Emmanuel Guiagain a été libéré après 25 jours de prison. Son plaignant, un policier, l’a torturé, avec la complicité d’un collègue du commissariat du 11e arrondissement de Douala, pour le faire renoncer à ses droits sur un lopin de terre. Le parcours qui a conduit Emmanuel à la prison de New Bell est inacceptable. " J’ai reçu, le 18 septembre, un coup de fil d’un certain Menené qui m’invitait à le rencontrer à la station Total Logbaba pour une affaire me concernant. Je m’y suis rendu en compagnie de mon oncle ", explique Emmanuel, éleveur d’une quarantaine d’années. Son interlocuteur arrive en compagnie d’un inspecteur de police qui lui demande sa carte d’identité. Surpris, Emmanuel s’insurge et demande des explications. L’inspecteur sort alors son arme, imité par le nommé Menené qui se présente alors comme agent de police. Les deux fonctionnaires le forcent à embarquer dans leur véhicule.
" Mon oncle qui craignait le pire m’a conseillé d’obtempérer et ensemble nous avons été emmenés au commissariat du 11è arrondissement de Douala où j’ai été jeté en cellule malgré mes protestations et mon désir de rencontrer le commissaire de police ", raconte Emmanuel Guiagain. Des heures après, il est invité à prendre connaissance de la plainte déposée contre lui par l’agent Menené. Ayant égaré ses lunettes pendant la bousculade de l’arrestation, il ne peut pas la lire et est alors entendu sur simple procès verbal avant d’être renvoyé en cellule.
Les pieds fouettés
Quatre jours durant, Emmanuel Guiagain est
régulièrement sorti de cellule, et invité à signer cette lettre de
Menené qui lui enjoint de renoncer à ses droits sur un lopin de terre
situé à Yaoundé. Devant son refus, il est fouetté sur la plante des
pieds et renvoyé en cellule. Au quatrième jour de détention, il est
enfin présenté au procureur du tribunal de Ndokotti, qui sans
l’entendre, et malgré son insistance, signe un mandat de dépôt pour la
prison de New-Bell.
Deux fois de suite, il est appelé au tribunal, accompagné de son
conseil, et questionné par le président. L’agent Menené ne daigne pas se
présenter. A la troisième audience et toujours en l’absence du
plaignant, le tribunal relaxe Emmanuel Guiagain. " Le 15 octobre, je
n’ai pas pu me présenter au tribunal, mon nom ne s’étant pas retrouvé
sur la liste des personnes autorisées à être extraites de la prison pour
le tribunal. Je me suis fait représenter par mon conseil. Le lendemain,
un oncle m’a rendu visite pour me dire que j’avais été relaxé et le 18,
j’ai quitté New Bell. Que n’ai-je vu dans cette prison ! Des jeunes
détenus sodomisés, des innocents comme moi qui y croupissent depuis des
années, des malades sans soins…", raconte Emmanuel qui en est sorti les
pieds boursouflés.
Quant à l’agent de police Menené et son collègue inspecteur de police, ils détiennent toujours sa carte d’identité, alors qu’aucune disposition légale ne leur en donne le droit. Emmanuel Guiagain est déterminé à intenter une action en justice contre ses deux bourreaux et n’attend plus que l’aval de son conseil. "J’ai perdu 26 porcs pendant mon incarcération, mes économies ont été dilapidées dans cette affaire et à l’heure où je vous parle, mes enfants ne sont pas inscrits à l’école, faute de moyens. Enfin j’ai eu beaucoup d’échecs dans mes tontines. Que faire ? Je ne laisserai pas ces abus impunis ", promet-il.
Avant lui, de nombreuses personnes victimes des abus des forces de maintien de l’ordre ont intenté et gagné des procès. De nombreux hommes en tenue sont ainsi régulièrement révoqués, suspendus ou envoyés en prison pour des abus multiples. Victime d’interpellation et de détention arbitraires, de séquestration et torture, Emmanuel Guiagain espère bien faire condamner ses bourreaux.