Avec la fin des joutes présidentielles qui ont couronné la victoire incontestable de Mr BIYA,je m’attendais à un mouvement d’ accélération des libertés dont une rumeur disait menacée. D’ailleurs, il faut dire que l’aspiration démocratique venant des pays arabes militait pour une épiphanie des libertés publiques et individuelles. La démocratie se nourrit de conflit d’idées, même si elle n’est pas enracinée dans la conscience de nos compatriotes. Ce n’est pas tant la fragilité de nos institutions actuelles qui doivent nous interpeller, mais l’absence ou la paralysie de ses principes de libertés sans lesquelles les thermidor ou un régime de terreur est possible. Trop de nos janissaires ne défendent ni les libertés, ni la justice, mais des objectifs idéologiques et intérêts personnels .
Ils ne veulent pas sauver l’Etat-Cameroun, mais leur emprise politique sur celui-ci ou des acquis exorbitants .C’est bien dommage pour notre pays, grave pour le fonctionnement de l’état de droit. Dommage aussi, parce que cette dérive n’est pas conforme à l’image du président Biya qui affiche une grande intégrité personnelle et une précieuse ductilité intellectuelle. La démocratie n’est plus ce qu’elle devait être, sinon un triple A que l’on dégrade selon le bon vouloir des décideurs. Je ne comprends pas comment un déni d’univocité exprimé par Enoh Meyomesse, un écrivain respecté peut détruire des institutions démocratiques comme les nôtres .je ne suis pas naïf au point de croire que la moindre aspiration de la liberté à sa réalisation vit sans connaître des détournements, des confiscations, mais le désir de liberté renaîtra toujours telle une source vive au point de devenir une force génératrice. Si l’on ne tient compte que de l’histoire des exemples foisonnent. Que c’est triste cet alambic de mauvais signes, cet entrelacs d’insouciance et de cynisme !
La fragilité démocratique a engendré la révolution française et la terreur, puis il y eut thermidor, puis l’empire dont la chute a provoqué la restauration de la royauté. Il a fallu attendre la fin du 19ème siècle pour que s’instaure la troisième république que le désastre de juin 40 a anéantie au profit de Vichy. ? Il va sans dire que l’écologie de l’inaction peut engendrer des insurrections comme on en voit défiler sur nos écrans de télévision. Lorsque la liberté d’expression s’éteint quelque part sous l’effet d’une paralysie institutionnelle ou sous l’effet d’une longue et lancinante cuisson à l’étouffée, pourquoi rejeter l’éclat d’une orientation de la pensée différente de la nôtre. On doit accepter la pratique concurrentielle des vérités opposées. L’urgence des situations n’est pas le meilleur guide de l’action -comment alors poser les fondements des projets de vivre-ensemble, si on ne multiplie pas les possibilités de dialogue avec l’autre. Une réflexion sur la conception de la liberté que nous souhaitons pour nos concitoyens me semble une nécessité.
Il faut alors expliciter l’idée que l’on se fait de notre pays, ce qui doit changer, ou être conservé. Pour moi, le plus important, c’est de construire un Etat démocratique où la liberté, l’égalité, la fraternité, les droits de l’homme représentent des valeurs incompressibles. Rien ne peut valoir les droits de l’homme, le soubassement de toutes les positions politiques possibles. Je n’en veux pas à ceux qui croient que le Cameroun est le berceau de nos ancêtres comme dit la chanson. Un territoire à défendre, mais aussi à conserver à l’identique des valeurs inaltérables de justice sociale et de justice économique. Je devine les cris de détresse d’une jeunesse qui attend qu’on leur ouvre les voies de l’emploi, au lieu du leurre d’un musée de contemplation .Et alors à la patience, succédera la peine.
On ne revient pas sur un système de liberté sous le prétexte qu’il y a des urgences ailleurs. Comment donc expliquer ce principe ruminatoire que l’on ne rencontre que dans l’espace africain qui rechigne à la modernité, se liant poings et mains à des contre-philosophies obscurantiste et moyenâgeuse. On devait lire ce que les historiens pensent de leur moyen-âge. L’historien Jacques Legoff nous en a rendu compte .La culture d’inégalité des Français devant la vie et la mort peut édifier le lecteur-citoyen. Certes, on nous dira que vivre sans notre passé est impossible, mais si ce n’est que pour le glorifier à l’instar de certains idéologues ou nationalistes enchanteurs, mais sans la maïeutique ou l’herméneutique, que vaut cette mythologie d’une époque dépassée où les droits de l’homme étaient bafoués .De cette niaise mélancolie ,on ne me fera pas croire que du jour au lendemain l’écrivain ENOH MEYOMESSE est devenu un chef de gang qui en voudrait à notre démocratie ,alors qu’il était plus naturel que ces actes s’orientent vers l’atteinte des biens privés ou publics .Ou alors, la parole armée, seule parvient à ouvrir des coffres-forts, à emballer des bandits de grand chemin qui ont mal tourné au contact de la prose brûlante d’un érudit qui dit ce qu’il pense et pense ce qu’il dit. Plus que des menottes pour emprisonner des idées, il faut les assassiner, et aussi sa descendance qui doit disparaître comme si l’avenir en dépendait.
On commence par Hegel et on finit par Heideger
Pourquoi nous refaire le Printemps de Prague, rue
Vaclav Havel. En livrant l’écrivain à l’impression ce solde pour tout
compte, on détruit une part de notre histoire à construire que l’on
estime peu , le désir de démocratie d’opinion ou la passion de dire ce
que les autres ne peuvent exprimer.
J’observe sur la scène nationale des menaces sur la stabilité des
institutions politiques et non sur la paix qui ne doivent pas justifier
des orientations staliniennes. Le désamour en politique vient de l’ordre
des dysfonctionnements de la démocratie. Les motifs opportunistes de
certains réseaux sociaux très actifs sur le net ne doivent pas
rabattre la soif de liberté à des slogans vite oubliés. La liberté est
comme l’air que nous respirons, sans air, le biotope politique est
invivable. De la détestation de ce souffle qui charrie un parfum
vivifiant de notre démocratie déjà en crise , on peut redouter des
effets de régression. On a si jamais cru au progrès des humanités dans
notre pays alors que de nombreuses régions de l’Afrique croulent sous
le poids de l’absence de liberté et de droit de l’homme. La politique de
deux pas en avant et un pas en arrière revient à revenir à un passé
dont on n’arrive pas à s’extraire. Lorsque l’Etat cherche à dire le
vrai comme le bon pour l’individu, on entre dans un cycle du temps du
paternalisme autoritaire si proche des valeurs anthropologiques héritées
d’un temporel hérissé d’interdits, et de tabou. La démocratie s’étiole
sans la participation active des citoyens. Enoh Meyomesse n’apporte
qu’une modeste contribution au déballage à la diable qui ne pourrait
être perçu comme une offense. Tant qu’à supporter, je préfère l‘insulte
à une bagarre ou à un emprisonnement pour des motifs sans lien avec
l’objet que l’on reprocherait au prisonnier de conscience. Les temps
difficiles ont ceci de précieux qu’ils débusquent les imposteurs et
détectent les mensonges. Telles les dernières élections présidentielles
ont affirmé une emprise à une démocratie de renaissance, quand on
prévoyait l’apocalypse. Plutôt que la vaine colère, le Cameroun a
choisi l’ancrage à une démocratie revigorée par les libertés
nouvelles. Un prodigieux vertige saisira l’observateur de la vie
politique quand il se penchera sur l ‘arrestation d’Enoh Meyomesse.
Est-ce le prélude à la fin de l’histoire ? C’est étrange comme les
enragés de l’inertie veulent culpabiliser l’écrivain rebelle en
annexant des camelots de preuve contre sa personne. D’où découle
patouille et manipulation, le point d’achèvement du complot n’est plus
si loin.
L’immense gain des années 90, est de vivre dans une société sans censure
Entre la découverte de l’Amérique, l’ivresse de la liberté et l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie, nous n’en sommes plus si éloignés avec le risque de plonger dans le déclin et les déchirures. C’est ainsi qu’une part de notre culture est immolée. A l’embastillement d’un écrivain en déshonneur au principe de liberté et pour des philippiques élidées ça et là, ne grandit pas notre démocratie. Si l’écrivain Enoh Meyomesse aime la boue, pourquoi l’empêcher de l’agiter, pour reprendre une expression de l’écrivain russe Tikhone dans sa lettre à Stavroguine. Notre gouvernement aime tant et si bien cette boue, qu’il a fini par s’en barbouiller. Nous vivons dans une infra -culture de la violence d’Etat qui peine à s’en aller ,une autre, celle que nous souhaitons pour nos enfants et pour la postérité ne trouve pas encore ses repaires .Faut-il interpeller les intellectuels qui pérorent dans le brouillard tumultueux de la mondialisation qu’ils refusent et sont d’autant moins fiables qu’ils sont péremptoires .Faut-il interpeller les politiques qui ont le goût de l’attaque, mais ne sont que des pauvres cassandres, des camelots, les plus courageux d’entre eux n’étant que des histrions qui gesticulent pour cacher qu’ils tournent en rond.
Combien de divisions, demandait Staline qui ne croyait point l’Etat du Vatican, en mesure de mobiliser des troupes contre une quelconque invasion étrangère. Où serait donc passée la troupiale de barbouzes au service du chef de gang dont la justice nous parle au lendemain de l’arrestation de l’écrivain Enoh Meyomesse. On balance des brandons de sœurs converses venues on ne sait où, des obus du temple des chanoines, et l’on veut brûler un homme avec cela, même au temps de l’autodafé, la dramaturgie du désir d’apostolat n’était jamais allé si loin. La liberté répugne au cynisme du fait de faire toujours alliance avec le temps suspendu au ciel des incertitudes. Le remède contre le cynisme ; c’est la fidélité au principe de la liberté d’expression et la démocratie d’opinion. Les fidèles sont incorruptibles. Comment donc reprocher à Enoh Meyomesse les habituelles crues verbales qui font fonction d’exercice d’une expression de la démocratie élémentaire. Ce qui distingue le bandit que Balzac nous décrit, de l’homme d’écriture Enoh Meyomesse, c’est qu’il obéit à une inspiration qui se veut monde .On perd vite goût à la vie où il n’arrive rien, et où on n’arrive à rien .Halte donc au procès d’exécution! J ‘ai bien peur que nos justiciers n’en viennent à exiger du prisonnier le respect d’un unanimisme tombé en quenouille derrière les barreaux de la honte