Dans un entretien-fleuve qu´il a bien voulu accorder á camer.be, Chief Mila Assouté n´a pas fait dans la langue de bois lorsqu´il aborde des sujets aussi délicats comme la succession du président Biya, l´opposition, l´homosexualité, le football camerounais, Samuel Etoo et la question du brassard, le rôle de l´armée et le pouvoir politique. Au plan international, le mali, Boko Haram et surtout sa rencontre avec l´ex-président Laurent Bagbo, qui est l´objet de cette première partie. Carnet de Voyage.
Chief Milla Assouté en roue libre sur sa rencontre avec Laurent Bagbo, ce qu´il a vu, entendu et dit:pas un pas sans Houphouet Boigny
L’histoire de ce pays est très délicate à aborder en raison des morts
que ce pays a enregistrés en si peu de temps. Je dois même ajouter des
morts pour rien. Certains diront pour la liberté, moi j’ajouterais pour
le pouvoir.
Lorsque j´arrive á Abidjan, invité au congrès de la liberté organisé par
le FPI, les collaborateurs de l’ancien président Laurent Bagbo
mettent un véhicule et un chauffeur á ma disposition. Je me permets un
tour de ville, question de découvrir la ville d´Abidjan. Á chaque coin
de rue, je demande au chauffeur qui a construit cette belle-vue là. Il
me répond: c´est feu Houphouet Boigny. Qui a construit l´immeuble-lá. Sa
réponse: c´est Houphouet Boigny.
Il y a une dame avec qui j´échangeais sur la politique á qui j´ai dit: " mais votre président est en guerre". Elle m´a répondu : "mais la guerre empêche -t-elle d´enlever les ordures á Abidjan où poussent comme des champignons, les nouvelles villas des cadres du FPI"? Elle m´a posé cette question á l´hôtel même où vous m´avez logé. Rires. Je crois qu´il faut faire attention avec cela.
Présentant le bilan de son tour de ville aux proches du président Laurent Bagbo, Affi Nguessang et autres,
Après mon tour de ville, je discute avec le président Affi Nguessang au palais de Laurent Bagbo en l’attendant lui-même pour le dîner qu’il nous offrait à sa résidence. Je lui dis: á toutes les questions que je posais au chauffeur, il me répondait: c´est Houphouet Boigny. Et je lui dis, mais monsieur le président, le chauffeur-là, c´est un chauffeur de la présidence, c´est á dire, le chauffeur que vous m´avez affecté. On ne peut pas dire qu´il a quelque chose contre vous puisque je lui posais des questions de touriste. Il me promenait pour que je découvre Abidjan; donc je lui posais des questions inattendues. Il répondait spontanément puisqu´il m´a aussi montré l´hôtel que vous êtes entrain de refaire. Il m´a dit que "c´est Houphouet qui avait construit, il avait laissé et vous êtes entrain de le terminer".
Ses conseils
Pourquoi je vous dis cela?
Vous allez dire que vous avez hérité d´un pays et que vous êtes en
guerre depuis 10 ans. Mais sachez que ce que le peuple retient, c´est ce
que votre chauffeur raconte. "Qui a construit l´immeuble-lá? qui a
construit la route là? Qui a construit le carrefour là. Résultat:
l´image d´Houphouet Boigny est aussi présente que jamais á Abidjan et
vous dites qu´il y a la guerre, mais eux ne parlent que d´Houphouet
Boigny.
Donc faites attention de vous lancer dans une élection avec pour thème de campagne "j´étais en guerre et on ne m´a pas laissé travailler!"
Parlant de Simone Bagbo
Son épouse a dit au cours d’une séance de discussion avec les militants du FPI lors du congrès de la liberté de ce parti, qu´elle était partie acheter des engins agricoles aux USA pour permettre aux populations de travailler mécaniquement et les français ont refusé… J´étais là et je me suis dit, mais, á supposer que ce soit vrai, monsieur le président, quand on va demander de savoir si c´est á la femme du président que revient la charge d´acheter des engins agricoles pour développer l´agriculture dans votre pays, il n´y aura pas une bonne réponse parce qu´il y a un ministre de l´agriculture. Peut-être qu´elle s´est adressée aux mauvaises personnes.
Aller chercher le sceptre dans le feu
Un de vos anciens ministres de la défense a répondu dans la même salle que quand le président de l’assemblée nationale Coulibaly, du moins l’ex, dit aux populations qu´il faut aller chercher le sceptre dans le feu, c´est certes dans le feu, mais vous oubliez qu´en trente minutes, le président Chirac a cassé vos avions et toute la flotte aérienne ivoirienne. IL vous l’a dit en public : "j´étais ministre de la défense et je vous l’avais dit non. Et il a ajouté, vous dites d’aller chercher le sceptre dans le feu, si ces gens là, les français là ou les américains nous vendent des armes qui ne crépitent pas au moment d’un combat contre eux, comment allons-nous même faire ?
Or, dans cette salle, parmi ses invités personnels, il y avait de nombreux amis français très proches de Mr Bagbo aux premières loges. Certains habitaient d’ailleurs chez lui au palais, des personnalités que je connais bien et avec qui j’ai quelques liens cordiaux : Le Pr. d’université Robert Bourgi et monsieur. Guy Laberti par exemple, pour ne citer que ceux-là…
J’avais du mal et j’ai toujours ce mal, à saisir cette contradiction dans les postures.
Rapport des forces
Partout et en toute chose, il y a un rapport de forces dans tout ce
que nous faisons, il faut en tenir compte. Je ne dis pas de s´aplatir,
mais je dis de savoir jusqu´où on ne peut pas aller dans nos élans
verbaux parce que cela peut conduire á la guerre et à la catastrophe. Et
vous, cela peut vous amener vers d´autres destinations que celles que
vous proposez á votre peuple.
Le temps m´a donné raison. Aujourd´hui il est exactement là où je lui avais dit que cela pourrait l´amener. C´est cela la chute.
Mes difficultés
J´avais eu quelques difficultés á quitter la Côte d´ivoire après ces conseils.
Pourquoi je vous le dis?
Parce que voilà, on m´a dit á l´aéroport que pour sortir d’Abidjan, et rentrer à Paris d’où je suis venu, mon titre de voyage des nation- unies délivré par la France ne suffisait pas à lui tout seul. Il fallait ma carte de séjour en France…L’avion m’a laissé. Et pourtant, j´en avais une, sauf que je l´avais laissée á Paris et on ne m´avait pas dit que c´était une condition pour aller en Côte d´ivoire non plus. Mais comme on n´avait pas apprécié que je donne des conseils que je considère aujourd´hui encore comme justes puisque le temps m´a donné raison, j´ai eu ces difficultés là pour quitter le territoire. J´ai dû passer par le Bénin où des amis m’ont accueilli au salon présidentiel pour revenir á Paris.
En quelle année était-ce?
Voilà cette partie de l´histoire.
Pour ce qui nous concerne, le Cameroun, je tiens compte de tous ces paramètres pour avancer.
à suivre........