Condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois à la prison centrale de New Bell à Douala au Cameroun, Fabien Nkendeke en a purgé dix de plus. En cause, un problème de transmission du courrier du parquet vers la prison.Dix mois après la fin de sa peine, Fabien Nkendeke est enfin libre! Son mandat d’écrou à la prison de New Bell a été levé le 30 octobre 2012 alors qu’il aurait dû être libéré depuis décembre 2011. Dans le dossier de l’ex-détenu, l’extrait de la décision de justice indique qu’il a été écroué le 25 mars 2011 et condamné en avril de la même année à neuf mois de prison répartis en deux mandats. “Une première peine de six mois d’emprisonnement ferme. Puis une autre de trois mois pour défaut de paiement d’une amende de 26 000 Fcfa (contrainte par corps)”, souligne Dieudonné Engonga Mintsang, le régisseur de la prison de New Bell.
Où est passé le mandat ?
Pour revendiquer son droit à la liberté, Fabien a introduit deux requêtes au greffe du pénitencier. Sans succès ! “Le chef de cellule m’a dit qu’on ne retrouvait ni mon mandat d’incarcération, ni la décision de justice concernant mon procès dans mon dossier, explique le détenu. Par conséquent, on ne pouvait pas me libérer, faute de document qui prouve que ma peine était achevée”.
Cette information est confirmée par le régisseur. “Le parquet du tribunal de première instance de Ndokoti ne nous avait pas fait parvenir le mandat d’incarcération et/ou la décision d’audience. Faute de ces documents, Fabien revêtait le statut de prévenu. On ne pouvait donc pas le libérer”, explique-t-il.
Finalement, Fabien a cédé au découragement et renoncé à trouver une solution. “Que pouvais-je faire?, se plaint le détenu Je n’avais pas d’argent pour payer un corvéable afin qu’il aille au tribunal chercher la décision de justice qui indique mes peines. Je ne pouvais pas non plus compter sur ma famille. Mes proches habitent à Yaoundé. Ils ont refusé de m’aider à cause de mon entêtement à mener une mauvaise vie”.
Le 18 octobre dernier, des informations fournies par une journaliste de JADE (Journalistes en Afrique pour le Développement) Cameroun ont permis d’alerter le bureau des affaires répressives du tribunal de Ndokoti. “Je vais rédiger un extrait de la décision de justice. Il sera signé par le magistrat compétent. Dès ce soir, l’un des gardiens de prison chargé d’escorter les détenus au tribunal le ramènera en prison”, avait alors décidé une employée de ce service. C’est grâce à ce document que Fabien Nkendeke a été libéré le 30 octobre dernier. Un magistrat du tribunal de Ndokoti reconnaît l’existence d’un dysfonctionnement dans la transmission du courrier du tribunal vers la prison. “Dès qu’une décision de justice est rendue, explique-t-il. Le lendemain au plus tard, elle doit être transmise au parquet pour son acheminement immédiat à la prison. Ce qui n’est pas toujours le cas”. L’homme de loi remet également en cause la rigueur des gardiens de prison. “Certains geôliers à qui nous remettons des pièces ne les font pas toujours parvenir à la prison. Ils les gardent sur eux pour ensuite les monnayer auprès des détenus”, affirme-t-il. Fabien Nkendeke précise que les gardiens de prison ne lui ont jamais demandé de l’argent en échange des documents.
D’autres victimes
Coordonnateur du projet “Dignité en détention”, Prosper Olomo a identifié une centaine de détenus victimes du même problème. “Nous avons recensé des cas à Douala en relevant à chaque fois les dates d’écrou et de jugement des détenus. Grâce à ces informations les dossiers des détenus dans les juridictions ont été retrouvés. Ce qui a permis aux magistrats que nous avons saisis de délivrer les décisions de justice.”
Dieudonné Engonga Mintsang, le régisseur de New Bell, parle, lui d’informatiser le système de traitement des dossiers des détenus. “Cela nous permettrait d’avoir accès en temps réel à ces documents pour agir en temps opportun.”