Yaoundé-Bafoussam : comme un long piège

Transports. Effectuer ce trajet au volant, sans tomber et endommager son véhicule dans l’un des multiples trous de la chaussée relève d’un exploit.

Le danger de l’axe lourd Yaoundé – Bafoussam n’est plus l’étroitesse de la chaussée ou la mauvaise conduite, mais l’état de cette route dont l’état de dégradation a atteint des proportions alarmantes.

Au départ de Yaoundé par exemple, le conducteur n’est pas toujours sûr d’arriver à destination avec son véhicule en état. Les innombrables nids de poule sur la chaussée rendent le voyage pénible et dangereux. Les accidents sont plus causés par des ces nids de poule ces derniers temps. Parcourir ce trajet n’est tranquille qu’à la sortie des deux agglomérations. De Bafoussam, c’est à partir de Bandjoun que « la bagarre au volant »  commence. Après le carrefour de Bangangté, la chaussée est complètement rugueuse et crevassée jusqu’à Tonga. Après quoi, jusqu’à Makénéné, la route porte des plâtres qui provoquent souvent de violentes secousses.
 
L’enfer de Makénéné - Bafia
Le trajet de Makénéné à Bafia est ce que les conducteurs, tant de petites voitures que des véhicules de transport, appellent « l’enfer ». Les trous sur la chaussée ont parfois une profondeur de plus de 50cm. Et plus grave, parfois, ces nids de poule ne sont visibles que de près. Roulant régulièrement à grande vitesse, les chauffeurs sont devant un dilemme quand il faut esquiver des trous disposés à des intervalles rapprochés, en largeur, biais ou en longueur  dans les virages. « C’est l’une des causes des accidents. C’est parfois en voulant éviter ces trous qui ressemblent à des ravins, que des voitures se déportent sur le sens opposé et des face-à-face se produisent », remarque Bonaventure, un conducteur qui a eu, dimanche dernier, un cardan cassé, un pneu fendu et une jante tordue. Jusqu’en 2010, le trajet de Bafia à Yaoundé n’avait pas encore connu de dégradation. En ce moment, il est l’un des plus dangereux, au regard de la profondeur et de la largeur des trous. Comme celui situé à deux kilomètres du centre d’Ombessa, qui a déjà fait plusieurs victimes, dont des morts. Celui de Coopagsa, aussi à Bokito, sur « un long trait », avant le pont sur la Sanaga , à Ebebda. Ici, il ne s’agit plus de nids de poule, mais de la dégradation totale de la chaussée sur toute sa largeur, avec une profondeur d’au moins 40cm.

« Il faut être courageux, indique Gaston Kemkeng, propriétaire d’un petit véhicule et habitué de cet axe, de s’engager, surtout avec un petit véhicule, à voyager en nocturne sur cette route. Quelles que soient la puissance et la portée des phares de votre voiture, vous n’éviterez pas de tomber dans des trous, avec les conséquences qui peuvent en découler. C’est pour cette raison que je ne conduis jamais la nuit sur cette route ». C’est plus dangereux, prévient Philippe Repé, chauffeur à l’agence Binam Voyages, « lorsqu’il pleut dans la nuit : ces trous ne sont plus visibles, parce que le torrent qui coule les remplit. Nous-mêmes, les habitués de cette route, nous ne nous en sortons pas ».
 
Week-ends compliqués
Les week-ends sont des moments de tristesse pour les conducteurs de petites voitures qui se rendent dans la région de l’Ouest, en vue d’assister à divers événements : les obsèques, les funérailles… Le week-end dernier, plusieurs voitures étaient ainsi garées sur le bord de la chaussée avec les roues complètement endommagées. D’autres étaient tout simplement au fond des ravins. Comme garé, dimanche soir, avant Ndikininéki, le conducteur d’une Toyota Carina E raconte : « Mes deux pneus se sont fendus et sont irrécupérables. La jante avant s’est cassée, et je n’ai qu’une seule roue de secours. Je vais emprunter une moto ou une autre voiture pour retourner à Makénéné acheter des pneus. Mais ayant beaucoup dépensé au village, je ne suis pas certain que l’argent dont je dispose encore, va faire l’affaire ».

Le voyage qui se faisait en trois heures et demie se déroule maintenant en six heures. La situation semble ne pas encore préoccuper les décideurs au sommet de l’Etat. « Tous les dignitaires et les grands de ce pays passent sur cette route tous les jours. Mais, personne ne veut rien faire. Où va l’argent du péage ? Même le Premier ministre a fait ce trajet plusieurs fois pendant la campagne électorale. Le Cameroun a les moyens de construire une bonne route d’Olembé jusqu’à Bamenda. Et de faire la même chose sur tous les axes qui endeuillent les familles chaque jour.  Notre pays aura aussi des autoroutes quand ? », fulminait hier un passager, dans un mini bus, en direction de Bafoussam. 

Achille Chountsa


 

L’axe Tonga – Bandjoun inachevé

Bricolage. La route a été réceptionnée, alors qu’elle n’a pas reçu la dernière couche de bitume.

Le bruit que fait la voiture en roulant sur le goudron au départ de Yaoundé change dès qu’on traverse le carrefour de Tonga, après la résidence du député Feutheu Jean-Claude. La voiture connaît dès ce moment des secousses d’un autre genre. Un technicien de travaux publics, passager dans un car, il y a deux mois, faisait remarquer que le tronçon Tonga-Bandjoun n’était pas achevé et que c’est pour cela qu’il s’abîme vite. A partir de ce niveau, précisait-il, jusqu’à Bandjoun, la chaussée n’avait pas reçu la dernière couche lisse de goudron qu’on appelle enrobé. C’est sur les portions des ponts que l’enrobé a été posé.
Un ingénieur en service au ministère des Travaux public, confirme bien que cette partie de la route n’a pas la dernière couche lisse de goudron. Néanmoins, il explique : « Le revêtement qu’on pose sur la chaussée est de deux qualités lors de la construction d’une route. Après l’enduit superficiel, bicouche, on pose la dernière couche appelée enrobé. Et cette dernière couche coûte trop cher. Pour cette partie de la route, on s’est limité à l’enduis superficiel. Mais, tout dépend du contenu du contrat. Peut-être que l’entreprise qui a réalisé l’ouvrage avait à se limiter à ce niveau, à partir de là. Peut-être aussi que les pouvoirs publics n’avaient pas assez d’argent et ils ont préféré l’enduit superficiel bicouche ». Mais, notre source n’exclut pas qu’il y ait eu des manœuvres de détournement. « On connaît comment on exécute les marchés au Cameroun. Je ne peux jurer de rien à ce sujet », confie-t-il.

A.C.


 

Des travaux provisoires en vue

Des responsables du ministère des Travaux publics annoncent des aménagements en raison des obsèques d’Elizabeth Tankeu.

Certains nids de poule observés sur l’axe routier Yaoundé-Bafoussam seront bouchés avant la fin de cette semaine, ont annoncé mardi certains responsables du ministère des Travaux publics. Hier, 15 novembre 2011, à 13h, le ministre des Travaux publics, Bernard Messengue Avom, était absent de sont cabinet tout comme le directeur de la Protection du patrimoine routier. Ceux-ci se sont rendus à Bangou dans la région de l’Ouest afin de peaufiner les préparations des obsèques d’Elizabeth Tankeu, ancienne ministre du Plan et de l'Aménagement du territoire, décédée à Paris le 16 octobre dernier des suites de maladies. « Le ministre a emprunté la route Yaoundé – Bafoussam. Donc, il aura l’occasion de constater lui-même les problèmes de cette route. C’est d’ailleurs pour cela qu’il s’est déplacé afin de constater ce qui peut être fait rapidement, parce que de nombreuses personnalités vont emprunter cette route ce week-end. Donc, d’ici la fin de la semaine, les nids de poule seront bouchés », confie un cadre du ministère. C’est d’ailleurs pour cette raison que le directeur de la Protection du patrimoine routier est dans la suite du ministre, indique-t-il.

En principe, cette route Yaoundé-Bafoussam devait être réhabilitée depuis six ans. Ce que confirment des responsables du Mintp.  « En réalité, après 15 ans, il faut réhabiliter une route construite. C'est-à-dire, changer la couche de goudron. Ce qui n’a pas été fait depuis pour cet axe routier. Ceci faute de moyens. Lorsque le ministère des Travaux publics demande un budget de 80 milliards de francs Cfa pour la réhabilitation des routes, on lui accorde la moitié», confie un cadre du ministère.

Beaugas-Orain Djoyum


 

A votre avis

“Les techniciens bricolent” : Joseph Nkankeu, commerçant et usager de la route
Parlant de l’Etat de circulation sur la route Bafoussam - Yaoundé, je préfère me limiter au niveau de Makenéné ou de Bangangté. Avant d’y arriver, lorsque vous prenez le départ de Bafoussam, vous avez déjà les pneus foutus. Il y a tellement de trous sur cet espace qu’on arrive plus à les éviter. Lorsque vous échappez aux trous, vous glissez et pataugez sans cesse sur les cailloux et les morceaux de graviers. Il y a tous les mois des équipes qui bloquent un côté de la route, multiplient les trous en laissant croire qu’ils les bouchent. Mais dès qu’ils repartent, on se heurte quelques jours après à des trous plus grands à cause de leurs bricoles, au point où on se dit qu’il aurait été préférable qu’on cesse d’envoyer ces faux techniciens sur le terrain.

“Il faut refaire nos routes” : Eugenie Magne
De quelles routes est-ce que vous parlez ? Nous n’avons pas de routes au Cameroun. Lorsqu’on voyage, on passe le temps à sautiller dans le véhicule parce qu’on passe d’un trou à l’autre et, par endroits, d’un dos d’âne à l’autre. Il faut refaire toutes nos routes. Nos routes sont déplorables. Je ne sais pas s’il est préférable de refaire venir les Allemands ici au pays pour qu’ils arrangent nos routes. La situation est déplorable. La preuve c’est qu’on passe les jours à compter le nombre d’accidentés morts sur nos routes. Il y a vingt ou trente ans, lorsque nos routes étaient bien faites, il y avait vingt à trente fois moins d’accidents que de nos jours.

“Nos routes sont mauvaises” : Charlie Tchikanda, directeur exécutif ligue des droits et libertés Bafoussam
Ce n’est un secret pour personne que nos routes sont mauvaises et méritent en majorité d’être refaites. Nous qui menons depuis des années un travail sur le terrain qui aboutit sur des plaidoyers, nous avons constaté beaucoup de problèmes sur nos routes et sur leur état. Le problème de nos routes ce sont les cahiers de charge d’abord. Ils sont souvent mal formulés et en inadéquation avec les besoins de ces routes. L’autre problème est la qualité des travaux effectués sur ces routes. Ceux qui le font le plus souvent ne sont pas loin d’être des amateurs, au vu de la qualité du travail réalisé. On n’a pas toujours besoin d’être un ingénieur des BTP pour le constater.

“Mettre l’accent sur le suivi” : Kamdem Raymond, délégué de l’environnement du Noun, Foumban
Les axes routiers qui desservent les grandes agglomérations ne sont pas si mauvais que cela en soi ici au Cameroun. Nous pensons juste qu’il faut que les pouvoirs publics mettent un accent particulier sur le suivi au niveau de l’entretien et sur le respect du code routier par les usagers. Vu la fréquentation, les vitesses pratiquées et les dégâts occasionnés, il faut mettre plus d’accent sur le respect des normes de circulation pour protéger ces routes, surtout compte tenu de l’espace disponible par rapport au calibre des véhicules qui y passent. Il faut plus de contrôle, surtout l’alcotest,  parce que la survie de la route et des usagers en dépend.



16/11/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres