26 gendarmes au tribunal dont 9 cagoulés, un exemplaire de « Lettres d'ailleurs » arraché.
Cour du palais de Justice de Yaoundé. 12h16. Un car de la gendarmerie
nationale s'immobilise sur le parking. Le car est « vert » de monde. On
aperçoit quand même quelqu'un vêtu de blanc.
C'est Jean Marie Atangana Mebara, en gandoura, arrivé au milieu de 16
gendarmes du groupement polyvalent d'intervention de la gendarmerie
nationale (Gpin). Neuf sont cagoulés. Ils se joignent aux 10 autres
gendarmes qui sont arrivés quelques minutes plus tôt. L'ex Sg/Pr refuse
de descendre du car. Il le fait savoir au chef d'escorte. Ce dernier lui
explique que ce dispositif sécuritaire n'est pas déployé à son endroit.
L'ex Sg/Pr descend alors du car.
Arrivé dans la salle d'audience, il menace de ne pas s'asseoir sur le
banc des accusés lorsqu'il se rend compte que les 26 gendarmes
encerclent la salle d'audience où il se trouve. Quatre gendarmes
cagoulés sont dans la salle. Le chef d'escorte, un lieutenant qui
n'officie pas souvent dans cette équipe, un homme grand de taille, tient
l'ex Sg/Pr à l'œil. Il ne s'est assis que quand Atangana Mebara a fini
par rejoindre le banc des accusés. Jean Marie Atangana ironise : « Avec
ce dispositif de sécurité, je ne me sens pas en sécurité », « ah
peut-être aussi qu'on doit exécuter quelqu'un ici », avance-t-il.
13h36. Gilbert Schlick, le président du Tribunal de grande instance du
Mfoundi et les membres de la collégialité font leur entrée. L'audience
est consacrée aux réquisitions intermédiaires du ministère public sur le
volet concernant la tentative de détournement de 1,5 milliard Fcfa. Les
avocats de Jean Marie Atangana Mebara sont absents. Le juge le
constate. Il passe tout de même la parole au ministère public pour ses
réquisitions. Le procureur Soh est déjà debout. L'un des membres de la
collégialité souffle quelques mots au président du tribunal, qui finit
par suspendre l'audience, le temps que les avocats de J.M. Atangana
Mebara arrivent.
Marie-Brigitte Mebara
Entre temps, Gilbert Schlick a reconnu que la présence des
avocats de l'accusé est un droit de la défense. L'audience a repris
après 15 minutes de suspension. Les avocats de M. Mebara, Me Assira et
Me Ekani, sont déjà en place. Dans son réquisitoire, le parquet
maintient les charges sur le volet concernant le détournement de 1,5
milliard. Le procureur reconnait cependant que les dépositions des
témoins à charge étaient contradictoires à l'accusation. Il propose que
les accusés donnent leur version des faits.
14h18. Encore une suspension. Gilbert Shlick et ses collègues se
retirent pour décider de la suite de la procédure. 14h30. Ils font à
nouveau leur rentrée, pour signifier que « le Tribunal estime que les
éléments de preuve suffisants sont réunis pour que les accusés puissent
présenter leur défense ». Jean Marie Atangana Mebara demande au Tribunal
de présenter ces « éléments de preuves ». Et Gilbert Schilck de lui
rétorquer: « Les éléments de preuves relèvent de l'appréciation
souveraine du tribunal qui n'a aucune, je dis bien aucune, explication à
vous donner ». Le ton se durcit, les nerfs se tendent. L'ex-Sg/Pr
choisit de faire une déclaration sous serment. Son coaccusé, Hubert
Otele Essomba, décide de ne plus faire de déclarations sur le sujet.
Dans la foulée, Me Assira demande la parole. Le juge lui demande
d'attendre. Quelques minutes après, le juge renvoie l'audience au 18
Janvier. La demande de mise en liberté que Me Assira voulait formuler ne
sera pas écoutée par le tribunal.
15h16. L'audience s'achève. L'auteur de « Lettres d'ailleurs », Jean
Marie Atangana Mebara, est, sollicité pour la signature d’ un exemplaire
du livre récemment publié. Le chef d'escorte est aux aguets. Et au
moment où l'auteur veut remettre le livre à son propriétaire, le chef
d'escorte l'arrache des mains de Jean Marie Atangana Mebara. Pleurs dans
la salle d'audience. Marie-Brigitte Mebara, l'épouse de l'auteur,
essaye de calmer ses belles-sœurs en larmes après cet incident. A
l'extérieur, Thérèse Atangana Mebara, la fille de l'accusé, veut dire
quelques mots à son père avant qu'il ne remonte dans le car, comme elle
en a l'habitude au sortir des audiences. Elle ne pourra pas, car
repoussée par des gendarmes. Elle éclate en sanglots. « Vous aussi vous
n'avez pas d'enfants ? », s’écrie-t-elle.