Wikileaks :Vent d’embarras dans les allées du pouvoir

Écrit par Valentin Siméon ZINGA   
Vendredi, 09 Septembre 2011 09:02

«  Wikileaks (Wl) a pris ces dernières années une ampleur bien plus considérable que je ne l’aurais pensé lorsque j’ai rejoint le projet en 2007, presque par hasard et par curiosité. Wl nous a propulsés,

 

nous, ces jeunes informaticiens pâlots, intelligents, mais invisibles. Dans la vie publique, nous avons appris à faire peur aux politiciens, aux dirigeants d’entreprises et aux chefs militaires de la planète. Que nombre d’entre eux aient souhaité que nous n’ayons jamais existé, que nous apparaissions dans leurs cauchemars, tout cela était un  soulagement très plaisant ». En quelques lignes, Daniel Domscheit –Berg, auteur de «  Inside Wikileaks. Dans les coulisses du site internet le plus dangereux du monde », semble avoir épuisé le «  programme ».Longtemps, le Cameroun semblait à l’abri des révélations publiées sur ce site, devenu un supplice pour les Etats les plus imposants, et les armées les plus puissantes du monde. Longtemps aussi, le pays de Paul Biya donnait l’impression de ne pas être concerné par les ravages provoqués par l’étalage des confidences les plus dérangeantes. Puis, soudain, quelques propos allusifs donnèrent la preuve que le pays n’avait pas à se réjouir de cet apparent désintérêt du site pour ses « affaires ». Et depuis quelques jours, les secrets les mieux gardés défraient la chronique. Ils «  sont dehors », selon la formule consacrée par l’ingénierie langagière de la rue. Les centres d’intérêts des propos rapportés, le profil des interlocuteurs privilégiés des diplomates américains ont fini de circonscrire l’intérêt des confessions. Et l’on s’aperçoit bien que les interrogations que certains discours suscitent, prolongent de leur gravité, et peut-être de leurs incertitudes, et leurs appréhensions, les formules de négociation du vivre-ensemble camerounais.

 

 

Questionnements

Sans qu’il y ait besoin de sondage sophistiqué, la question de la succession telle qu’évoquée, perçue, et envisagée par Amadou Ali, tient le haut du pavé des discussions et des joutes, si l’on s’en tient à des paramètres empiriques : la charge d’exclusion à coloration régionale, voire carrément ethnique, dont il soutient sa vision de la succession de Paul Biya, est de nature à enfiévrer les esprits, à raviver des blessures de l’ histoire, dont la mémoire collective camerounaise peine encore à organiser une véritable cicatrisation. Encore s’agit-il ici de doux euphémismes. Cette théorie de l’alternance sur fond d’ostracisme obstiné et assumé par un des dignitaires du système gouvernant, n’est pas, il faut le craindre, sans susciter des questionnements sur la paix et la stabilité dont se prévaut, ironie de l’Histoire, le régime en place.  Jusqu’où peut aller l’ancien patron de la Gendarmerie, l’ex-ministre de la Défense, ci-devant – accessoirement ?- Secrétaire général de la présidence de la République, pièce maîtresse de «  l’opération épervier » qui déploie, de manière méthodiquement ciblée, ses ailes sur la scène politique ?

La succession donc. Décidément. Elle est inscrite en filigrane au cœur du propos de Marafa Hamidou Yaya. Qui prend le risque de contredire, voire de contrarier, le président de la République. Paul Biya a toujours fait valoir que «  l’opération Epervier » était dénuée de portée politicienne, au sens où elle articulerait, comme l’ont suggéré des avis informés, règlements de compte et bannissement de quelques figures politiques, de la course à l’élection présidentielle. Voici que l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, qui a miraculeusement échappé aux mailles de la justice en dépit de l’existence d’un faisceau d’indices présumés  compromettants à son encontre, vient confirmer la prégnance d’une grille purement politique de ce qui était considéré comme une vaste campagne d’assainissement des mœurs managériales.

Face à la gravité des positions, on eût pu s’attendre à ce que ces figures expressives du régime se fendissent d’explications dues aux citoyens.  Réputés rigoureusement circonspects, on les découvre, ces barons du système, authentiquement bavards dès que les conditions d’espoir et de confiance sont réunies. Le mutisme assourdissant dans lequel ils se sont claquemurés depuis la déferlante des révélations marquées du sceau de Wikileaks en dit long sur leur mode de déploiement dans l’arène politique. Sous d’autres cieux, ce silence eût pu s’accompagner de requêtes urgentes à être déchargées des fonctions étatiques, en une manière d’élégance républicaine. Sous les latitudes du Renouveau, point d’aptitudes à la démission courageuse.

Inquiétudes et espoir

Reste donc au démiurge des carrières de prendre ses responsabilités. Depuis des jours, l’opinion guette, entre inquiétudes et espoir, le signe qui viendrait rassurer les citoyens. En cette matière, le chef de l’Etat dispose de la surface de légitimité nécessaire, et jouit des prérogatives régaliennes reconnues pour …faire signe. Il n’est pas sûr que le signal vienne dans les délais et les formes souhaitées par une partie de l’opinion. D’abord, parce que chez ce président séquentiel, imprévisible, et détestant laisser l’impression d’agir sous quelque pression, les décisions les plus importantes s’inscrivent dans la logique de l’inattendu et du contre-pied. S’il devait tenir sa réputation, il y aurait fort à parier qu’il est urgent d’attendre quelque reclassement des personnels politiques.

Il est vrai que les barons dont les diplomates américains ont dévoilé les desseins, et révélé les ambitions, ne sont pas les plus faciles à gérer : tant d’années de confiance et de confidences, tant de dossiers secrets, tant de proximité pèsent sur la balance. Il est aussi acquis que le contexte ne semble pas propice à des réglages politiques sur le mode de la redistribution des rôles et de la requalification des ressources humaines : à l’approche d’une élection présidentielle, la part d’incertitudes dues à un tel exercice peut s’avérer problématique. Dans le strict respect des usages démocratiques, il ne pourrait alors subsister que la période postélectorale pour des ajustements de cette nature. Or, en cette matière, les performances politiques, et singulièrement électorales, peuvent complexifier les paramètres, voire les brouiller. Une certitude : le président est attendu au tournant … de sa succession.


Mise à jour le Vendredi, 09 Septembre 2011 10:33


10/09/2011
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