Affaire avion présidentiel: Me Alice Nkom demande l’annulation de la procédure
DOUALA - 07 SEPT. 2012
© Serge-Lionel Nnanga | La Nouvelle Expression
L’une des avocates de la défense a, en présentant ses réquisitions hier jeudi 06 septembre, sollicité du tribunal qu’il déclare nul et de nul effet l’action judiciaire engagée contre Marafa, Fotso et Kounda.
© Serge-Lionel Nnanga | La Nouvelle Expression
L’une des avocates de la défense a, en présentant ses réquisitions hier jeudi 06 septembre, sollicité du tribunal qu’il déclare nul et de nul effet l’action judiciaire engagée contre Marafa, Fotso et Kounda.
Cette demande, d’après l’exposé dont s’est fendu le conseil de Kounda Julienne, tient d’abord à des arguments de forme. En opérant par deux disjonctions de procédure dans le cadre de cette même affaire les 11 janvier 2010 et 8 juin 2012, le juge d’instruction, soutient-elle, a violé les dispositions du Code de procédure pénale qui limitent les ordonnances que ledit juge peut rendre. En conséquence, et conformément à l’article 251 (2), «il s’en suit que la procédure que vous a transmise le juge d’instruction est frappée d’une nullité absolue», assène t-elle. Sur la forme aussi, celle-ci constate que l’un des trois juges de la collégialité, Noah Joseph Vincent de Paul, a été nommé juge d’instruction uniquement. Et ne peut ainsi prester en tant que juge d’assise. Et, précise t-elle, d’après le décret N°2012/196 du 18 avril 2012 qui la consacre, cette nomination a pris effet depuis le 09 juillet 2012. Or, la première audience de ce procès s’est ouverte le 16 juillet. Sur la même lancée, Me Alice Nkom a poursuivi que les acteurs n’ont pas eu droit à un procès équitable. Pour preuve : aucune audience n’a commencé à 11h, heure généralement prévue pour le début des procès. Et ceci par la faute du ministère public qui ne s’est acquitté de cette tâche que lorsqu’il s’en sentait prêt. De plus, ajoute-t-elle, le même ministère public a produit une pièce essentielle – à savoir l’ordonnance de renvoi d’un juge d’instruction Suisse – pendant la période dite de «cross examination» qui n’appelle pas à contradiction. Il y a là une violation de l’article 1 (b) du Code de procédure pénale. Enfin, assène-t-elle, lors de la déposition de l’accusé Yves Michel Fotso, celui a presté debout pendant 13 heures d’affilées, malgré l’indignation de ses avocats. «C’est le seul accusé qui a du subir ce traitement inhumain, en violation de ses droits fondamentaux prévus dans la Constitution», s’est-elle émue. «Expertise irrégulière» Dans le fond aussi, l’avocate, qui a choisi de requérir en faveur des trois co-accusés présents à ce procès, a défendu l’annulation de la procédure. Notamment à cause de la qualité d’expert qu’elle dénie à la société Aircraft Portfolio Management (Apm) qui a conduit un audit sur les avions de la Camair, et à son principal dirigeant camerounais, Hubert Otélé Essomba, cité par le ministère public comme un témoin clé. Ni Apm, ni son responsable, argumente t-elle, ne sont des experts judiciaires car ne figurant ni sur la liste nationale des experts, ni dans celle d’aucun autre pays appartenant aux Nations Unies. Et conformément à la loi, Apm n’a ni prêté serment oralement avant le début de son audit, ni produit un engagement écrit dans ce sens. «L’expertise à laquelle elle a procédé est donc irrégulière et entraine la nullité de son rapport », conclue-t-elle. La même conclusion vaut pour son responsable qui, n’ayant ni vu, ni entendu, ni perçu les faits, ne peut être considéré comme témoin au sens de l’article 335 du Code de procédure pénale. A l’endroit de sa cliente, accusée de coaction de détournement de 31 millions de dollars, Me Nkom s’est voulue étonnée de son inculpation. «Vous êtes là pour rien. Vous n’avez commis aucune infraction […] On vous a demandé d’être un devin pour imaginer les conclusions d’une réunion qui a eu lieu à la Présidence à l’issue de laquelle le Minefi devait émettre une lettre de crédit et non virer directement de l’argent. On vous accuse de ne pas avoir su cela», a-t-elle lancé. «Celle qui n’a fait que son travail, sans le moindre profit personnel», paye d’après elle, les foudres du juge d’instruction qui souhaitait lui faire dire qu’Yves Michel Fotso est un «bandit». «On vous accuse de l’avoir fait (détourner, ndlr) de concert avec les deux messieurs (Marafa et Fotso, ndlr). Mais on constate que l’article 184 du Code pénal (qui définit le crime de détournement, ndlr) ne peut vous être appliqué», achève-t-elle. «Sur hautes instructions» Dans cet exercice oratoire, Me Nkom a aussi tenu à dénoncer les distractions du Tribunal. Sur la base de ce qui a été dit et des pièces qui ont été produites, constate-t-elle, c’est le Président de la République qui a donné des instructions pour l’achat de l’avion ; c’est sur ses «hautes instructions» que le paiement en espèces a été opéré à GIA ; c’est encore sur «hautes instructions» que la procédure d’acquisition du Bbj2 a été interrompue ; c’est enfin lui qui a mandaté Me Akéré Muna pour aller défendre les intérêts du Cameroun lors du procès en faillite de GIA. «Comment peut-on donc inculper des accusés qui n’ont pas reçu de l’argent ?», s’étonne-t-elle. Quid du procès de 2006 ? C’est, d’après Me Nkom, l’une des raisons qui fondent la nullité de la procédure. Suite au procès en liquidation de GIA devant le Tribunal de faillite de l’Oregon en 2006, l’Etat du Cameroun, partie à ce procès, a signé un «Settlement Agreement and Mutual Release». A son article 13, celui-ci prescrit de renoncer à toute action contre tous ceux qui ont contribué à l’acquisition du Bbj2, qu’il s’agisse des cadres, directeurs, actionnaires, partenaires, agents, responsables, avocats, employés, successeurs ou mandataires. En échange, le Cameroun, qui était défendu par le bâtonnier Me Akéré Muna, a été dédommagé d’un avion et d’une somme d’argent importante. La somme manquante aux 31 millions de dollars, d’après l’avocate, est inférieure à 5 millions de dollars. Cela tombe sous le coup, argue-t-elle, du principe juridique de l’autorité de la chose jugée reconnu par le Code civil camerounais. C’est-à-dire que l’affaire ayant déjà été jugée, il n’était plus possible de la rejuger. Dans ses réquisitions, le Procureur de la République avait tenté de botter cet argument en touche, faisant notamment valoir que l’affaire ayant été jugée au civil, elle pouvait de nouveau l’être au pénal |
|
|
|