Affaire Bapès Bapès: «Les juges ont fait leur travail dans la neutralité»

DOUALA - 21 AVRIL 2014
© B-P.D. | Le Messager

Selon des érudits du droit, le politique aurait manqué de professionnalisme.

31 mars 2014. Coup de tonnerre, le ministre des Enseignements secondaires, Louis Bapès Bapès est placé en détention provisoire à la prison centrale de Kondengui. Bien avant, il avait déféré à une convocation au Tribunal criminel spécial (Tcs), juridiction d’exception créée par le président de la République pour connaître des affaires de détournements de deniers publics. A son arrivée, Louis Bapès Bapès est conduit dans le bureau du régisseur de la prison. Des formalités de routine (notamment civilités d’usage, remplissage de la main courante, etc.) sont prises. Il loge au quartier 7où se trouvent déjà d’autres prisonniers de « luxe » tels que l’ex-Sgpr Jean-Marie Atangana Mebara et l’ex-ministre de la Santé publique, Urbain Olanguena Awono.

24 heures après, le ministre des Enseignements secondaires est libre. Le gouvernement camerounais tente alors une explication après l'imbroglio occasionné par l’arrestation de ce ministre encore en fonction, soupçonné dans une affaire de détournements de fonds publics. Face à la confusion générée par l’interpellation puis la mise en détention provisoire et enfin la relaxe en moins de 48h de son collègue du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication et porte-parole autoproclamé du gouvernement s’en remet à la seule conscience du juge. « Le juge n’obéit qu’à sa conscience, en son âme et conscience et en connaissance de cause que ce juge a posé les actes que nous connaissons », confie-t-il au cours d’un point de presse. Sur la question des pressions qui seraient venues du palais présidentiel pour amener le juge à se dédire, le ministre de la Communication invoque le principe de la séparation des pouvoirs : « Dire que les instructions viennent de la présidence, c’est supposé subodorer la subordination du judiciaire à l’exécutif. Personne n’est au-dessus de la loi. Le juge dit le droit au nom du peuple ».


Justice

Plus étonnant encore et malgré l’humiliation ainsi infligée à son collègue, Issa Tchiroma suggère que celui-ci pourrait reprendre assez tôt son travail : «rien ne s’oppose à ce que monsieur Bapès Bapès regagne son poste dès demain matin, dès lors qu’il n’a pas été condamné. Il n’y a pas eu un décret qui modifie le gouvernement. Avez-vous des doutes à cela ?» Cependant, longtemps critiqués d’être à la solde du pouvoir exécutif, certains érudits du droit, notamment le représentant du bâtonnier pour le Littoral pense que cette fois-ci, les juges ont fait leur travail. Et que « le politique a manqué de professionnalisme. Nous pensons que la Justice a agi et continuera à agir en toute impartialité en rendant la justice haut la main, car mettre aux arrêts un ministre en fonction relèverait d’un exploit jamais franchi au Cameroun», se félicite un magistrat du parquet. Qui pense qu’on ne saurait donner raison au conseil du mis en cause qui, consolant désespérément des membres de la famille du Minesec, arguait : « la pratique judiciaire camerounaise est unique au monde. “Le Cameroun c’est vraiment le Cameroun”; aussitôt arrêté, aussitôt en prison! Ici on piétine ouvertement le droit de la défense et le respect de la dignité humaine. En agissant ainsi le pouvoir crée un climat de terreur qui fragilise nos institutions. Que les délinquants soient sanctionnés mais que cela se passe en bonne et due forme, sans abus ni excès, dans la seule intention d’obtenir la justice et la vérité. Surtout pour un membre du gouvernement en fonction et dont l’identité est bien connue ».

Pour sa part, « la justice doit continuer d’être libre .Jamais un ministre en fonction n’a été encellulé pour répondre de ses actes devant la justice camerounaise. On doit en arriver là si nous sommes un pays de droit », espère-t-il. Non sans suggérer à Paul Biya d’expérimenter une nouvelle transhumance s’il veut efficacement impulser ou aseptiser les mœurs, la gouvernance économique et socioculturelle. Surtout en ce moment où des informations annoncent des arrestations à la pelle, parmi les potentiels clients du Tcs, des directeurs généraux et des ministres, gestionnaires épinglés pour faute de gestion par la commission de discipline budgétaire et financière du Contrôle supérieur de l'Etat et des dirigeants dont les enquêtes préliminaires avaient été déjà bouclées et transmises aux autorités judiciaires compétentes.

B-P.D.


21/04/2014
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