Haro sur la démocratie ! ...18 janvier 1996 - 18 janvier 2013. Cela fait 17 ans que le Cameroun présente l’image d’un malade atrophié de l’incurie que le plein fonctionnement de certaines institutions constitutionnalisées notamment, le Sénat, le Conseil constitutionnel, la Haute cour de justice, les Conseils régionaux et l’inapplication de l’article 66 de la Constitution devait corriger. Tant ce texte fondamental jugé passable (par rapport aux propositions de la Tripartite de 1991) et très bon en comparaison avec la Constitution de 1972 était jugé futuriste. En ceci qu’il était le fruit d’un large consensus intervenant à la suite des fortes batailles politiques menées pour l’instauration de la véritable démocratie en 1990, lesquelles avaient occasionné des pertes en vies humaines.
17 ans après, le Conseil constitutionnel prévu n’a jamais été mis en place. Les dispositions légales liées à son fonctionnement ont considérablement été dépouillées de leur substance. Si les onze sages étaient nommés cette année comme promis par le président, ils seraient inféodés à l’exécutif du fait de la modification d’une constitution appliquée plus, au rythme du tango que de la valse. Il en est de même du Sénat dont la mise en place est le point culminant du processus de décentralisation. Mais sans les conseils régionaux, sans un consensus autour des questions électorales, la chambre haute du parlement camerounais qui pourrait être mise en place 17 ans après sa création servirait de simple faire-valoir.
Que dire de la Haute cour de justice jamais envisagée, mais dont la disposition constitutionnelle l’encadrant a rendu cette institution - appelée à exister un jour- incapable de juger Paul Biya après son départ du pouvoir ? Et la déclaration des biens alors ? L’homme du 6 novembre ne l’entrevoit même pas. Pourtant cette disposition autant que les institutions citées ci-haut font partie de l’importante flotte juridique servant de contre-pouvoir, creuset de la démocratie, est prévue par la Constitution du Cameroun déjà vieille de 17 ans, ce jour.
Vous le verrez, dans cette enquête, le président a refusé, pour dire le moins, de mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles dont s’accoutument généralement très peu, les bourreaux de la démocratie. 17 ans que ça dure !
17 ans après... Comment Paul Biya maltraite la Constitution
Article 66: Paul Biya ne veut pas déclarer ses biens
Prévue depuis 17 ans par la loi fondamentale, la déclaration des biens reste soumise à la seule volonté du chef de l’Etat qui craint visiblement d’être contraint de déclarer les siens en premier.
De nombreux analystes politiques tels Mathias-Eric Owona Nguini, de nombreux diplomates tels Bruno Gain, ambassadeur de France au Cameroun, tout comme des leaders de partis politiques, la presse indépendante et des organisations de la société civile s’époumonent à le dire. Plus que l’opération « main propre » lancée en fin des années 1990, la clé de voûte de la lutte contre la corruption au Cameroun est l’application de l’article 66 de la Constitution du 18 janvier 1996. Mais aussi bruyante que la revendication de ces acteurs sociaux soit, Paul Biya n’en a cure. Le président camerounais au pouvoir depuis 1982 est resté quasi sourd à ce desiderata de l’opinion à soumettre les gestionnaires de la fortune publique à la déclaration des biens et avoirs avant et après leur entrée en fonction.
Seul frémissement perceptible et à mettre à l’actif du chef de l’Etat, c’est la loi créant en 2006 une commission chargée de servir de bras séculier de l’Etat pour la déclaration des biens et avoirs de tout gestionnaire de crédits publics. Mais depuis 2006 (10 ans après la promulgation de la Constitution en vigueur au Cameroun), les membres de ladite commission ne sont pas connus… plus rien dans le sens de mouiller l’enthousiasme des « quêteurs de déclarations de biens ».
Focal. Ce que prévoit l’article 66
Le président de la République, Le Premier ministre, les membres du gouvernement et assimilés, Le président et les membres du bureau de l’Assemblée nationale, Le président et les membres du bureau du Sénat, les députés, les sénateurs, tout détenteur d’un mandat électif, les secrétaires généraux des ministères et assimilés, les directeurs des administrations centrales, les directeurs généraux des entreprises publiques et para - publiques, les magistrats, les personnels des administrations chargés de l’assiette, du recouvrement et du maniement des recettes publiques, tout gestionnaire de crédits et des biens publics, doivent faire une déclaration de leurs biens et avoirs au début et à la fin de leur mandat ou de leur fonction.