13 Septembre 1958 - 13 Septembre 2012: Lettre à UM NYOBÈ, le MPODOL
17 SEPTEMBRE 2012
© Serge TCHAHA | Correspondance
Il y a environ 99 ans, notre mère, la Terre Cameroun t’enfantait. Tu naissais au pays que l’on baptisera plus tard, pays des LIONS INDOMPTABLES. 99 ans, c’est un bel âge !!!! Bien sûr qu’il est beau parce qu’il y a deux fois le chiffre 9 dont les Bassa disent que rien ne lui est supérieur et dont les Bamiléké en ont fait la taille du cercle des notables. 9 et même 99 importent aussi car ils annoncent la fin d’un cycle et le début d’un autre. C’est donc une occasion absolument propice, parfaitement opportune, pour se souvenir de toi et de tous ceux qui t’ont ressemblé en vérité et non en apparence, pour parler comme Don Francesco. Mais c’est surtout une fenêtre pour quelqu’un de ma génération, qui a grandi où j’ai grandi, qui a vécu où j’ai vécu, de te dire, chère grand-père, pour reprendre cette appellation affectueuse de mon Frère et Ami, H. S. Iyodi*. Il est temps pour moi non pas de parler… Qui m’en aurait donné la permission ? Au nom de quoi ? Je respecte trop la Parole, son caractère sacré, je crains trop la Puissance du Verbe pour faire l’aventurier. Cependant, Cher grand-père, je voudrais te dire la Souffrance dans laquelle nous sommes depuis ton départ vers le Soleil et, parallèlement, l’Espérance, la grande Espérance, la superbe Espérance que tes Enfants, Petits-enfants et bientôt Arrière petits-enfants n’ont de cesse de soulever.
Toi notre bien-aimé, Toi le bien-nommé,
Toi que l’on appela MPODOL, je voudrais te confier que depuis ce fameux 13 septembre 1958, plusieurs malheurs se sont abattus sur nous. Et je ne parle pas de catastrophe naturelle – l’épisode du lac Nyos fut si douloureux – ou encore d’une catastrophe aérienne. Je parle de maux encore plus graves dont nous sommes parmi les principaux responsables, voire même les seuls responsables. Ils sont si nombreux, si divers, si multiformes. Je pense que nous sommes un peuple de génie, mais visiblement, nous manions aussi l’excellence dans la grande imbécilité, dans l’extraordinaire stupidité ! Je voudrais pour en faire l’illustration m’attarder sur quatre problèmes que je considère comme majeurs :
Patriotisme: « le sang des patriotes versé est une semence du nationalisme » aurait affirmé Ernest Ouandié, un de tes grands compagnons de route. Tous ceux qui ont les yeux pour voir et lire, tous ceux qui ont les oreilles pour entendre se sont déjà demandé au moins une fois : ce grand patriote ne se retourne-t-il pas dans sa tombe ? L’immensité des sommes dont on accuse certains de les avoir soustrait à la fortune publique oblige les uns et les autres à se poser de sérieuses questions. À mon sens, le patriotisme est questionnable car certains des actes que nous avons posés laissent penser que nous avons oublié voire trahi la grandeur de notre pays. Nous tous les Camerounais avons à l’occasion, négligé, piétiné l’idéal de ce pays où s’élève le Char des Dieux.
Tribalisme: Hélas, ils semblent l’avoir oublié ! Ils ont oublié que toi, et nombre de Camerounais provenant de toutes les surfaces de notre Terre aviez accompli le fantastique, l’extraordinaire, l’infiniment nécessaire, en étant rassemblés. C’est en étant unis, que vous, chantres de la liberté avez contribué de manière on ne peut plus significative à la libération de notre pays. À de nombreuses reprises, ils ne cessent de brandir l’argument tribal, à la moindre occasion, ils sortent l’argumentaire ethnique. Que ne voient-ils pas que nous n’avons d’autre choix que de vivre TOUS ensemble ? Que ne mesurent-ils pas que l’Afrique de demain sera le plus grand marché du monde et que le Cameroun, pour prendre sa juste part, devra rassembler toutes ses forces, toutes ses énergies, tous ces talents, et les mettre en mouvement comme LES LIONS INDOMPTABLES du football savent souvent le faire ?
Corruption: À cause de ce cancer, nous avons occupé la très inconfortable première place au palmarès des pays les plus corrompus. Point besoin de détailler.
Devoir mémoriel: Plusieurs spécialistes estiment que votre place dans l’Histoire de la nation est à revoir. Bien que nous saluons ce qui est fait, il faut noter que nous devrions aller beaucoup plus loin. Que les Dieux qui gardent le Cameroun pardonnent nos lâcheté, insouciance et ingratitude vis-à-vis de ceux qui sont tombés alors qu’ils se battaient pour la Juste Cause, la Grande Cause, la Noble Cause.
Il faudrait d’autres lettres, d’autres récits, d’autres histoires pour dire avec d’autres mots, les autres maux, graves eux aussi, que nous avons subis. Il en faudrait d’autres également pour me corriger mais j’ai tendance à penser que cette Souffrance, malgré sa dureté, malgré sa solidité, sa monstruosité n’est rien face à l’Espérance que les Camerounais savent lever. Elle est de loin inférieure aux facultés supérieures qu’ils mobilisent pour donner vie, sens et chair à une phrase dont ils pensent qu’elle dit beaucoup sur eux : « IMPOSSIBLE N’EST PAS CAMEROUNAIS ».
Avant d’aller plus loin, il faut noter, pour le célébrer, pour s’en féliciter que le combat pour lequel vous avez tout donné, a naturellement produit les résultats escomptés : le Cameroun est Indépendant et Réunifié.
Notre vaste monde a subi des transformations sur lesquelles, en 1960 ou même en 1990, peu auraient parié : la Chine est devenue la 2epuissance économique et un des grands financiers de l’économie mondiale, l’homme le plus riche est un mexicain et Aliko Dangote, notre frère nigérian, a bâti en quelques décennies une fortune supérieure à onze milliards de dollars. Proprement prodigieux ! De leur côté, cher grand-père, les Camerounais n’ont pas été en reste. Loin de là.
Observons-les par le prisme de quelques secteurs d’activités:
Sport: Les LIONS INDOMPTABLES du football ont écrit depuis les années 80 et particulièrement en 1990, à l’encre indélébile, dans le cœur et l’esprit de l’humanité. Leur courage, leur passion, leur talent ont conquis le monde et ils réussirent à en battant l’Argentine, en arrivant en ¼ de finale de la Coupe du monde, à montrer une part de la personnalité de notre peuple.
Restant toujours dans le football, tes fils Milla et Éto’o, il faut l’avouer ont su dominer des records, renversé les limites de l’impossibles et dépasse les frontières de l’imaginable. Le premier est le plus vieux buteur d’une Coupe du monde. Le deuxième, meilleur buteur de l’histoire de la CAN, footballeur le mieux payé au monde, est le seul joueur à avoir remporté le triplé magique, depuis que ce Monde est Monde et partout où cette Terre est Terre.
D’autres comme Charlotte Mbango ont su donner ce pays des lustres tout aussi prestigieux.
Culture: À ce niveau, nous avons su proposer à l’humanité des hommes au talent exceptionnel, à la dimension de Manu Dibango – dont le tube Soul Makossa a été repris par une légende de la musique, Michael Jackson himself. Richard Bona réussit, lui aussi, une carrière époustouflante qui le conduit à faire le tour du monde et à ensorceler le public avec cette voix si unique. La providence a également voulu qu’en 2010 ce soit à partir d’une musique à la base écrite par des Camerounais que l’hymne de la première Coupe du monde africaine a été exécuté. Depuis, le vidéo-clip de cette chanson qu’a adapté et interprété Shakira, a explosé des records sur Youtube, un des sites de partage de vidéos en ligne. À la mi-septembre 2012, le clip officiel avait été regardé pas moins de 492 millions de fois !
Business: Tant au berceau de nos ancêtres qu’à l’extérieur, les gens de chez nous comme on dit au Québec, brillent parmi les meilleurs. Et cela s’est traduit par l’émergence d’une ribambelle de businessmen, de bâtisseurs hautement remarquables. Soppo Priso a sans conteste été parmi les pionniers. D’autres comme les Fotso, Fadil, Kadji Defosso, Kammogne tâchent d’établir des dynasties qui portent haut le drapeau de notre pays. À côté d’eux, on peut parler des jeunes pousses des TI comme Arthur Zang, l’inventeur du CardioPad ou Churchill Nambe, qui a créé le site de recherche d’emplois njorku.com. Lui aussi, il utilise les TI pour développer son entreprise. Jacques Bonjawo, ancien de Microsoft, il a entrepris de développer la télémédecine. Pendant ce temps, du côté du Moyen-Orient, Severin Kezeu avec SK Group a construit un groupe qui pèse 100 millions d’euros. En Europe, le très énergique David Mola prospère dans le domaine de l’énergie. Chez les Étasuniens, Christophe Che est un entrepreneur si brillant que Barack Obama – premier président noir de l’histoire des États-Unis – a décidé de le nommer sur son Conseil national pour l’emploi. Au nord des States, il y a une femme d’affaires camerounaise qui dirige une entreprise – KARIDERM – qui a été la première au monde à faire certifier biologique le beurre de karité qu’elle utilise pour faire ses produits cosmétiques. En 2008, Amina Gerba puisqu’il s’agit d’elle, a été classée par le célèbre magazine Les Affaires parmi les 25 femmes d’affaires les plus influentes du Québec. Il s’agit d’une province de quelque 7-8 millions d’habitants.
Média: À l’ère de l’information, de la communication, de l’influence, l’Afrique se doit de disposer de médias puissants, de dimension internationale. Je ne revendique pas leur ˝ camerounité ˝ ce serait à la fois dangereux et contre-productif pour leurs ambitions. Néanmoins, il me plait d’observer que la première télévision panafricaine bilingue – français et anglais – a parmi ses principaux actionnaires Paul Fokam Kammogne et que Mme Rolande Kammogne en a assuré pendant quelques années la direction générale. Africa 24, dont le fondateur s’appelle Constant Nemale, est la première chaîne d’information continue consacrée à l’Afrique. Nemale désire en faire le CNN africain.
La liste dans tous ses secteurs aurait pu être davantage détaillée, et d’autres secteurs explorés. On aurait pu parler de l’éminent professeur Joseph Achille Mbembé qui a enseigné dans les universités les plus prestigieuses de ce monde et qui nous a tant parlé de toi; ou encore d’Ernest Simo qui fut le premier africain à avoir été admis à un programme d’astronaute de la NASA. Le volet politique n’est pas en reste. Il y a aux États-Unis, celle qui est surnommée The Queen : Angelle Brigitte Kwemo. Elle est depuis 2009, conseillère législative de Bobby Rush, l’un des membres les plus influents du Congrès américain, nous signale Africa24 Magazine dans sa dernière livraison. Au Canada, tant sur la scène provinciale que fédérale, Maka KOTTO a su glané les suffrages de ses compatriotes pour la députation.
Au total donc, la faculté de créer, de rendre possible le « IMPOSSIBLE N’EST PAS CAMEROUNAIS » est plus vivante que jamais. Cet esprit est vivant et nous aidera à devenir profondément nous-mêmes.
Au moment de finir cette lettre, ces êtres qui ont une voix dont on n’est pas sûr qu’elle en est une, ceux qui parlent alors qu’ils sont en silence, m’ont imposé de me demander : crois-tu vraiment lui avoir appris quelque chose ?
À l’évidence non, car avoir donné ta vie pour nous, est une preuve manifeste de la haute idée que tu te faisais de ce pays, de cette Terre. Cher grand-père, j’ai le sentiment que la promesse sera tenue. La garde montante, pour reprendre une expression chère à Jacques Parizeau, suscite espoir et intérêt.
Toi notre bien-aimé, Toi le bien-nommé,
Toi que l’on appela MPODOL, constatant donc que je n’avais pas grand-chose à te raconter, je ne peux que me donner RDV avec moi-même; je ne peux donner RDV qu’aux jeunes en âge de bâtir une famille, ceux-là qui sont à l’âge où l’on naît véritablement, ce fantastique âge où l’on croit que tout nous est possible, je me donne RDV dans 26 ans. 26 ans, c’est à peu près la durée de vie d’une génération, vers 2035 – 2040, qu’auront à leur actif ceux qui, quinquagénaires à ce moment-là, seront sans doute les dirigeants du pays ?
Qu’aura fait Iyodi de ses rêves de jeunes ?
Maxime Boum et Jacques Jonathan Nyemb auront-ils suffisamment osé le Cameroun ? Osé l’Afrique ?
Paola Ndengué, Laura Éboa Songuè et le 3e co-fondateur auront-ils su faire FashizBlack ? Sera-t-il devenu un magazine incontournable de mode ? Une partie d’un puissant groupe de presse de mode afro ?
J-P Ketcha aura-t-il aider les nôtres, à travers les débats Ted Akwa à trouver des modèles inspirants ?
Olivia « Sankara » Mukam aura-t-elle favorisé l’éclosion d’extraordinaires créateurs de richesses ?
Après Alain Foka, qui incarnera la voix du Cameroun ? Qui d’autres nous dépoussiera avec une telle pédagogie, avec une si grande éloquence les archives d’Afrique ?
Milla est né en 1952, Éto’o en 81, comment s’appelle, ce futur génie du Ballon rond né dans les années 2000, qui a lui aussi été programmé pour faire exploser les filets et réinventer l’histoire des records ?
Plus important pour le chroniqueur économique que je crois être, le Cameroun aura-t-il réussi à faire émerger Lions Indomptables des Affaires de classe internationale ? Ceux-là qui nous aideront à avoir toute notre place sur le plan économique et de tirer les conséquences de la montée en puissance du continent.
Au fond, je supplie celui qui est le Créateur et la Création, Si, Ba Tuu Peg, Nzambe, Nyambe ou encore Ra, de m’accorder encore quelques décennies afin que je vive la réalisation de la Promesse. J’ai hâte de savoir si ce peuple de génie dépassera la Souffrance pour embrasser l’Espérance et apporter à lui-même et à l’Afrique dont il serait un modèle miniaturisé, le vent de la dignité, de la fécondité et de la plénitude. Ainsi soit-il !
Serge TCHAHA
Serge TCHAHA qui aime à se présenter comme originaire du pays des LIONS INDOMPTABLES, est chroniqueur économique et essayiste.
(*): Hiram est l’auteur du livre : Mes rêves de jeune … Le Cameroun des 50 prochaines années. 2011. Éditions Véritas.
© Serge TCHAHA | Correspondance
Il y a environ 99 ans, notre mère, la Terre Cameroun t’enfantait. Tu naissais au pays que l’on baptisera plus tard, pays des LIONS INDOMPTABLES. 99 ans, c’est un bel âge !!!! Bien sûr qu’il est beau parce qu’il y a deux fois le chiffre 9 dont les Bassa disent que rien ne lui est supérieur et dont les Bamiléké en ont fait la taille du cercle des notables. 9 et même 99 importent aussi car ils annoncent la fin d’un cycle et le début d’un autre. C’est donc une occasion absolument propice, parfaitement opportune, pour se souvenir de toi et de tous ceux qui t’ont ressemblé en vérité et non en apparence, pour parler comme Don Francesco. Mais c’est surtout une fenêtre pour quelqu’un de ma génération, qui a grandi où j’ai grandi, qui a vécu où j’ai vécu, de te dire, chère grand-père, pour reprendre cette appellation affectueuse de mon Frère et Ami, H. S. Iyodi*. Il est temps pour moi non pas de parler… Qui m’en aurait donné la permission ? Au nom de quoi ? Je respecte trop la Parole, son caractère sacré, je crains trop la Puissance du Verbe pour faire l’aventurier. Cependant, Cher grand-père, je voudrais te dire la Souffrance dans laquelle nous sommes depuis ton départ vers le Soleil et, parallèlement, l’Espérance, la grande Espérance, la superbe Espérance que tes Enfants, Petits-enfants et bientôt Arrière petits-enfants n’ont de cesse de soulever.
Toi notre bien-aimé, Toi le bien-nommé,
Toi que l’on appela MPODOL, je voudrais te confier que depuis ce fameux 13 septembre 1958, plusieurs malheurs se sont abattus sur nous. Et je ne parle pas de catastrophe naturelle – l’épisode du lac Nyos fut si douloureux – ou encore d’une catastrophe aérienne. Je parle de maux encore plus graves dont nous sommes parmi les principaux responsables, voire même les seuls responsables. Ils sont si nombreux, si divers, si multiformes. Je pense que nous sommes un peuple de génie, mais visiblement, nous manions aussi l’excellence dans la grande imbécilité, dans l’extraordinaire stupidité ! Je voudrais pour en faire l’illustration m’attarder sur quatre problèmes que je considère comme majeurs :
Patriotisme: « le sang des patriotes versé est une semence du nationalisme » aurait affirmé Ernest Ouandié, un de tes grands compagnons de route. Tous ceux qui ont les yeux pour voir et lire, tous ceux qui ont les oreilles pour entendre se sont déjà demandé au moins une fois : ce grand patriote ne se retourne-t-il pas dans sa tombe ? L’immensité des sommes dont on accuse certains de les avoir soustrait à la fortune publique oblige les uns et les autres à se poser de sérieuses questions. À mon sens, le patriotisme est questionnable car certains des actes que nous avons posés laissent penser que nous avons oublié voire trahi la grandeur de notre pays. Nous tous les Camerounais avons à l’occasion, négligé, piétiné l’idéal de ce pays où s’élève le Char des Dieux.
Tribalisme: Hélas, ils semblent l’avoir oublié ! Ils ont oublié que toi, et nombre de Camerounais provenant de toutes les surfaces de notre Terre aviez accompli le fantastique, l’extraordinaire, l’infiniment nécessaire, en étant rassemblés. C’est en étant unis, que vous, chantres de la liberté avez contribué de manière on ne peut plus significative à la libération de notre pays. À de nombreuses reprises, ils ne cessent de brandir l’argument tribal, à la moindre occasion, ils sortent l’argumentaire ethnique. Que ne voient-ils pas que nous n’avons d’autre choix que de vivre TOUS ensemble ? Que ne mesurent-ils pas que l’Afrique de demain sera le plus grand marché du monde et que le Cameroun, pour prendre sa juste part, devra rassembler toutes ses forces, toutes ses énergies, tous ces talents, et les mettre en mouvement comme LES LIONS INDOMPTABLES du football savent souvent le faire ?
Corruption: À cause de ce cancer, nous avons occupé la très inconfortable première place au palmarès des pays les plus corrompus. Point besoin de détailler.
Devoir mémoriel: Plusieurs spécialistes estiment que votre place dans l’Histoire de la nation est à revoir. Bien que nous saluons ce qui est fait, il faut noter que nous devrions aller beaucoup plus loin. Que les Dieux qui gardent le Cameroun pardonnent nos lâcheté, insouciance et ingratitude vis-à-vis de ceux qui sont tombés alors qu’ils se battaient pour la Juste Cause, la Grande Cause, la Noble Cause.
Il faudrait d’autres lettres, d’autres récits, d’autres histoires pour dire avec d’autres mots, les autres maux, graves eux aussi, que nous avons subis. Il en faudrait d’autres également pour me corriger mais j’ai tendance à penser que cette Souffrance, malgré sa dureté, malgré sa solidité, sa monstruosité n’est rien face à l’Espérance que les Camerounais savent lever. Elle est de loin inférieure aux facultés supérieures qu’ils mobilisent pour donner vie, sens et chair à une phrase dont ils pensent qu’elle dit beaucoup sur eux : « IMPOSSIBLE N’EST PAS CAMEROUNAIS ».
Avant d’aller plus loin, il faut noter, pour le célébrer, pour s’en féliciter que le combat pour lequel vous avez tout donné, a naturellement produit les résultats escomptés : le Cameroun est Indépendant et Réunifié.
Notre vaste monde a subi des transformations sur lesquelles, en 1960 ou même en 1990, peu auraient parié : la Chine est devenue la 2epuissance économique et un des grands financiers de l’économie mondiale, l’homme le plus riche est un mexicain et Aliko Dangote, notre frère nigérian, a bâti en quelques décennies une fortune supérieure à onze milliards de dollars. Proprement prodigieux ! De leur côté, cher grand-père, les Camerounais n’ont pas été en reste. Loin de là.
Observons-les par le prisme de quelques secteurs d’activités:
Sport: Les LIONS INDOMPTABLES du football ont écrit depuis les années 80 et particulièrement en 1990, à l’encre indélébile, dans le cœur et l’esprit de l’humanité. Leur courage, leur passion, leur talent ont conquis le monde et ils réussirent à en battant l’Argentine, en arrivant en ¼ de finale de la Coupe du monde, à montrer une part de la personnalité de notre peuple.
Restant toujours dans le football, tes fils Milla et Éto’o, il faut l’avouer ont su dominer des records, renversé les limites de l’impossibles et dépasse les frontières de l’imaginable. Le premier est le plus vieux buteur d’une Coupe du monde. Le deuxième, meilleur buteur de l’histoire de la CAN, footballeur le mieux payé au monde, est le seul joueur à avoir remporté le triplé magique, depuis que ce Monde est Monde et partout où cette Terre est Terre.
D’autres comme Charlotte Mbango ont su donner ce pays des lustres tout aussi prestigieux.
Culture: À ce niveau, nous avons su proposer à l’humanité des hommes au talent exceptionnel, à la dimension de Manu Dibango – dont le tube Soul Makossa a été repris par une légende de la musique, Michael Jackson himself. Richard Bona réussit, lui aussi, une carrière époustouflante qui le conduit à faire le tour du monde et à ensorceler le public avec cette voix si unique. La providence a également voulu qu’en 2010 ce soit à partir d’une musique à la base écrite par des Camerounais que l’hymne de la première Coupe du monde africaine a été exécuté. Depuis, le vidéo-clip de cette chanson qu’a adapté et interprété Shakira, a explosé des records sur Youtube, un des sites de partage de vidéos en ligne. À la mi-septembre 2012, le clip officiel avait été regardé pas moins de 492 millions de fois !
Business: Tant au berceau de nos ancêtres qu’à l’extérieur, les gens de chez nous comme on dit au Québec, brillent parmi les meilleurs. Et cela s’est traduit par l’émergence d’une ribambelle de businessmen, de bâtisseurs hautement remarquables. Soppo Priso a sans conteste été parmi les pionniers. D’autres comme les Fotso, Fadil, Kadji Defosso, Kammogne tâchent d’établir des dynasties qui portent haut le drapeau de notre pays. À côté d’eux, on peut parler des jeunes pousses des TI comme Arthur Zang, l’inventeur du CardioPad ou Churchill Nambe, qui a créé le site de recherche d’emplois njorku.com. Lui aussi, il utilise les TI pour développer son entreprise. Jacques Bonjawo, ancien de Microsoft, il a entrepris de développer la télémédecine. Pendant ce temps, du côté du Moyen-Orient, Severin Kezeu avec SK Group a construit un groupe qui pèse 100 millions d’euros. En Europe, le très énergique David Mola prospère dans le domaine de l’énergie. Chez les Étasuniens, Christophe Che est un entrepreneur si brillant que Barack Obama – premier président noir de l’histoire des États-Unis – a décidé de le nommer sur son Conseil national pour l’emploi. Au nord des States, il y a une femme d’affaires camerounaise qui dirige une entreprise – KARIDERM – qui a été la première au monde à faire certifier biologique le beurre de karité qu’elle utilise pour faire ses produits cosmétiques. En 2008, Amina Gerba puisqu’il s’agit d’elle, a été classée par le célèbre magazine Les Affaires parmi les 25 femmes d’affaires les plus influentes du Québec. Il s’agit d’une province de quelque 7-8 millions d’habitants.
Média: À l’ère de l’information, de la communication, de l’influence, l’Afrique se doit de disposer de médias puissants, de dimension internationale. Je ne revendique pas leur ˝ camerounité ˝ ce serait à la fois dangereux et contre-productif pour leurs ambitions. Néanmoins, il me plait d’observer que la première télévision panafricaine bilingue – français et anglais – a parmi ses principaux actionnaires Paul Fokam Kammogne et que Mme Rolande Kammogne en a assuré pendant quelques années la direction générale. Africa 24, dont le fondateur s’appelle Constant Nemale, est la première chaîne d’information continue consacrée à l’Afrique. Nemale désire en faire le CNN africain.
La liste dans tous ses secteurs aurait pu être davantage détaillée, et d’autres secteurs explorés. On aurait pu parler de l’éminent professeur Joseph Achille Mbembé qui a enseigné dans les universités les plus prestigieuses de ce monde et qui nous a tant parlé de toi; ou encore d’Ernest Simo qui fut le premier africain à avoir été admis à un programme d’astronaute de la NASA. Le volet politique n’est pas en reste. Il y a aux États-Unis, celle qui est surnommée The Queen : Angelle Brigitte Kwemo. Elle est depuis 2009, conseillère législative de Bobby Rush, l’un des membres les plus influents du Congrès américain, nous signale Africa24 Magazine dans sa dernière livraison. Au Canada, tant sur la scène provinciale que fédérale, Maka KOTTO a su glané les suffrages de ses compatriotes pour la députation.
Au total donc, la faculté de créer, de rendre possible le « IMPOSSIBLE N’EST PAS CAMEROUNAIS » est plus vivante que jamais. Cet esprit est vivant et nous aidera à devenir profondément nous-mêmes.
Au moment de finir cette lettre, ces êtres qui ont une voix dont on n’est pas sûr qu’elle en est une, ceux qui parlent alors qu’ils sont en silence, m’ont imposé de me demander : crois-tu vraiment lui avoir appris quelque chose ?
À l’évidence non, car avoir donné ta vie pour nous, est une preuve manifeste de la haute idée que tu te faisais de ce pays, de cette Terre. Cher grand-père, j’ai le sentiment que la promesse sera tenue. La garde montante, pour reprendre une expression chère à Jacques Parizeau, suscite espoir et intérêt.
Toi notre bien-aimé, Toi le bien-nommé,
Toi que l’on appela MPODOL, constatant donc que je n’avais pas grand-chose à te raconter, je ne peux que me donner RDV avec moi-même; je ne peux donner RDV qu’aux jeunes en âge de bâtir une famille, ceux-là qui sont à l’âge où l’on naît véritablement, ce fantastique âge où l’on croit que tout nous est possible, je me donne RDV dans 26 ans. 26 ans, c’est à peu près la durée de vie d’une génération, vers 2035 – 2040, qu’auront à leur actif ceux qui, quinquagénaires à ce moment-là, seront sans doute les dirigeants du pays ?
Qu’aura fait Iyodi de ses rêves de jeunes ?
Maxime Boum et Jacques Jonathan Nyemb auront-ils suffisamment osé le Cameroun ? Osé l’Afrique ?
Paola Ndengué, Laura Éboa Songuè et le 3e co-fondateur auront-ils su faire FashizBlack ? Sera-t-il devenu un magazine incontournable de mode ? Une partie d’un puissant groupe de presse de mode afro ?
J-P Ketcha aura-t-il aider les nôtres, à travers les débats Ted Akwa à trouver des modèles inspirants ?
Olivia « Sankara » Mukam aura-t-elle favorisé l’éclosion d’extraordinaires créateurs de richesses ?
Après Alain Foka, qui incarnera la voix du Cameroun ? Qui d’autres nous dépoussiera avec une telle pédagogie, avec une si grande éloquence les archives d’Afrique ?
Milla est né en 1952, Éto’o en 81, comment s’appelle, ce futur génie du Ballon rond né dans les années 2000, qui a lui aussi été programmé pour faire exploser les filets et réinventer l’histoire des records ?
Plus important pour le chroniqueur économique que je crois être, le Cameroun aura-t-il réussi à faire émerger Lions Indomptables des Affaires de classe internationale ? Ceux-là qui nous aideront à avoir toute notre place sur le plan économique et de tirer les conséquences de la montée en puissance du continent.
Au fond, je supplie celui qui est le Créateur et la Création, Si, Ba Tuu Peg, Nzambe, Nyambe ou encore Ra, de m’accorder encore quelques décennies afin que je vive la réalisation de la Promesse. J’ai hâte de savoir si ce peuple de génie dépassera la Souffrance pour embrasser l’Espérance et apporter à lui-même et à l’Afrique dont il serait un modèle miniaturisé, le vent de la dignité, de la fécondité et de la plénitude. Ainsi soit-il !
Serge TCHAHA
Serge TCHAHA qui aime à se présenter comme originaire du pays des LIONS INDOMPTABLES, est chroniqueur économique et essayiste.
(*): Hiram est l’auteur du livre : Mes rêves de jeune … Le Cameroun des 50 prochaines années. 2011. Éditions Véritas.