?
La question de l'avenir de l'ancien Minatd dans l'hypothèse d’un acquittement n’est pas qu’une préoccupation pour le sérail, mais également pour lui-même. En effet, s’il est acquis qu’une sortie de prison serait célébrée par ses partisans, il n'est pas sûr qu'il puisse tenir sur la distance son statut d'opposant au système, exposé qu'il serait à l'usure et à l'accommodation. Le destin à la Mandela qu'on lui prête ne vaudrait que si sa détention est prolongée, lui façonnant alors un statut de martyr.
De plus, un acquittement de Yves Michel Fotso et de Marafa Hamidou Yaya signifierait que le processus d'achat manqué d'un avion présidentiel (d'abord le BBJ-II puis l'Albatros), entamé en 2001 et achevé en 2004, est un échec retentissant mais n'a pas de responsable, ou alors pas de coupable à indexer. En effet bien qu'il ait manifesté l'intention de faire payer les responsables de ces déconvenues, le chef de l'Etat n'a encore aucun coupable définitif à se mettre sous la dent. Bien qu'il n'y ait à ce jour ni avion présidentiel, ni le retour des ressources financières débloquées (près de 30 milliards de francs) pour cette dépense dite de souveraineté.
Le cas Fotso serait tout aussi difficile à gérer, notamment dans le strict cercle familial, où les positions se sont tranchées en son sujet. Relaxé, quelle place lui garderait-on dans la-vaste cour de son richissime père, qui ne s'est présenté à aucune de ses audiences ? Et quelle serait l'attitude de ses frères, qui l'ont enterré trop tôt?
Enfin, une relaxe des accusés de l'affaire du BBJ-ll mettrait la pression sur le procès en appel de l'affaire Albatros, actuellement pendant à la Cour d'appel du Centre, et qui met en présence, entre autres, l'ancien SGPR, Jean-Marie Atangana Mebara. Ce dernier avait déjà été acquitté en instance, preuve que sa défense n'est pas faible.
SCÉNARIO 2: LES ACCUSÉS SONT TOUS CONDAMNÉS
A la lecture des réquisitions du parquet le 27 août devant le tribunal de grande instance, du Mfoundi, on peut constater qu'il n'a pas varié d'un pouce dans sa volonté d'obtenir la culpabilité de Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso. Ignorant tous les éléments apportés au dossier et comme sourd aux nombreux témoignages enregistrés à la barre, y compris de ses propres témoins, le procureur a requis la condamnation des accusés. Une attitude qui cache plus la faiblesse de l'accusation bien malmenée au cours du procès, qu'elle ne s'appuie pas sur des éléments probants et irréfutables.
Quoi qu'il en soit, la culpabilité des accusés les expose, si le président du tribunal le suit, à une peine d'emprisonnement à vie, requis par le code pénal pour un détournement supérieur à 500 000 francs CFA. Dans cette hypothèse, bien malin celui qui pourrait fixer la peine à infliger effectivement, la condamnation à vie étant jusqu'ici l'exception dans l'opération Epervier.
Cette condamnation ferait rejaillir les accusations d'opération politique qui ont plombé ce procès dès l'arrestation de Marafa Hamidou Yaya le 16 avril. Yves Michel Fotso pourrait courir le risque d'un engloutissement par l'univers carcéral, mais il sait beaucoup de choses sur le dossier CBC et serait vite rappelé dans l'actualité par le dossier de la Camair pour lequel une plainte a été déposée en février par la liquidation. On a bien vu l'agitation dans le landernau après la sortie de ses avocats à propos des débiteurs de la CBC, dont il n'avait rien dévoilé des réels noms qui se cachent derrière les entreprises citées.
Marafa pourrait aussi continuer à perturber le pouvoir, compte tenu de la nouvelle stature qu'il s'est tissé avec cette affaire. Grâce à ses lettres ouvertes, il a montré son pouvoir de nuisance et engagé une œuvre de sape qui a obligé le pouvoir à prendre l'initiative des négociations. Son aura populaire pourrait croître au fur et à mesure des années passées derrière les barreaux.
SCENARIO 3: L'UN DES DEUX ACCUSÉS EST CONDAMNÉ
C'est une hypothèse faiblement possible. L'accusation a mis Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso dans le même sac. Toute la thèse du ministère public repose sur le fait que ce sont deux complices, coauteurs du détournement de 31 millions de dollars qu'ils ont planifié et mis en œuvre avec une pernicieuse intelligence. Si, les responsabilités étaient séparées, la thèse de l'accusation tomberait à l'eau.