6 Avril 1984 - Genèse du putsch…: Le ver était dans le fruit

DOUALA - 05 AVRIL 2013
© Jacques Doo Bell | Le Messager

Le coup d’Etat avorté du 6 avril 1984 aura été la phase finale d’un combat à fleuret moucheté qui a commencé dès les lendemains du 6 novembre 1982.

Moins d’un an après les semaines d’euphorie du 6 novembre 1982, précisément le 22 août 1983, dans un discours radiodiffusé - La télévision n’était alors qu’un projet-, le président de la République, M. Paul Biya annonça « la découverte d’un complot contre la sécurité de l’Etat, en même temps que les mesures prises pour sauvegarder les institutions ainsi que la Constitution m’en fait l’obligation sacrée ». Vérité historique : les « auteurs » du complot n’étaient, autres que l’intendant et l’aide de camp restés au service de l’ancien président Ahmadou Ahidjo : le commandant de gendarmerie Oumarou Ibrahim et le capitaine Adamou Salatou. Ces noms sont jetés en pâture à l’opinion camerounaise et internationale. Dans une communication téléphonique à Radio France internationale (Rfi), Ahmadou Ahidjo sort de ses gonds : « la phobie du coup d’Etat s’est emparée de M. Paul Biya et de son entourage (…) On a instauré au Cameroun un régime policier de terreur, de menaces, de mensonges, d’intoxication (…) On a fabriqué un by Text-Enhance">dossier mensonger qu’il n’était pas difficile d’extorquer, par torture au besoin (…) Tout cela a pour but de couvrir des opérations irréfléchies qui risquent de remettre en cause l’unité que j’ai patiemment et opiniâtrement instaurée au Cameroun pendant 25 ans (…) Je décline toute responsabilité sur ce qui pourra arriver demain au Cameroun »

L’atmosphère était des plus délétères au Cameroun. Surtout à Yaoundé. Entre les derniers partisans de l’ancien président et la foule hystérique de ceux du nouvel homme providentiel, les joutes sont houleuses. La machine lancée avait atteint une vitesse folle. Les proches collaborateurs d’Ahmadou Ahidjo arrêtés sont jugés et condamnés à la peine perpétuelle. L’ancien président jugé par contumace est lui aussi condamné à la perpète et à mort à l’issue de deux procès. Dans son discours du 14 mars 1984, le président Paul Biya dit qu’« au-delà de la Justice, il y a l’intérêt supérieur de l’Etat et les valeurs morales de respect de la vie, d’humanité et de magnanimité qui font la grandeur de l’homme. Au nom de cet intérêt et de ces valeurs, et en mon âme et conscience, j’ai décidé, en vertu des pouvoirs que me confère la Constitution, de commuer en détention la peine capitale prononcée par le tribunal militaire de Yaoundé, d’arrêter toutes enquêtes et poursuites judiciaires en cours sur cette douloureuse affaire.»


Régionalisme

Auparavant, Ahmadou Ahidjo encore président de l’Union nationale camerounaise (Unc) annonce sa démission de ce parti le 27 août 1983 par un communiqué à l’Agence by Text-Enhance">France presse (Afp) « sans aucune notification officielle » témoigne philippe Gaillard dans son ouvrage Ahmadou Ahidjo, Patriote ou despote-bâtisseur de l’Etat camerounais. Dans une sorte d’accalmie, il «souhaite bonne chance au Cameroun». Dans une autre sortie médiatique, l’ancien chef de l’Etat camerounais « espère que la crise politique est désormais terminée (…) Cet Etat du Cameroun, c’est moi qui l’ai créé. Je souhaite que la stabilité continue de régner. S’il y a échec, c’est moi qui ai choisi Paul Biya, ce serait mon échec. (…) J’ai dit à mes partisans de conserver calme et dignité. Mais je crains un retour en force du tribalisme, surtout dans le Sud du pays. Si on exaspère trop ceux du Nord, ils ne vont pas se laisser faire. Si les gens du Nord sont maltraités et que cela va trop loin, je ne réponds de rien».

Toujours est-il qu’à l’annonce du coup d’Etat le 6 avril, le même Ahmadou Ahidjo perd son calme et déclare que « si ce sont mes partisans ils vaincront ». Il n’en fallait pas plus pour que le ministre des Affaires étrangères de l’époque, M. Félix Tonyè Mbog alors en mission à Paris rétorque : « ceux qui voulaient des preuves sont servis ». Ainsi s’acheva l’illusion d’un passage exemplaire de témoin au sommet de l’Etat. Très vite le navire dériva sur les écueils du régionalisme dont les démons indécrottables ne ratent pas souvent les occasions de se manifester.

Jacques Doo Bell


07/04/2013
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres