Dans la nuit du 5 au 6 avril 1984, les habitants de Yaoundé ont été brusquement réveillés par des coups de tirs à canons et l’envahissement de la ville par les véhicules militaires. Le bilan de ce putsch manqué sera lourd : 48 condamnés à mort et exécutés ; 64 détenus condamnés à plus de cinq ans ; 122 détenus condamnés à cinq ans 16 détenus condamnés à moins de cinq ans ; 38 détenus sans jugement ; 25 personnes sont mortes d’inanition sévère, sous alimentation plus défaut total de soins ; 3 personnes sont toujours en fuite ; 2 ont vu leur peine commuée en détention temporelle. Certains en payent encore le prix aujourd’hui. 28 ans après ce putsch manqué., voici l'intégralité du message de ces putschistes du 6 avril 1984, lu par les putschistes sur les ondes cryptées de la radio nationale camerounaise
"Camerounaises, Camerounais,
L’armée nationale vient de libérer le peuple camerounais de la bande à Biya, de leur tyrannie, de leur escroquerie, et de leur rapine incalculable. Oui, l’armée a décidé de mettre fin à la politique criminelle de cet individu contre l’unité nationale de notre cher pays. En effet, le Cameroun vient de vivre au cours de ces quinze derniers mois qu’a duré le régime Biya les heures les plus noires de son histoire. Son unité mise en péril, la paix interne troublée, sa prospérité économique compromise, la réputation nationale ternie.
Chers compatriotes,
Vous avez tous été témoins de l’horrible comédie jouée par le pouvoir défunt qui se permettait de parler de libéralisme, de démocratie, d’intégration nationale, alors que, chaque jour, son action bafouait de façon scandaleuse ces hautes valeurs. Les libertés des citoyens telles que dénoncées par la Déclaration des droits de l’homme n’étaient jamais respectées.
La Constitution était ballottée au gré des considérations de la politique politicienne. Le gouvernement et ses agents propulsés à la tête des rouages de l’Etat, agissaient avec comme pour seule devise non de servir la nation, mais de se servir. Oui, tout se passait comme s’il fallait se remplir les poches le plus rapidement possible, avant qu’il ne soit trop tard.
Et, en effet, c’était bien de cela qu’il s’agissait. Enfin, vous pouvez juger du discrédit jeté sur le Cameroun par la parodie de justice que constitue le dernier procès. Aussi, il était temps de trancher le nœud gordien. C’était aujourd’hui. Aujourd’hui, grâce à Dieu, mes chers compatriotes, le cauchemar est terminé. L’armée, sous l’impulsion de jeunes officiers et sous-officiers prêts au sacrifice suprême pour la nation, regroupés au sein du Mouvement “ J’OSE ”, entend redonner sa pleine signification à l’unité nationale et rétablir la détente et la concorde entre les citoyens.
Le peuple camerounais et son armée viennent de remporter aujourd’hui une grande victoire sur les forces du mal et cette victoire sera célébrée par l’histoire avec l’honneur qui lui est dû.Dès maintenant, le Conseil militaire supérieur est amené à prendre un certain nombre de décisions au regard de la sécurité nationale. Et le Conseil militaire supérieur demande au peuple camerounais de le comprendre. En premier lieu, les liaisons aériennes, terrestres, maritimes et les télécommunications sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Le couvre-feu est institué sur l’ensemble du territoire national de 19 heures à 5 heures.
Par ailleurs, la Constitution est suspendue, l’Assemblée nationale est dissoute, le gouvernement est démis ; tous les partis politiques sont suspendus ; tous les gouverneurs de provinces sont relevés et, enfin, sur le plan militaire, les officiers supérieurs exerçant le commandement d’unités opérationnelles sont déchargés de leurs fonctions. L’officier subalterne le plus ancien dans le grade de plus élevé prend le commandement.
Vive les Forces armées nationales ! Vive le Cameroun !"
Petite chronologie
22 aout 1983 - Dénonciation par le président Biya d'un complot contre l'Etat du Cameroun.
28 février 1884 - La condamnation à mort de Ahmadou Ahidjo, Ibrahim Oumarou, Salatou Adamou est prononcée. Ils seront par la suite graciés. Ce qui va engager la thèse de l'acharnement contre le Nord Cameroun
06 avril 1984 - Tentative d'un Coup d'Etat manqué mené par la Garde républicaine
10 avril 1984 - Discours du président Biya rassurant le peuple de la prise en main de la situation
11 avril 1984 - Paul Biya par décret dissout la Garde républicaine
12 avril 1984 - Le bilan officiel du coup d'Eta est rendu public (70 morts dont 4 civils et 8 soldats loyalistes, 52 blessés, 265 gendarmes disparus, 1053 arrestations)
27 avril 1984 - Ouverture du procès des putschistes à huis clos au Tribunal militaire. Sur les 1053, seulement 436 prévenus
1er mai 1984 - Premières exécutions à Mbalmayo à quelques centaines de mètres du quartier Mécanicien non loin de la nationale Mbalmayo- Ebolowa
15 mai 1984 - Deuxième vague d'exécutions à Mfou
24 mars 1985 - Naissance du Rdpc à Bamenda sur les cendres de l'Unc
17 janvier 1991 - Loi d'amnistie des infractions et condamnations politiques
1992- Rétrocession des biens de quelques putschistes sortis de prison
04 décembre 2000 - Révocation pour compter du 1er septembre 1983 ou du 1er mai 1984 de certains officiers. Décret de révocation repris pour compter de 1993 et mis à la retraite à dates différentes
09 mars 2007 - Rétrocession à Mokolo des concessions à la famille de Issa Adoum et à Maroua de Hamadou Adji
1er février 2008 - Décret portant revalorisation des pensions des officiers putschistes.