Yaoundé : Le pouvoir fait la propagande de la paix

MUTATIONS 03-11-2011

Yaoundé : Le pouvoir fait la propagande de la paix

Pour célébrer la victoire de Paul Biya, des activistes du parti au pouvoir ont installé des nouvelles banderoles sur les principales artères de la capitale.

Les messages de félicitation affluent. Ceux de certains pays étrangers à l’endroit du président de la République réélu, Paul Biya, ceux aussi de quelques activistes proches du parti au pouvoir. L’un des médias les plus prisés par ces derniers est l’affichage urbain. Dans la ville Yaoundé, sur les principales artères, sont déployées des banderoles et des panneaux publicitaires, sur lesquels sont inscrits des messages de félicitation au président Paul Biya. Message de félicitation, mais aussi et surtout messages d’appel à la préservation de la paix sociale au Cameroun. A l’instar de celui-ci : «Le peuple camerounais félicite son excellence Paul Biya pour sa brillante réélection à la magistrature suprême», exposé devant la Trésorerie nationale, ou encore «Le peuple appelle à la préservation des acquis: la paix la stabilité et la démocratie», affiché devant l’immeuble ministériel n°1 (Immeuble de la mort).

Sauf que pour l’instant, le succès populaire est loin d’être au rendez-vous. «Ces affiches ne m’intéressent pas. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi est-ce qu’on les place en pleine ville, ce n’est pas ça qui me fera gagner de l’argent», s’énerve un commerçant rencontré ce mercredi 02 novembre 2011. «Honnêtement, c’est vous qui m’informez. Je n’ai même pas remarqué qu’il y avait de nouvelles affiches étant donné les anciennes (les affiches de campagne, ndlr) n’ont pas été retirées», indique un autre passant. «C’est du folklore tout simplement. On n’a certainement pas besoin de lire tous ces messages pour connaître la nécessité de préserver la paix au Cameroun.» déclare un autre, qui poursuit: «Tout cet argent aurait pu servir à la réalisation des choses plus intéressantes pour l’ensemble des Camerounais»

Soulèvement
Encore toutes blanches, éclatantes et immaculées, ces banderoles sont pourtant différentes de celles posées lors de la campagne présidentielle. «Ce n’est pas surprenant. Car cette technique de communication est loin d’être efficace», commence Jean Claude Bilana, enseignant de communication et de publicité à l’université catholique d’Afrique centrale (Ucac) et promoteur de l’agence Idées neuves. Avant de poursuivre: «Pour qu’un message soit efficace et pertinent, il faut qu’il réponde aux canons professionnels. Il doit par exemple être court, percutant. Or dans ce cas précis, les messages sont mal imprimés, mal déclinés. C’est l’amateurisme qui est au service de la propagande.»
Comment dès lors ces supports sont-ils autant sollicités? «Il paraît que c’est plus facile de faire une banderole que d’utiliser d’autres supports. Avec 20.000 ou 25.000 Fcfa, vous pouvez faire poser une banderole, surtout si le message est à la gloire du Président. En plus, les efforts de conception sont moindres. Du coup tout le monde s’engouffre dans ce mode de communication», explique cet enseignant.

Pour autant, il se trouve certains citadins pour saluer cette initiative. «J’apprécie cette démarche», avoue un passant. «Je pense que c’est une manière pour les autorités de contrecarrer les messages de soulèvements émis par certains partis politiques de l’opposition», explique t-il. Ce dernier met donc le doigt, sur l’une des motivations de cette campagne des «autorités», effleurée par l’expert sus cité: La propagande politique.
Sinon pourquoi «assommer» la capitale politique de messages d’appel à la paix, au lendemain d’une élection largement remportée par le président Paul Biya (77,98% des suffrages valablement exprimés) et dont on a dit qu’elle s’est déroulée dans «le calme et la sérénité»? «Ils savent que la légitimité populaire dont ils se prévalent est fabriquée et donc artificielle», explique Mathias Eric Owona Nguini. Et le politologue de poursuivre : «Ils ont besoin dès lors de compenser ce caractère artificiel par une communication politique qui entend désamorcer toute subversion visant à faire dérailler le processus institutionnel de légitimation de leur pouvoir en utilisant la propagande de la paix.»
C’est dit mais ce n’est pas tout. «L’enjeu stratégique c’est aussi de répondre aux critiques par la diversion, la manipulation, en installant dans l’esprit du peuple, la peur de l’affrontement, alors que celui-ci attend de voir ses conditions de vie être améliorées», conclut Owona Nguini.

Serge D. Bontsebe et Daniel Ndjodo Bessala (Stagiaire)



03/11/2011
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