6 Novembre 1982 - 6 Novembre 2012: Programmation économique: Les plans quinquennaux enterrés avec Ahidjo
DOUALA - 06 NOV. 2012
© Edouard KINGUE, Alain NOAH AWANA | Le Messager
Quatre plans sous l’ère Ahidjo. Deux plans à l’ère de Biya dont un mort-né et l’autre sans effet escompté.
© Edouard KINGUE, Alain NOAH AWANA | Le Messager
Quatre plans sous l’ère Ahidjo. Deux plans à l’ère de Biya dont un mort-né et l’autre sans effet escompté.
Que dire de l’héritage économique
d’Ahidjo ? Le Cameroun avait les indicateurs sociaux et économiques les
plus élevés d’Afrique. Le Pib, l’espérance de vie et les salaires du
personnel de l’Etat étaient élevés et le chômage faible. Les revenus du
Cameroun dépendaient de plusieurs secteurs agricoles et il profitait de
la hausse des prix mondiaux des denrées agricoles à la fin des années
soixante-dix. Ahidjo utilisait ces revenus dans les plans concertés de
développement quinquennaux. Les plans quinquennaux, que ce soit en
Chine, en Inde comme au Cameroun, pays émergents, étaient destinés à
déterminer les objectifs du développement économique et à planifier la
construction d'importants projets, la distribution des forces
productives et les importants rapports entre les divers secteurs
économiques.
En 1953, année qui a suivi la période de relèvement de l'économie (1949-1952), la Chine a commencé à exécuter le premier plan quinquennal, il en est au 11 è aujourd’hui, avec la réussite extraordinaire que l’on sait. La date du 1er avril 1956 marque une étape importante dans l'expansion indienne, puisqu'elle coïncide avec la fin du premier plan quinquennal et le début du deuxième. Aujourd’hui le développement de l’Inde se passe de commentaires. Les objectifs agricoles sont non seulement atteints, mais dépassés, la production d'électricité est arrivée aux buts prescrits, les chemins de fer ont réalisé des progrès considérables, l'industrie a, dans son ensemble, fortement augmenté son expansion. Selon l’économiste camerounais R. Nyom (2003, p. 7), « l'histoire, la géographie, la culture et l'agriculture du Cameroun prédisposent ce pays à d'énormes richesses aussi bien variées qu'abondantes ». Le Cameroun, au lendemain de l'indépendance adopte le système de plan quinquennal. Ces plans étaient constitués de cadres comportant des projets et programmes bien définis. Ils vont connaître un coup d’arrêt en 1986 pour les programmes d’ajustement structurels élaborés à la va-vite avec la réussite que l’on sait. On ne le dit que très peu, mais le 1er plan quinquennal : 1960-1965 fut élaboré par F. A. Kodock, alors directeur des affaires économiques au ministère de l'Economie. Il avait pour objectif général de doubler le Pib par habitant en 20 ans. Le 2ème plan quinquennal : 1966-1971 : avait été baptisé « plan du paysan », car il mettait l'accent sur l'amélioration du niveau de vie des populations des zones rurales. La période 1971-1976 du 3ème plan quinquennal a pour principal objectif l'accroissement de la production et de la productivité agricole, ce qui explique que plus de la moitié des investissements aient été destinés aux projets agricoles directement productifs. Au 4ème plan quinquennal 1976-1981, il s’est agi d'augmenter le taux de croissance du Pib par tête d'au moins 5%. Les investissements ont été consacrés essentiellement à l'infrastructure rurale, à l'économie rurale et à l'énergie. C’est à partir du 5ème plan quinquennal 1981-1986 qu’il est décidé de donner un nouveau visage au Cameroun des années 2000, par l'augmentation du revenu réel par habitant. Mais une fois de plus, une place de choix est réservée au secteur agricole. En 1986, le Cameroun entre de plein fouet dans le tourbillon de la crise économique. Le 6ème plan quinquennal prévu pour la période 1986-1991 et baptisé « plan du Renouveau et avait pour objectif général la consolidation de l'autosuffisance alimentaire du pays » est mort-né. La politique agricole de ces plans, sans être parfaite a permis à l'agriculture de contribuer au développement du Cameroun. Mais si l'économie du Cameroun a connu des plans quinquennaux bien cadrés au départ, mais mal gérés, ils ont incité un recours massif aux ressources extérieures. L'endettement qui en a découlé a conduit aux programmes d'ajustement sans perspectives réelles qui ont débouché sur la situation de pauvreté que nous connaissons et qui a conduit à l'initiative Ppte. Edouard KINGUE Oncpb, Maétur, Magzi…: Après l’espoir de développement, le désarroi du sous-développement Dans les années 70, plusieurs structures publiques et parapubliques sont créées dans le but d’impulser le développement. De grands espoirs naissent alors au sein de la population, malheureusement très vite noyés par la dure réalité. Les populations camerounaises, en grande majorité agricole, entrent en liesse quand l’Office national de commercialisation des produits de base (Oncp) est créé en 1976 par un décret d’Ahmadou Ahidjo. Le président de la République, après avoir définitivement écarté le système colonial de commercialisation du cacao et du café, entend plus que jamais mettre au-devant de la scène la place prépondérante des cultures de rente dans l’économie du pays. Il est donc question de réguler le secteur. Bien entendu, les agriculteurs sautent sur les toits. Tout comme avaient apprécié les acteurs du secteur industriel quelques années plus tôt. Ahamdou Ahidjo crée, le 1er mars 1971, la Mission d’aménagement et de gestion des zones industrielles (Magzi). Organe d’accueil de promotion industrielle, il répond aux besoins de mise en œuvre de la politique de développement et d’industrialisation du Cameroun. Elle a, entre autres activités à mener, la mise à la disposition des investisseurs des terrains aménagés et équipés. Ces terrains sont loués à des taux pouvant faciliter l’installation des entreprises. Les investisseurs sont, on le constate, très ravis du décret d’Ahmadou Ahidjo. Autre joie : en 1977 lorsque le président de la République crée par un autre décret la Mission d’aménagement et d’équipement des terrains urbains et ruraux (Maétur). Placée sous la tutelle technique du ministère des Domaines et des affaires foncières (Mindaf), la structure a pour objectif principal la réalisation des opérations d’aménagement des terrains pour l’habitat en zone urbaine, et pour des besoins agricoles en zone rurale. La structure est également compétente dans les études de faisabilité et de topographie avant toute démobilisation des fonds et autres types d’aménagement foncier et de construction. Début de développement Les Camerounais pourraient citer à profusion autant de structures créées par Ahmadou Ahidjo entre 1960 et 1980. Ces entreprises marquaient la volonté politique du premier président du Cameroun d’impulser un réel développement, tant économique que social. La création de la Maétur a par exemple permis d’accélérer le processus d’urbanisation dans le pays. On lui doit, entre autres réalisations, l’aménagement des grands quartiers comme Nsimeyong, Biyem-Asi, Etoug Ebé ou Mendong à Yaoundé, et Ndogpassi à Douala. Très vite aussi, les populations se pâment pour cette structure. Convaincues qu’elle va leur permettre un développement rapide de leur espace vital. C’est donc un instrument de haute importance qui va permettre à des centaines, voire des milliers de familles, d’être propriétaires. La Magzi quant à elle favorise l’impulsion de l’industrialisation du Cameroun. Dans un pays où tout, ou presque, est à construire, c’est un organisme primordial. En moins de 10 ans, l’entreprise va créer huit zones industrielles, réparties dans sept provinces (aujourd’hui régions), sur une superficie totale de 1 265 hectares représentant son domaine foncier. Dans la zone industrielle de Douala, par exemple, les entreprises se dépêchent de s’installer. Très vite, Bonabéri devient la zone par excellence de l’économie camerounaise. L’arrondissement se développe à la vitesse de la lumière grâce aux industries et autres grandes entreprises qui s’y installent où se sont déjà installées. Surtout qu’elles recherchent toutes, la proximité du Port autonome de Douala (Pad). Les résultats donnent beaucoup d’espoir. Pour revenir à l’Oncpb, l’office se positionne comme une des entreprises les plus rentables. Ses ressources proviennent essentiellement des bénéfices considérables de l’écart entre le prix versé aux cultivateurs et celui obtenu sur le marché international. Durant quelques années, elle va se faire discrète. Jusqu’au moment où elle va sembler perdre la tête. L’Oncpb se met à dépenser sans compter : on lui prête l’achat du Combi 747 de la défunte Camair, le financement de la construction de la Cameroon television (actuelle Crtv), l’octroi des bourses à l’Université, le paiement des salaires des fonctionnaires. Les agriculteurs ne s’en plaignent pas, puisque l’office « mange sans les oublier ». Désillusions Mais alors, s’en suivent les déboires. L’Oncpb ne se départ pas de son rythme princier. Même lorsqu’en 1987, les cours des produits de base (principalement cacao, café et coton) sont en chute libre. Les subventions et ristournes versées grassement aux producteurs disparaissent du jour au lendemain. Le premier plan d’ajustement structurel est sans pitié : on procède en 1991 à la dissolution de l’entreprise qui coûtait un peu plus de 15 milliards Fcfa par an aux producteurs locaux. Le patrimoine de l’Oncpb, dissimulé dans plusieurs avoirs (immobiliers, parts dans des entreprises publiques, etc.) n’est pas entièrement recouvré. Et jusqu’à ce jour, des pontes du régime Biya continue de se disputer quelques restes. Ce n’est peut-être pas le cas de la Maétur et de la Magzi, encore vivantes. Seulement, les deux structures, après des années qualifiées de fastes, vont sombrer dans la léthargie. La Magzi a aujourd’hui du mal à gérer ses « terres » qui, comme c’est le cas à Yaoundé, sont occupées par des particuliers. La zone industrielle de Mvan, est occupée par quelques entreprises, mais aussi par des richards en quête d’isolement, loin du brouhaha de la ville. Récemment, une tentative du ministre en charge des Domaines n’a pas abouti à grand-chose : quelques déguerpissements et c’est tout. L’anarchie dans les zones industrielles est criarde. Tout comme elle l’est dans les portions aménagées par la Maétur pour la construction de domiciles privés. Alors que les terres ne manquent pas au Cameroun, cette entreprise a sérieusement ralenti ses activités principales. Au contraire, on lui prête des implications dans des affaires foncières foireuses. Plus de 50 000 parcelles ont déjà été créées par la Maétur depuis sa création à Yaoundé, Douala, Ebolowa, Bafoussam, Buea, Soa, Kribi, etc. Et près d’un million de personnes (à peine 5% de la population camerounaise) y vivent. Les zones qu’elle avait aménagées à l’époque n’ont plus rien à voir avec la vision grandeur nature d’urbanisation du président Ahidjo. Allez donc voir du côté d’Etoug Ebé ou de Biyem-Asi. En somme, le désarroi a pris le dessus. Au détriment des populations qui avaient placé de grands espoirs dans ces structures. Alain NOAH AWANA |
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