Dans les rues de la capitale économique, elles ne se sont pas privé des débordements et autres gestes obscènes. «Enfin le 8 mars! On va soulever les kaba», se réjouissaient les femmes dans la matinée de la journée à elles consacrée. La journée internationale des droits de la femme.
Après le défilé à la place de l’Udeac à Douala,
pendant que d’autres se rendaient chez des amis ou dans des réunions,
question de se souhaiter une bonne fête, la plupart des femmes
rentraient chez elles. Pas que la journée était finie. «On part se
reposer pour bien attaquer la soirée», lance Emilie.
Qui ajoute: «Nous allons nous retrouver le soir au cabaret.» Si pendant
la journée elles affichaient encore l’air sérieux, les masques vont
tomber dans la nuit. A la «rue de la joie» à Deido, jeunes, adultes,
bref, toutes les catégories ont assiégé les débits de boisson. Des
bouteilles de bière, de jus et de whisky recouvraient les tables. «Dj
envoie nous la chanson soulever.
C’est le 8 mars. On veut s’éclater, on veut
soulever», crient elles à tue-tête. Le barman ne va pas se faire prier.
«Même si c’est sale, même si c’est rouge soulevez», chante l’artiste. Et
bonjour le rituel cinéma de chaque année. Les femmes lèvent leurs robes
(kabas) du 8 mars, jusqu’à de la tête, laissant entrevoir leurs dessous
sans gène aucune. Une scène applaudie. «Tu savais danser ainsi ? C’est
bien ça ma sœur. Soulève-moi le kaba là. Aucun homme n’a droit à la
parole sur nous aujourd’hui. C’est notre journée. Nous avons toute la
nuit devant nous.» Il y a pourtant des âmes sensibles qui jugent ces
comportements obscènes.
De l’avis de Nadège, «c’est illogique, déviant et salissant ce que nos
sœurs font. La journée internationale de la femme qui, ailleurs, est
appelée journée internationale des droits de la femme n’est pas
l’occasion pour la femme de se dénuder devant les gens.
Ce n’est pas pour ce type de comportements que des
braves femmes avaient tant lutté pour que cette journée nous soit
consacrée.» Cédric quant à lui reproche «à nos mères et sœurs cette
attitude. On a l’impression que leur esprit est formaté sur le pagne du 8
mars et sur l’indécence. Quand je vois des femmes se mettre à nue de la
sorte j’ai honte à leur place.» Les mentalités ne sont malheureusement
pas sur le point de changer.
Célébration du 08 mars: Les stratégies féminines de conquête du pouvoir
Entre de forts taux d’absence au travail et la
pratique de l’école buissonnière, au fil des temps de la célébration des
journées internationales de la femme, celle-ci s’active dans le
positionnent et une forte présence dans les espaces où se déroule la
bataille pour l’accaparement du pouvoir.
Signe des temps ou grande révolution féminine en perspective, le moins
que l’on puisse dire c’est que la gent féminine a définitivement pris
l’engagement de négocier sinon d’entrer efficacement dans la compétition
pour la conquête d’un grand nombre des parcelles de pouvoir. Les
stratégies de ruse et d’endormissement qu’elles utilisent, face à la
bonté de l’homme, leur permettent d’agrandir leur positionnement.
Au commencement, était la course effrénée vers le
pagne du 08 mars. De revendications en revendications, elles ont mis le
cap sur les dérives et le prolongement des fêtes dans les bars, les
boîtes de nuit et les bistrots pour la majorité. Du coup, les hommes se
sont laissé endormir, pensant avoir réussi à éloigner la gent féminine
du contrôle du pouvoir. Que non !
Depuis une demi-dizaine d’années, même si certains égarements et
dépravations des mœurs du monde féminin persistent, dans les lieux de
plaisirs, les femmes ont une idée dans la tête. En rangs serrés, elles
rusent sur des hommes pour marquer leur présence ; au point où, elles
sont la paralysie de certaines espaces de travail. Comme Eve avait
réussi à tromper la vigilance d’Adam, pour fourvoyer toute l’humanité,
revoici les femmes utilisant les mêmes stratagèmes, pour prendre le
dessus. Les thèmes de célébration qui connaissent des mutations
annuelles, ne sont pas choisis au hasard.
Depuis des années, la société est « perturbée »
par la massification et une forte densité de la gent féminine dans
l’enseignement et autres administrations. Ce qui ne va pas sans son
corollaire de difficultés et d’entraves au bon déroulement du travail. A
l’habituelle « tragédie » des congés maladies (grossesse), congés de
maternité, est venue s’ajouter la célébration de la fête du travail.
Plus les femmes multiplient des conquêtes des espaces de liberté, de
mêmes elles en redemandent… Dans l’insatisfaction générale.
La féminisation de la bureaucratie administrative et de l’enseignement
dans les zones urbaines par exemple a fini par paralyser la vie dans les
établissements scolaires et dans la fonction publique. 75% du personnel
de première main, des secrétaires et des dépositaires des dossiers
importants dans les administrations publiques sont des femmes.
Elles ont réussi à encercler par leur trop grande
présence de hauts responsables, les décideurs et les directeurs de
l’administration centrale au point d’en faire des otages. Il existe dans
des administrations publiques, certains postes de travail qui sont tels
que, quand les femmes ne sont pas là, leurs chefs n’y peuvent rien et
sont obligés de passer le temps à se tourner les pouces ; sinon à
s’exposer au délit d’abandon de travail.
Vase communiquant
Le jour de la célébration du 08 mars dernier, dans les bureaucraties administratives, on a ressenti le même flagrant délit d’absence des femmes. L’immensité et le caractère sensible de leurs tâches quotidiennes (elles occupent pour la majorité des postes de secrétaires de direction, secrétaires particulières), a davantage compliqué la tâche à leurs patrons ; et rendu également impossible le travail par effet de vase communiquant. Si dans les ministères tenus par les femmes, c’était une journée déclarée fériée qui ne disait pas son nom, dans les autres ministères et services centraux, à cause d’une féminisation accrue, le travail a été difficile.
Tenez : dans certains départements ministériels,
hautement stratégiques, des directeurs ont détalé en vitesse pour éviter
l’engorgement. « Les cabinets de ces ministères regorgent en grande
partie des femmes qui sont des personnes à tout faire. L’ordinateur
qu’on voit dans le bureau du directeur sert le plus souvent d’ornement.
Dans un tel contexte, ce dernier ne peut pas travailler puisqu’il n’a
pas la main sur les dossiers. Par conséquent, ils sont handicapés et se
sentent diminués en l’absence des femmes au travail » explique un
directeur.
Dans l’enseignement, ce sont presque toutes les écoles maternelles
(privées et publiques) de Yaoundé qui étaient fermées. Mêmes les écoles
primaires, dont l’effectif en enseignants est en majorité féminin, ont
demandé aux parents de garder leurs enfants chez eux. « Quoi de plus
normal, l’enseignement périscolaire est la chasse gardée des femmes. Le
08 mars est le grand jour pour les femmes » clame une enseignante,
visiblement étonnée par la surprise affichée par le reporter du
Messager.
Il n’y a pas que les écoliers de l’enseignement maternel qui ont été déstabilisées. Les établissements d’enseignement secondaire et supérieur, eux aussi à fort potentiel féminin, ont connu le même phénomène, même si l’ampleur n’était pas identique. Les élèves ont été livrés à la vadrouille et la délinquance ; les hommes en ont profité aussi pour jouer les pantouflards. S’agissant des établissements scolaires dirigés par les hommes, avec un minimum de pudeur, on a proclamé la mi-temps (l’école jusqu’à midi). Il va de soi que dans cette dernière hypothèse, les femmes étaient exemptes d’enseignement.
Bénéficiant des largesses des chefs de départements ministériels, des
recteurs d’universités et même de la hiérarchie administrative, les
femmes ont quartier libre tous les 08 mars. Mais à qui la faute ? Aux
hommes bien sûr… Hélasè ! Les pouvoirs publics, les barons du Renouveau
surtout, n’en ont cure, car cette stratégie qui concourt à
l’infantilisation de la femme est également une manière de les tenir «
captives », pour en faire du bétail électoral. Il n’y a qu’à voir
comment les hommes d’affaires, les députés, les exécutifs communaux, les
gestionnaires de crédits s’emploient à travers une kyrielle de manies,
pour l’achat de grosses quantités de pagnes.
Une générosité suspecte et conditionnée, parfois,
une occasion de s’engraisser et de distraire les fonds publics sur le
dos des femmes. Ils ordonnent des décaissements qui ne sont pas prévus
et qu’il est difficile de contrôler, simplement parce qu’ils veulent
faire « honneur » aux femmes. « Ils organisent quand même le déblocage
d’argent pour l’achat du pagne, offre des frais de couture et des agapes
illimités à la fin du défilé. La taille de la dépense n’est pas
orthodoxe et pourtant il s’agit de la même administration. Tout cela
parait suspect » se plaint un haut cadre du ministère des finances.
De fil en aiguillle, il apparaît que les braves femmes en redemandent.
En plus d’être aux bons soins, ou de s’offrir des espaces de temps
illimités, le pouvoir central aguiche une bonne poignée, parmi celles
surtout qui sont en pole position dans la gestion du pouvoir. La
présence de Chantal Biya pour présider le défilé du 08 mars n’est pas
gratuite. Les routes sont barrées, les forces de l’ordre et la garde
présidentielle sont mobilisées ; ce qui démontre à suffisance, un
certain bicéphalisme à peine voilée au sommet de l’Etat. L’effet
d’entraînement aidant, les mêmes réflexes sont observés dans les
familles.
Point n’est besoin pour Le Messager, de faire le procès de la célébration de la journée internationale des droits de la femme ; ni celui du changement annuel du pagne. Si hier, l’occasion de cette fête permettait aux femmes de « manger », « boire » au frais des chefs d’entreprises et de l’administration ; ou d’exceller dans la diversité des coupes et la pluralité des « Kaba », les temps ont changé. Les femmes éprouvent désormais d’autres appétits. Aux hommes d’en prendre conscience et à l’Etat de réguler cette célébration. Le coup d’état des femmes arrive à grands bonds. Gare aux esprits non avertis.