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On ne change pas une société par décret » affirmait Michel Crozier.
Ainsi le drame de notre pays n’est nullement une question d’homme mais
un problème de système. Si un changement doit être opéré, c’est d’abord
le système qu’il faut attaquer. En outre lorsqu’un système change, il
change avec les hommes.
On aura beau avoir des hommes intègres pompés d’éthiques et de morale
professionnelle à des postes de responsabilités. Cependant, évoluant
dans un système comme le notre, ces valeurs seront immédiatement
neutralisées, absorbées et broyées par la logique du système.
Ici l’individu peut avoir les meilleures intentions du monde ajouté à la volonté de bien faire, mais il sera buté et refroidi dans son élan par la complexité d’un système qui lui impose le conformisme et la dictature. Notre système ne repose plus sur une forme d’autorité hiérarchique : personne ne commande personne ; personne n’est responsable de rien et on attend toujours l’action d’éclat d’un seul homme pour sonner la fin de la recréation. C’est un pouvoir totémique.
C’est pourquoi chez nous, on s’étonne souvent de ne pas comprendre qu’un pays qui compte pourtant en son sein une panoplie d’intellectuels au mètre carré soit toujours à la traine dans le développement. Certains intellectuels en ont fait l’expérience du système tandis que d’autres sont de plus en plus réticents à l’idée d’y rejoindre. Le professeur owona nguini par exemple a longtemps décliné les sollicitations du système et ce malgré les propositions alléchantes qui ont été formulé à son endroit.
C’est bien parce que ce socio politologue est conscient que c’est un système où l’individu ne peut se mouvoir selon ces idées. Ce dernier ne sera qu’à l’image de ce que le système a voulut qu’il soit c’est-à-dire une petite marionnette ne pouvant user de son indépendance d’esprit. Un autre intellectuel, le professeur Kamto, ce juriste bien averti avait pensé qu’en intégrant le système, il pouvait bouger les lignes en y prônant une démarcation des sentiers battus. Très vite, il sera rattrapé et stoppé par les vieux fantômes du système. C’est sans doute ce qui expliqua sa démission quelques années après du gouvernement.
Nous sommes dans un système voyou où des gens pensent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent, quand ils veulent et ou ils veulent nonobstant le fait qu’ils ont été élu et qu’ils devraient en principe rendre compte. Ce qui nous amène à remettre en question la liberté des électeurs dans le choix des élus. C’est un système qui entretient une paix balbutiante où tous les mouvements d’humeurs même les plus justifiés sont considérés comme des menaces à l’intégrité de l’Etat. C’est ainsi que chacun essaie de tirer son épingle du jeu, profitant et abusant au maximum de ses privilèges et surtout de se mettre à l’abri si jamais hécatombe il y a lieu.
In fine, notre système s’apparente à ce que Michel Crozier appelle « la société bloquée ». Ainsi si l'on veut faire bouger cette société bloquée , il faut absolument secouer le carcan que fait peser sur elle la passion de commandement, de contrôle et de logique simpliste qui anime les grands commis, les patrons, les techniciens et mandarins divers qui nous gouvernent, tous trop brillants, trop compétents et trop également dépassés par les exigences de développement économique et social...