Des
résistances contre les expéditions esclavagistes aux révoltes de
février 2008, en passant par les grèves estudiantines, les villes mortes
de 1991 ou les massacres des 24, 25 et 26 septembre 1945 à Douala qui
aboutirent l'éclosion de notre âme révolutionnaire immortelle, beaucoup
de sang a coulé, le sang de l'esclave, le sang de l'indigène, le sang du
colonisé; et à chaque fois, ce sacrifice ne comptait pas face aux
maîtres.Aujourd'hui encore, ce sont des millions de Camerounais(es) qui
sont pris en otage. L'actualité quotidienne est là pour nous le
démontrer ; on reste le nègre qui ne compte pas. La vie de tous les
Noirs de la terre ne vaut pas celle d'un seul Blanc. Oui, "c'est ça qui
est la vérité" comme disent nos frères ivoiriens.
Le 23 février 2008, quand des braves Camerounais se réunirent au carrefour Madagascar à Douala, bravant l'interdiction de manifestation et la menace des forces de répression, on pouvait entendre, de part et d'autres, un "trop c'est trop", un ras le bol sortant de la profondeur des âmes présentes. La révolte de février 2008 est loin d'être l'histoire des mômes affamés qui revendiquent le mieux-être, elle est un affront face à une profonde humiliation: celle du Noir à qui on a confisqué le destin, celle de l'Africain qui ne compte pas face à sa propre histoire. Cette tragédie est rendue possible par un gigantesque complot politique où l'on se sert d'un des nôtres pour asseoir la domination, le total mépris.
Quand la machine répressive de Yaoudé retentit dans tout le Cameroun du 23 au 28 février 2008 et colora de rouge les nuages de notre ciel, exactement comme les Boers innondèrent le fleuve Ncome du sang des Zoulous, on est dans la continuité d'une même histoire. Et derrière le drame, un Paul Biya qui se déploie en maître de cérémonie et balance un discours de revenant ou de mort-vivant, étant à des années lumières de la réalité, tout en étant enfermé dans une bulle, un Biya qui continue de se foutre de nous et décrète des sénatoriales sans notre avis, comme si personne ne s'était sacrifié pour qu'il en soit autrement.
Aujourd'hui, en commémorant nos morts de février 2008, nous nous engageons à achever ce que nos martyrs ont commencé.