D’une capacité de 15 lits, le centre de santé du pénitencier de la capitale camerounaise n'arrive pas à satisfaire les besoins des détenus. Les deux médecins et les neuf infirmiers sont incapables de répondre au nombre croissant de patients, atteints souvent de maladies graves.Le décès, le 29 janvier 2012, de Prosper Eny à la prison centrale de Yaoundé, est venu remettre sur le devant de la scène la question de la prise en charge sanitaire des prisonniers par les autorités de cet établissement pénitentiaire.
Eny Prosper, agent d’entretien aux Aéroports du Cameroun (Adc) et accusé de complicité de détournements aux côtés de l’ancien directeur général de cette entreprise, Roger Ntongo Onguene, comparaît, le 26 janvier devant le tribunal de grande instance du Mfoundi. Il ne peut se déplacer sans le soutien d’un proche qui l’aide à prendre place sur le banc des accusés. Le malade invoque une douleur atroce du nerf sciatique en réponse au tribunal qui s’enquiert de l’origine du mal dont il souffre. A l’issue d’une heure de débats, l’accusé, très fatigué, rejoint la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, après avoir échangé avec son conseil, Me Beback, qui n’obtient pas la sortie de prison de son client pour des soins appropriés.
Sida et tuberculose
Prosper Eny meurt le 29 janvier dans la nuit. Depuis lors, les pensionnaires de l’établissement interrogent les textes en vigueur sur la prise en charge des détenus, les circonstances et l’opportunité des évacuations sanitaires.
Le régisseur de la prison centrale de Yaoundé, Daniel Njieng, affirme, lui, que tous les pensionnaires sont astreints au test de dépistage de l’infection au VIH, dès leur arrivée en prison. Cette démarche permet au malade qui s’ignore, de se découvrir. A en croire les autorités sanitaires de la prison centrale de Yaoundé, l’infection du sida se propage, ici, par le phénomène de l’homosexualité et la promiscuité des quartiers 08 et 09 connus sous la dénomination de Kosovo. Ces locaux font également le lit de la tuberculose. Des réalités qui n’expliquent pas que la maison d’arrêt ne dispose que de deux médecins pour une population de 4600 personnes.
Par ailleurs, le quartier 04, exclusivement réservé aux tuberculeux, aux personnes atteintes du sida et aux blessés graves, est quasiment à l’abandon. Tout comme le quartier 10, identifié comme celui des malades mentaux. Pour palier les insuffisances du plateau technique et des équipes médicales, sur financement Giz et à l’initiative du médecin chef de la prison, le docteur Francis Ndi, un séminaire de formation de 20 détenus comme pairs-éducateurs s’est tenu pendant trois jours du mercredi 14 au vendredi 16 mars, afin de sensibiliser les détenus bénéficiaires, sur le sida, la tuberculose et les IST (infections sexuellement transmissibles). Toutes maladies qui causent les plus grands dégâts au sein de la population carcérale.
Pour autant, la question de la gestion des malades par l’établissement reste entière. Même si la direction soutient que l’infirmerie prend soin des détenus malades, la capacité du plateau technique demeure une réelle entrave à une prise en charge convenable. Devant la gravité des cas détectés, le docteur Louis Tobbie Mbida conseille à l’infirmerie de pratiquer des analyses médicales en laboratoire. Mais celle-ci n’a aucune structure prévue qui permet de réaliser un bilan hématologique, biochimique, hépatocellulaire, bactériologique et parasitologique complet. Le praticien préconise d’envoyer, au moins, "les prélèvements réalisés dans la prison à un laboratoire de ville ou hospitalier". Ce qui n’est pas le cas, affirment les malades.
Or, soutient Me Simon Pierre Eteme Eteme, "l’Etat, à travers la direction de la prison, a le devoir d’assurer des soins appropriés aux détenus malades et se doit d’assurer le transfert des malades le cas échéant vers des formations sanitaires de référence"