Actualité Corruption à la Fécafoot : Lorsque les délégués sont corrompus avec « La bière»
Marlène
Emvoutou, candidate malheureuse à la présidence de la Fédération
camerounaise de football affirme avoir arrosé des membres de l’assemblée
générale en échange de leur vote. Certains sont passés aux aveux.
Retour sur un scandale qu’on tente d’étouffer. Une gigantesque histoire
de corruption s’est nouée dans le sillage de l’assemblée générale
élective du 19 juin dernier à la Fédération camerounaise de football
(Fécafoot). De l’argent a circulé. Plusieurs personnes ont été arrosées,
dont un vice-président. Au centre de ce scandale, Marlène Emvoutou,
candidate malheureuse à la présidence de la Fécafoot. D’aucun parlent
même déjà de « L’Emvoutou gate ».
Tout commence lorsque Iya
Mohammed, le président sortant de la Fécafoot et candidat à sa propre
succession est interpellé le 10 juin, soupçonné de détournement de fonds
publics dans le cadre de ses fonctions de directeur général de la
Sodecoton. Son interpellation sonne pour certains, y compris parmi ses
alliés, comme une mise à l’écart de fait. On le croit non partant. C’est
alors que Lambert Yiodiodi, membre de l’assemblée générale, délégué du
Centre, contacte Pierre Batamack, lui aussi membre de l’Ag et délégué du
Littoral.
Les deux hommes se rendent chez Marlène Emvoutou pour
une entrevue avec cette dame à la peau claire et à la silhouette
légèrement enrobée. L’objectif de ces visiteurs est de lui montrer
qu’elle à l’occasion de sa vie d’être présidente de la Fécafoot. En
l’absence de Iya Mohammed incarcéré et de John Begheni Ndeh, honni par
une bonne partie des membres de l’assemblée générale, Marlène Emvoutou a
en effet un coup à jouer. Elle peut être élue. Au moins par défaut.
Mais, pour y arriver, il faut qu’elle « parle bien ».
Son
élection controversée comme présidente de la ligue régionale du Sud, non
pas à Ebolowa, mais dans un domicile privé (celui de Gervais Mendo Ze à
Yaoundé - Bastos) lui rappelle que tout est possible dans la maison du
football à Tsinga.
Iya Mohammed élu !
Autour
d’un goûteux plat de poulet et d’un bon vin au domicile de celle qui se
voit déjà présidente de la Fécafoot, le deal est noué. Pierre Batamack
exige la somme de deux millions de franc Cfa en échange de son soutien à
Marlène Emvoutou. Il promet également de rallier avec lui, tous les
délégués du Littoral qu’il dit contrôler. Celle-ci n’y voit aucun
inconvénient, mais dit ne pas avoir d’argent sur le champ. Elle promet
de tout payer la veille de l’élection. « Ça marche ! », fait Pierre
Batamack en se léchant les babines.
Lambert Yodiodi Emebé, lui,
n’est pas homme à attendre. Il veut sa part tout de suite. A force
d’insister, Marlène Emvoutou lui donne 100 000FCfa. Il se calme. Et les
trois se quittent sur ces entrefaites.
18 juin 2013. Veille de
l’assemblée générale élective de la Fécafoot. Pierre Batamack contacte
René Black Mpondo, le secrétaire général de la ligue régionale du
Littoral. « Il faut appeler Marlène Emvoutou. Elle va te donner quelque
chose pour moi. Voilà son numéro… », lui dit son interlocuteur. Le Sg
s’exécute. Marlène Emvoutou le retrouve à la Fécafoot, à Tsinga. Dans sa
rutilante voiture de marque Toyota Avensis et en présence d’un certain
Serge Nguifé, elle remet à René Black Mondo une enveloppe contenant des
liasses de billets : deux millions FCfa, en coupures de 10 000Fcfa. Elle
téléphone à Pierre Batamack pour lui dire que l’opération a été faite.
« La bière des gendarmes »
Avant
même que René Black Mpondo ait eu le temps de sortir de la voiture,
Pierre Batamack se pointe et récupère l’enveloppe. Sur les deux
millions, il remet 400 000 Fcfa à René Black Mpondo. C’est à ce niveau
que les versions divergent. Alors que les uns soutiennent que ces 400
000 constituaient la part de Black Mpondo dans le deal, celui-ci
déclare, quant-à lui, que Pierre Batamack lui a simplement demandé de
garder cet argent. Il ajoute que dans la journée et devant témoins, il a
remis 150 000 FCfa à la demande du même Batamack.
19 juin 2013.
Le jour de gloire. Marlène Emvoutou à tout d’une future présidente de
la Fécafoot. Elle porte un tailleur gris coupé sur mesure, qui relève sa
poitrine proéminente. Accrochée sur des chaussures avec des talons
aiguilles, elle est assise sur le siège arrière de son véhicule. Elle
est flanquée d’un costaud gendarme en civile qui lui sert de garde du
corps et d’un autre homme qui lui tourne obséquieusement autour,
talkie-walkie en main.
Après de nombreuses tractations aussi
bien au siège de la Fécafoot militarisé que dans les services du Premier
ministre, dont le but est de renvoyer cette assemblée générale
élective, elle finit par se tenir, peu après 21h. La surprise est de
taille pour Marlène Emvoutou. Celle qui est arrivée dans la journée avec
un large sourire a désormais la mine décomposée. Malgré tout l’argent
qu’elle a déboursé pour acheter des délégués de l’assemblée générale,
aucun d’eux n’a accepté de faire partie de sa liste. Même pas Pierre
Batamack, qui s’est fait élire troisième vice-président dans la liste
conduite par un prisonnier (Iya Mohammed). « C’en est trop », hurle
Marlène Emvoutou. Elle décide de faire cracher les sous à tous ceux qui
ont bouffés !
Korondo Mbelé, René Black Mpondo, Wanba Petit Michel
La
première victime de la dame furax est Christopher Kaba, le secrétaire
général de la ligue du Nord-Ouest. Elle se jette sur lui et exige qu’il
rembourse les 500 000 FCfa qu’il a empochés. Il réussit, avec l’aide de
quelques membres de l’Ag, à sortir des griffes de la candidate déçue. Il
fonce à l’hôtel où il a juste le temps de récupérer quelques affaires
avant de rentrer précipitamment à Bamenda. En pleine nuit.
Toujours
aussi furieuse et déterminée, Marlène Emvoutou saute sur celui qui,
selon de nombreux témoignages, a croqué le gros lot : Pierre Batamack.
Elle manque de l’étrangler. Il nie tout.
Le délégué de la Fifa à
cette Ag, Primo Corvaro est scandalisé par ce qu’il voit se dérouler
sous ses yeux. Une vaste histoire de corruption à ciel ouvert, sous le
nez et à la barbe de Charles Nguini, membre de l’assemblée générale,
président de la commission d’éthique et de fairplay, mais surtout
président de Transparency International Cameroon, une Ong de lutte
contre la corruption.
Vers 3h du matin, accompagnée de
gendarmes, Marlène Emvoutou se rend à l’hôtel Somatel dans le but de
récupérer son magot à Korondo Mbelé, le président de la ligue régionale
de l’Est. Lorsqu’il voit arriver les gendarmes, il tente de s’enfuir.
Trop tard. Il rembourse sur le champ les 500 000 FCfa qu’il a reçus de
Marlène Emvoutou, en plus de 100 000FCfa pour « la bière » des gendarmes
venus le chercher.
René Black Mpondo, Wanba Petit Michel et plusieurs délégués de l’Ouest vont rembourser ce qu’ils ont perçu à la gendarmerie.
Selon
des sources internes à la Fécafoot, c’est Iya Mohammed, depuis la
prison centrale de Kondengui où il est incarcéré, qui a exigé que la
lumière soit faite sur l’affaire de corruption qui a émaillé l’assemblée
générale élective du 19 juin dernier. « Il a dit qu’il faut sanctionner
très sévèrement tous ceux qui ont été mouillés. Que c’était une manière
de laver l’image de la fédération », confie un responsable de la
Fécafoot.
Pour le prix d’une bière
Cette
exigence du président de la Fécafoot est venue rejoindre celle du
délégué de la Fifa, Primo Corvaro et de Charles Nguini, le président de
la commission d’éthique. Mais, le secrétaire général de la Fécafoot,
Tombi à Roko, a trainé les pieds pour saisir la commission d’éthique. Il
a attendu deux jours pour le faire. Selon certaines indiscrétions, il
est embarrassé au plus haut point dans la mesure où certaines personnes
impliquées sont ses affidés. C’est le cas par exemple de Pierre
Batamack. « Quand on connait le niveau de pourrissement de la maison, je
ne serai pas étonné que cette affaire soit étouffée parce qu’on veut
protéger des gens », confie un membre de la fameuse Ag du 19 juin.
Joint
au téléphone, Charles Nguini, le président de la commission d’éthique
et de fairplay à la Fécafoot affirme que tous ceux qui ont été cités
dans cette affaire comparaitront et qu’une décision sera rendue dans un
délai raisonnable. « La commission d’éthique et de fairplay existe
depuis 2010. Nous avons déjà sanctionnés des membres de la ligue de
l’Ouest, des entraîneurs, etc. Tous ceux qui sont justiciables de cette
commission, sans exception, peuvent être traduit devant la commission »,
a-t-il dit. Les personnes impliquées dans cette vaste affaire de
corruption risquent jusqu’à la radiation à vie, si la loi est appliquée
dans toute sa rigueur.
Ce n’est pas la première fois qu’une
histoire de corruption éclabousse la Fécafoot. L’an dernier, des écoutes
téléphoniques illustrant une affaire de match arrangé avait été révélée
par certaines radios émettant à Yaoundé. Elle avait pour principaux
acteurs, Tombi à Roko, l’actuel secrétaire général, Pierre Batamack,
Joseph Feutcheu, président de club, etc. On ne parle pas de ces arbitres
du championnat que l’on achète pour le prix d’une bière. En toute
impunité.
© Le Jour
P.S: Titre de Icicemac
Copyright © Jean-Bruno Tagne, Yaoundé - Cameroun | 28-06-2013