Affaire de l'avion Presidentiel: Les raisons de la mise à l'écrou de M. Fotso Yves-Michel
YAOUNDE - 08 DEC. 2010
© Christophe Bobiokono | Repères
En refaisant le trajet de l'homme d'affaires dans les coulisses du tribunal de grande instance de Yaoundé mercredi 1er décembre, Repères révèle ce que la justice lui reproche.
La guerre Psychologique que se livraient depuis quelques mois le vice-Premier ministre charé de la Justice et l'ancien administrateur directeur général de la Camair a finalement tourné en défaveur de ce dernier. Le 1er décembre, M. Yves Michel Fotso a été interpellé dans son domicile à Douala avant d'être conduit à la direction de la police judiciaire (Dpj) à Yaoundé. Le même jour, l'homme d'affaires était placé en détention préventive à la prison centrale de Kondengui après avoir été reçu successivement par le procureur de la Republique pres le tribunal de grande instance de Yaoundé et un des juges d'instruction auprès du même tribunal. Une issue qui couronnait plusieurs années de tergiversations démarrées en août 2006 avec les auditions comme suspect du désormais prévenu à la Dpj.
Cette mise aux arrêts, intervenue au lendemain de la publication d'une lettre ouverte de l'homme d'affaires adressée au vice-Premier ministre chargé de la Justice, continue de soulever des interrogations. De fait, dans sa missive publiée sans le moindre commentaire par certains journaux le 23 novembre 2010, M. Fotso demande que M. Amadou Ali informe l’opinion publique du sort que lui réservaient les instances judiciaires du pays. « Je vous saurais infiniment gré, écrit-il, de bien vouloir solennellement informer le public de toute action judiciaire qui existerai à ce jour contre moi dans les juridictions camerounaises et qui justifierait les torts que je subis avec toutes les conséquences inimaginables que cela entraine tant sur ma santé que dans les affaires du groupe dont j'ai la charge».
PASCAL MAGNAGUEMABE
Et le silence du tribunal de grande instance du Mfoundi, dont aucun responsable n'a encore indiqué à l'opinion publique les faits mis à la charge du prévenu de même que les chefs d'inculpation retenus contre sa personne, alimente la polémique. Au point où la question revient sur toutes les lèvres: qu'est-ce que la justice reproche à M. Fotso et qu'est-ce qui justifie son internement ?
Le séjour de l'homme d'affaires dans les locaux de la justice à Yaoundé le soir de son interpellation offre quelques pistes de réponse (lire ci-dessous). C’est en effet M. Pascal Magnaguémabé, le juge d'instruction chargé d'enquêter, entre autres, concernant le processus foireux d'acquisition d’un aéronef pour la flotte présidentielle, qui l'a reçu avant son déferrement à la prison de Kondengui. C'est ce même Magistrat qui avait reçu l'ancien secrétaire général de la présidence de la république M. Jean-Marie Atangana Mebara, en août 2008, au moment de sa mise en détention préventive à Kondengui.
La mise en détention provisoire de M. Atangana Mebara était intervenue au lendemain de plusieurs semaines d'audition à la direction de la police judiciaire au cours des quelles M. Fotso et lui-même étaient les principales vedettes. Dans le cadre de la même enquête policière, le Premier ministre de l'époque, M Ephraïm Inoni, et l'actuel ministre d'Etat chargé de l'Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd), M. Marafa Hamidou Yaya, s'étaient également pliés aux questions de la police. Six chefs d'inculpations avaient été retenus contre l'ancien Sg de la présidence. Ils concernaient, d'une part, le processus d'acquisition d'un avion présidentiel, et d'autre part, divers problèmes liés à la gestion de la Camair.
24 MILLIARDS FCFA
Début 2010, cette affaire connaît un rebondissement dont Repères s'est fait l'écho. Le 3 février 2010, quasiment à la veille de l'expiration du mandat de dépôt décerné à M. Atangana Mebara, le juge d'instruction rend une ordonnance de renvoi et de non-lieu partiel dans laquelle il élargit l’ancien Sg du chef d'inculpation de «détournement de deniers publics en coaction» de la somme de 657 millions FCFA, l'une des six accusations mises à sa charge. Dans la même ordonnance, il dit avoir trouvé «des charges suffisantes contre Atangana Mebara Jean-Marie, Otélé Essomba, Hubert Patrick Marie et Kevin Watts pour le crime de tentative de détournement de deniers publics en onction de la somme de 31 millions de dollars Us», un peu plus de 24 milliards FCFA à l'époque des faits. Un procès ouvert depuis quelques mois pour lequel M. Fotso a été cité comme témoin de l'accusation.
Dans le même temps, M. Magnaguémabé décide de poursuivre l'instruction judiciaire sur les quatre autres chefs d'inculpation retenus contre M. Atangana Mebara et ses co-accusés. Il justifie aussi qu'un temps supplémentaire soit nécessaire pour lui permettre non seulement de mener des investigations complémentaires en vue d'asseoir sa conviction sur certaines accusations ou sur les déclarations déjà faites par certains suspects ou témoins, mais aussi pour identifier, inculper et entendre de nouvelles personnes. Parmi les personnes dont l'inculpation est annoncée, figurent entre autres MM. Fotso, Marafa Harnidou Yaya et Ephraïm Inoni. La relance du dossier intervient dix mois plus tard.
© Christophe Bobiokono | Repères du Mercredi 08 décembre 2010
Les faits mis à la Charge des clients annoncés de la phase II de l’instruction judiciaire menée par le juge Pascal Magnaguémabé sur l’affaire de l’avion présidentiel
«Les personnes mises en cause dans le détournement de la tranche de 27 millions de dollars Us avancés par la Snh pour l'achat du «Bbj-2» présidentiel sont: Yves-Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya, Fernando Gomez Mazéra, Russel L. Meek, darne Sadjong Gisèle, Mamadou, Ying André, Ndonmo, Youmi Raymond, Tchana Hugues, Ngoumba, Mandeng, les autres individus physiques non identifiés. Ces personnes n'ont pas encore été soit identifiées, soit inculpées, soit interrogées». Voilà l'un des extraits de l’ordonnance de disjonction de la procédure signée le 3 févier 2010 par M. Magnaguémabé, le juge d'instruction chargé de ce qu'il convient d'appeler l'affaire de l'avion présidentiel. Le magistrat faisait ce développement pour justifier la poursuite de ses investigations afin de cerner l'ensemble du dossier soumis à son examen.
C'est ainsi qu'il trouve les auditions, et, pourquoi pas, les inculpations des personnes citées ci-dessus incontournables à ses yeux pour savoir la destination finalement prise par les 31 millions de dollars Us, sortis des caisses de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) pour l'achat de l'avion présidentiel. En s'appuyant sur de nombreuses expertises menées par l'expert comptable Jean Pierre Okalla Munda, et l'expert financier Paul Emmanuel Tonyè, le juge d'instruction constate que sur ces 31 millions de dollars virés dans le compte de Gia International à la Bank of America à New-York avec pour destination la société Boeing, 16 millions de dollars ont refait le chemin du Cameroun et ont fait l'objet d'un partage dans les guichets de la Commercial Bank of Cameroon (Cbc).
Toujours, concernant les 24 milliards FCFA sortis des caisses de la Snh en deux tranches (2 millions de dollars, d'une part, et 29 millions de dollars, d'autre part) pour rachat de l'avion présidentiel, le juge d'instruction est convaincu, au regard des expertises sollicitées, que la première tranche a fait l'objet d'un détournement. Si M. Fotso a prétendu pendant l'enquête policière que c'est sa banque, la Cbc, qui a avancé cette somme à Gia International, les experts judiciaires ont conclu pour leur part que c'est le compte de la Camair logé à la Cbc qui a supporté l'opération et que le remboursement opéré par la Snh a été confisqué par la Cbc. M. Marafa Hamidou Yaya, secrétaire général de la présidence de la République au moment du décaissement des 24 milliards, intéresse aussi la justice. Ce dernier serait responsable du choix porté sur Gia International, malgré les réticences clairement exprimées par le ministre des Finances et devrait lui aussi s'expliquer, selon le juge d'instruction.
© Christophe Bobiokono | Repères
En refaisant le trajet de l'homme d'affaires dans les coulisses du tribunal de grande instance de Yaoundé mercredi 1er décembre, Repères révèle ce que la justice lui reproche.
La guerre Psychologique que se livraient depuis quelques mois le vice-Premier ministre charé de la Justice et l'ancien administrateur directeur général de la Camair a finalement tourné en défaveur de ce dernier. Le 1er décembre, M. Yves Michel Fotso a été interpellé dans son domicile à Douala avant d'être conduit à la direction de la police judiciaire (Dpj) à Yaoundé. Le même jour, l'homme d'affaires était placé en détention préventive à la prison centrale de Kondengui après avoir été reçu successivement par le procureur de la Republique pres le tribunal de grande instance de Yaoundé et un des juges d'instruction auprès du même tribunal. Une issue qui couronnait plusieurs années de tergiversations démarrées en août 2006 avec les auditions comme suspect du désormais prévenu à la Dpj.
Cette mise aux arrêts, intervenue au lendemain de la publication d'une lettre ouverte de l'homme d'affaires adressée au vice-Premier ministre chargé de la Justice, continue de soulever des interrogations. De fait, dans sa missive publiée sans le moindre commentaire par certains journaux le 23 novembre 2010, M. Fotso demande que M. Amadou Ali informe l’opinion publique du sort que lui réservaient les instances judiciaires du pays. « Je vous saurais infiniment gré, écrit-il, de bien vouloir solennellement informer le public de toute action judiciaire qui existerai à ce jour contre moi dans les juridictions camerounaises et qui justifierait les torts que je subis avec toutes les conséquences inimaginables que cela entraine tant sur ma santé que dans les affaires du groupe dont j'ai la charge».
PASCAL MAGNAGUEMABE
Et le silence du tribunal de grande instance du Mfoundi, dont aucun responsable n'a encore indiqué à l'opinion publique les faits mis à la charge du prévenu de même que les chefs d'inculpation retenus contre sa personne, alimente la polémique. Au point où la question revient sur toutes les lèvres: qu'est-ce que la justice reproche à M. Fotso et qu'est-ce qui justifie son internement ?
Le séjour de l'homme d'affaires dans les locaux de la justice à Yaoundé le soir de son interpellation offre quelques pistes de réponse (lire ci-dessous). C’est en effet M. Pascal Magnaguémabé, le juge d'instruction chargé d'enquêter, entre autres, concernant le processus foireux d'acquisition d’un aéronef pour la flotte présidentielle, qui l'a reçu avant son déferrement à la prison de Kondengui. C'est ce même Magistrat qui avait reçu l'ancien secrétaire général de la présidence de la république M. Jean-Marie Atangana Mebara, en août 2008, au moment de sa mise en détention préventive à Kondengui.
La mise en détention provisoire de M. Atangana Mebara était intervenue au lendemain de plusieurs semaines d'audition à la direction de la police judiciaire au cours des quelles M. Fotso et lui-même étaient les principales vedettes. Dans le cadre de la même enquête policière, le Premier ministre de l'époque, M Ephraïm Inoni, et l'actuel ministre d'Etat chargé de l'Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd), M. Marafa Hamidou Yaya, s'étaient également pliés aux questions de la police. Six chefs d'inculpations avaient été retenus contre l'ancien Sg de la présidence. Ils concernaient, d'une part, le processus d'acquisition d'un avion présidentiel, et d'autre part, divers problèmes liés à la gestion de la Camair.
24 MILLIARDS FCFA
Début 2010, cette affaire connaît un rebondissement dont Repères s'est fait l'écho. Le 3 février 2010, quasiment à la veille de l'expiration du mandat de dépôt décerné à M. Atangana Mebara, le juge d'instruction rend une ordonnance de renvoi et de non-lieu partiel dans laquelle il élargit l’ancien Sg du chef d'inculpation de «détournement de deniers publics en coaction» de la somme de 657 millions FCFA, l'une des six accusations mises à sa charge. Dans la même ordonnance, il dit avoir trouvé «des charges suffisantes contre Atangana Mebara Jean-Marie, Otélé Essomba, Hubert Patrick Marie et Kevin Watts pour le crime de tentative de détournement de deniers publics en onction de la somme de 31 millions de dollars Us», un peu plus de 24 milliards FCFA à l'époque des faits. Un procès ouvert depuis quelques mois pour lequel M. Fotso a été cité comme témoin de l'accusation.
Dans le même temps, M. Magnaguémabé décide de poursuivre l'instruction judiciaire sur les quatre autres chefs d'inculpation retenus contre M. Atangana Mebara et ses co-accusés. Il justifie aussi qu'un temps supplémentaire soit nécessaire pour lui permettre non seulement de mener des investigations complémentaires en vue d'asseoir sa conviction sur certaines accusations ou sur les déclarations déjà faites par certains suspects ou témoins, mais aussi pour identifier, inculper et entendre de nouvelles personnes. Parmi les personnes dont l'inculpation est annoncée, figurent entre autres MM. Fotso, Marafa Harnidou Yaya et Ephraïm Inoni. La relance du dossier intervient dix mois plus tard.
REBONDISSEMENT: M. Marafa Hamidou Yaya dans le viseur...
© Christophe Bobiokono | Repères du Mercredi 08 décembre 2010
Les faits mis à la Charge des clients annoncés de la phase II de l’instruction judiciaire menée par le juge Pascal Magnaguémabé sur l’affaire de l’avion présidentiel
«Les personnes mises en cause dans le détournement de la tranche de 27 millions de dollars Us avancés par la Snh pour l'achat du «Bbj-2» présidentiel sont: Yves-Michel Fotso, Marafa Hamidou Yaya, Fernando Gomez Mazéra, Russel L. Meek, darne Sadjong Gisèle, Mamadou, Ying André, Ndonmo, Youmi Raymond, Tchana Hugues, Ngoumba, Mandeng, les autres individus physiques non identifiés. Ces personnes n'ont pas encore été soit identifiées, soit inculpées, soit interrogées». Voilà l'un des extraits de l’ordonnance de disjonction de la procédure signée le 3 févier 2010 par M. Magnaguémabé, le juge d'instruction chargé de ce qu'il convient d'appeler l'affaire de l'avion présidentiel. Le magistrat faisait ce développement pour justifier la poursuite de ses investigations afin de cerner l'ensemble du dossier soumis à son examen.
C'est ainsi qu'il trouve les auditions, et, pourquoi pas, les inculpations des personnes citées ci-dessus incontournables à ses yeux pour savoir la destination finalement prise par les 31 millions de dollars Us, sortis des caisses de la Société nationale des hydrocarbures (Snh) pour l'achat de l'avion présidentiel. En s'appuyant sur de nombreuses expertises menées par l'expert comptable Jean Pierre Okalla Munda, et l'expert financier Paul Emmanuel Tonyè, le juge d'instruction constate que sur ces 31 millions de dollars virés dans le compte de Gia International à la Bank of America à New-York avec pour destination la société Boeing, 16 millions de dollars ont refait le chemin du Cameroun et ont fait l'objet d'un partage dans les guichets de la Commercial Bank of Cameroon (Cbc).
Toujours, concernant les 24 milliards FCFA sortis des caisses de la Snh en deux tranches (2 millions de dollars, d'une part, et 29 millions de dollars, d'autre part) pour rachat de l'avion présidentiel, le juge d'instruction est convaincu, au regard des expertises sollicitées, que la première tranche a fait l'objet d'un détournement. Si M. Fotso a prétendu pendant l'enquête policière que c'est sa banque, la Cbc, qui a avancé cette somme à Gia International, les experts judiciaires ont conclu pour leur part que c'est le compte de la Camair logé à la Cbc qui a supporté l'opération et que le remboursement opéré par la Snh a été confisqué par la Cbc. M. Marafa Hamidou Yaya, secrétaire général de la présidence de la République au moment du décaissement des 24 milliards, intéresse aussi la justice. Ce dernier serait responsable du choix porté sur Gia International, malgré les réticences clairement exprimées par le ministre des Finances et devrait lui aussi s'expliquer, selon le juge d'instruction.