Ils coordonnent principalement les renseignements.
Le 22 avril dernier, le chef de l'Etat a signé un décret nommant des sous-préfets. Ce texte était l'un des plus attendus car, un an après la nomination des préfets et la promotion de certains sous-préfets à cette fonction, des arrondissements se trouvaient sans autorité pour coordonner leur action. Des préfets parfois partaient des régions où ils venaient d'être nommés pour venir diriger, les week-ends notamment, des arrondissements qu'ils avaient dirigés avant. Des situations qui n'ont pas manqué d'engendrer une cacophonie.
Les sous-préfets en effet sont le maillon de base de l'administration territoriale camerounaise. Ils sont un héritage de l'administration coloniale qui a transposé dans ses colonies les pratiques et usages de l'administration française. C'est au milieu des années 1950 que le Cameroun, alors sous mandat de l'Onu, avec pour tutelle la France et la Grande Bretagne, que les colons ont institué une administration, la préfectorale. Elle était organisée autour d'une autorité centrale qui était le commissaire du gouvernement. Ce dernier, dans cette administration ultra centralisée, représentait le pouvoir central au niveau des territoires.
Une fonction qui résiste aux époques
Le sous-préfet a la charge de l'arrondissement. Au début, les colons s'en chargeaient euxmêmes, car ils voulaient avant tout pérenniser leur pouvoir sur les locaux qu'ils appelaient alors des « indigènes ». Peu à peu, au milieu des années 1950 notamment, voyant que l'autonomisation des territoires était inéluctable, ils ont passé la main à des locaux qu'ils désignaient, à la suite d’un examen de moralité, parmi les « lettrés ». Selon un ancien sous –préfet, c'était surtout des traducteurs et des instituteurs qui étaient fidèles aux colons. Ces sous-préfets avaient pour principale fonction de récolter les renseignements.
Ils avaient pour plus proche collaborateur l'agent spécial (actuel commissaire spécial) qui devait rendre compte des faits et gestes sur son territoire. Il y avait aussi le commandant de la brigade de gendarmerie ou le brigadier, qui étaient souvent d'anciens tirailleurs de retour du front, que les colons tenaient à récompenser. Le sous-préfet devait scruter le comportement de la masse, qui était l'état d'esprit de la population et qui permettait à l'autorité de prévenir tout soulèvement des populations et toute prétention d'accéder à la plénitude de ses droits. Plus tard, ces sous-préfets ont participé activement à la campagne de « pacification » qui était la répression sanglante de l'insurrection de l’Upc.
Pas de statut plus de 60 ans après
Le sous-préfet depuis n'a pas beaucoup évolué dans son fonctionnement ni dans ses attributions à en croire notre source. Il a conservé beaucoup de son totalitarisme. Car, si les sous -préfet ne se montrent plus avec la chicotte dans la main, ils portent toujours des vareuses et passent en revue des troupes le 20 mai tels des généraux. La fonction du sous-préfet n'est pas que folklorique. Les différents décrets et ordonnances de 1958, 1965, 1977 et 1978 leur ont maintenu leurs prérogatives dans leurs circonscriptions de compétence.
Mais une spécificité camerounaise lui adjoint des délégués d'arrondissement. Ces fonctionnaires sont souvent désignés par leurs ministères d'origine et doivent travailler sous les ordres du sous-préfet. Mais dans la pratique c'est rarement le cas, chose que regrette notre source. Pour elle, le fait que ces délégués, parfois, communiquent directement avec leurs ministères de tutelle sans passer par le sous-préfet et n'obéissent qu'à leur tutelle crée beaucoup d'inefficacité dans l'action publique. Jusque dans les années 1975, les arrondissements étaient nantis de fonds secrets.
Aujourd'hui, à en croire notre source, les sous-préfets sont obligés parfois de s'endetter pour organiser des réceptions, « sauf le 20 mai, quand de temps en temps, le Cabinet civil de la présidence de la République envoie un peu d'argent», se lamente notre interlocuteur. Autre lamentation de cet ancien sous-préfet, le fait que plus de 60 ans après, le corps préfectoral n’a toujours pas de statut. « Figurez-vous qu’en France, le sous-préfet ou le préfet sont des grades », dit-il.