Wikileaks révèle les confidences de Paul Biya sur ZE Meka, Amadou Ali et Chantal Biya

YAOUNDE - 08 SEPT. 2011
© Georges Alain Boyomo | Mutations

Au sujet de Mme Biya, «Paul Biya a également dit qu’il ignorait que la Première Dame Chantal Biya partait pour Los Angeles à l’occasion du «Sommet des premières dames Africaines sur les soins de santé» et de la visite en cours d'une équipe de la Banque mondiale travaillant sur le recouvrement des avoirs volés par des corrompus (soi-disant l'une de ses plus hautes priorités)… ».


Janet E. Garvey & Paul Biya
Photo: © Aechives PRC


Wikileaks révèle les confidences de Paul Biya sur ZE Meka, Amadou Ali et Chantal Biya

Janet E Garvey (Sources: Wikileaks)

Jusqu’où ira Wikileaks sur le Cameroun ? C’est la question que l’on est obligé de se poser au regard du flot d’ «informations stratégiques» estampillées de ce site web d’alerte.

Des informations qui sont déversées graduellement et, à l’analyse, « méthodiquement » sur la place publique depuis le week-end dernier. Au train où vont les choses, sans être un oiseau de mauvais augure, l’on s’achemine tout droit vers un « tsunami » qui n’épargnera aucun haut responsable camerounais ; avec les risques que cela comporte sur le corps social, mais davantage sur la cohésion du gouvernement et la survie du système en place. Il n’est en effet pas exclu, loin s’en faut, que les personnalités mises en cause, et cela est un sentiment humain, se regardent désormais en chiens de faïence. Dans un environnement sociopolitique, où comme l’écrivait la journaliste française, Fanny Pigeaud, dans son dernier ouvrage, «Au Cameroun de Paul Biya », le chef de l’Etat doit notamment sa longévité au pouvoir à « l’entretien des divisions au sein de l’élite dirigeante », ces câbles vont certainement avoir des effets dévastateurs.

Tout compte fait, le système au pouvoir depuis 29 ans risque d’avoir à gérer, en pleine période électorale, l’une des crises les plus aigues, en terme de fuites d’informations, de son histoire, après le scandale des écoutes téléphoniques en 1997. On se rappelle en effet que, cette année là, la transcription des conversations, suivie de leur publication avaient dévoilé des entretiens téléphoniques entre d’une part, le secrétaire général de la présidence de la République (Sgpr) d’alors, Amadou Ali, et le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense, Edouard Akame Mfoumou. Et, d’autre part, entre le directeur du cabinet civil de la présidence de la République, Martin Belinga Eboutou, et Edouard Akame Mfoumou. Ces révélations avaient alors servi de prétexte au pouvoir pour déclencher une chasse aux sorcières contre les «réseaux Titus Edzoa». Ce dernier sera d’ailleurs interpellé et emprisonné quelques semaines plus tard. Titus Edzoa est en détention depuis 14 ans.

Après les propos attribués à Mengot Victor Arrey, Amadou Ali et à Marafa Hamidou Yaya, dans le document ci-contre, daté d’avril 2010, le désormais célèbre Wikileaks dévoile le contenu des entretiens entre le chef de l’Etat, Paul Biya, et l’ambassadeur des Etats-Unis, Janet E. Garvey, notamment à propos de l’ex ministre de la Défense, Rémy Zé Meka. «Il a tellement volé lorsqu’il était secrétaire général du premier ministère et on aurait pu croire que ça lui suffit», aurait déclaré le chef de l’Etat aux Américains, au sujet de son ministre. A cet égard, « Biya s’est demandé à voix haute qui il pourrait désigner pour remplacer Ze Meka, se plaignant qu'il y avait une pénurie de candidats compétents et digne de confiance. Biya a exprimé un niveau élevé de confiance dans l'actuel ministre de la Justice et vice-Premier ministre Amadou Ali, ancien ministre de la Défense à la fin des années 1990, et à qui il songeait pour occuper ministère de la Défense à nouveau».

Au sujet de Mme Biya, «Paul Biya a également dit qu’il ignorait que la Première Dame Chantal Biya partait pour Los Angeles à l’occasion du «Sommet des premières dames Africaines sur les soins de santé» et de la visite en cours d'une équipe de la Banque mondiale travaillant sur le recouvrement des avoirs volés par des corrompus (soi-disant l'une de ses plus hautes priorités)… ». Bonne lecture !

Georges Alain Boyomo



Selon les documents publié par le site http://wikileaks.org et dont la traduction est donné plus bas, Biya a avoué, au cours d’un entretien privé avec l’ambassadeur des USA, être conscient de la corruption des généraux et du ministre de la défense Remy Zé Méka ; il ajoute qu’ « il a tellement volé lorsqu’il était secrétaire général du premier ministère et on aurait pu croire que ça lui suffit». D’autres documents publiés par le même cite font état des accusations trafic d’armes au Cameroun et dans toute l’Afrique centrale par le même Zé Meka en coaction avec certains généraux de l’armée ; accusations portées par le directeur de l’agence nationale d’investigation financière (Anif) Hubert Nde Sambone (suivre le lien http://wikileaks.org/cable/2009/03/09YAOUNDE246.html). Malgré cet aveu et d’autres indices précis et concordant, Remy Zé Méka continue de couler des jours heureux à Yaoundé alors que la lutte contre la corruption est supposée être une des priorités du gouvernement.

Résumé.

L’ambassadeur a eu un entretien le président camerounais Paul Biya le 3 avril au sujet de l'engagement continu du gouvernement des US d'appliquer énergiquement les lois américaines contre la corruption, notamment une interdiction de voyager contre un membre du gouvernement de Biya. Bien que l'ambassadeur ait évité de spécifier un nom, Biya a immédiatement deviné qu’il s’agissait du Ministre délégué à la Défense Rémy Ze Meka et vraisemblablement se référant à un remaniement ministériel, a déclaré que l'action du gouvernement américain allait « me forcer à accélérer mes plans ». Biya a pris son temps et s'est exprimé pendant presque une heure sur la politique, les forces de sécurité, et l'impact de la crise économique. Biya a déclaré que ELECAM serait entièrement financé et le Sénat et la Cour constitutionnelle créés avant Décembre 2009, mais n'a donné aucune indication quant à ses ambitions pour l'élection présidentielle prévue pour 2011. Biya a été moins concentré et plus décousu que dans les réunions précédentes et ne semble pas pleinement conscient des nombreux défis auxquels sera confronté son gouvernement.
Fin du résumé.


Rappel à Biya des Engagements des gouvernements des USA (USG) contre la corruption


2. (C) Les services consulaires ont demandé une audience de 15 minutes au président camerounais Paul Biya pour le compte de l’ambassadrice. L’ambassadrice a émis le souhait que cet entretien soit relativement discret et ne s’accompagne pas de la couverture médiatique qui entoure habituellement les entretiens accordés par Paul Biya. L’ambassadrice a rappelé à Biya leurs conversations antérieures concernant l’engagement politique du gouvernement américain dans la lutte contre la corruption s’appuyant notamment sur la Proclamation présidentielle 7750, qui instruit au Département d'État de refuser le visa d’entrée aux Etats Unis aux officiels corrompus et à ceux qui les corrompent. 
Sans plus de d’explications, l'ambassadrice a déclaré qu'elle voulait informer Biya que les Etats Unis avait récemment inscrit un membre actuel du gouvernement de Paul Biya dans la liste des personnes interdites de voyages aux États-Unis en l’avertissant que cette décision pourrait être connue par l’opinion publique.


Le suspect probable



3.(C) Peut-être parce que beaucoup de conversations précédentes avaient évoqué la corruption du ministre délégué à la Défense, Biya a spontanément identifié Ze Meka comme cible probable, en affirmant: «Je ne suis pas surpris. Il est si mauvais ».
Biya a confessé à notre stupéfaction que Ze Meka est apparemment insatiable de cupidité. « Il a tellement volé lorsqu’il qu'il était secrétaire général des services du Premier ministre ; on aurait pu penser que ça lui suffisait », s’est-il exclamé. Puis il continua en indiquant à l’ambassadrice que l'action des Etats Unis le forçait à accélérer ses plans.


Les problèmes de défense et de sécurité

4. (C) Biya s’est demandé à voix haute qui il pourrait désigner pour remplacer Ze Meka, se plaignant qu'il y avait une pénurie de candidats compétents et dignes de confiance. Biya a exprimé un niveau élevé de confiance dans l'actuel ministre de la Justice et Vice-Premier ministre Amadou Ali, ancien ministre de la défense à la fin des années 1990, et à qui il songeait pour occuper à nouveau le ministère de la Défense.

Biya a indiqué qu'il était conscient des problèmes au sein de l'armée régulière, y compris des frustrations de plus en plus grandes causées par les responsabilités et les ressources grandissantes confiées au Bataillon d'Intervention rapide (BIR) qui fonctionne sous ses ordres directs et est indépendant de l'armée régulière. Biya a déclaré que sa décision de confier le contrôle de la péninsule de Bakassi au BIR rend le Nord du Cameroun plus vulnérables aux actes de banditisme depuis le départ du BIR de cette partie du pays.


Biya "reconnaissant" du soutien de «nos amis américains »


5. (C) Malgré le désir affirmé de l'ambassadeur d’écourter la rencontre pour éviter de prendre trop de son temps, Paul Biya ne s'est pas pressé et s'est longuement exprimé sur des sujets variés. Biya a demandé à l’Ambassadrice d’informer Washington à l'occasion de son prochain voyage aux USA que le Cameroun est engagée à renforcer la démocratie et est «reconnaissant» pour le soutien qu'il reçoit de ses «Amis américains». Toujours élogieux au sujet de la visite du mois de Mars du pape Benoît XVI, Paul Biya a déclaré qu'il espérait que le "prochain visiteur" du Cameroun serait le président Obama en rappelant ses propres origines modestes dont il semblait croire qu’elles le rapprochent d’Obama.


À venir en 2009: ELECAM Le financement et du Sénat


6. (C) Paul Biya a déclaré qu'il avait récemment demandé au ministère des Finances de mettre à disposition d'ELECAM, le financement ("tout ce dont ils ont besoin») nécessaire pour fonctionner. Sentant que Biya n'était pas au courant des critiques publiques émises par l'ambassade des Etats-Unis sur ELECAM, l'ambassadrice a rappelé que les Etats Unis ont émis des réserves concernant la direction d'ELECAM, insistant sur la nécessité pour ELECAM de prendre, le plus tôt possible, des mesures efficaces pour assurer sa crédibilité et de réussir les 
élections. 
Biya a déclaré qu'il avait l'intention de voir le Sénat et Cour constitutionnelle fonctionner avant la fin de 2009 soulignant qu'il veut «avoir tout en place avant la fin de mon mandat ». Admettant qu'il n'avait pas partagé ses plans avec quelqu'un d'autre, Biya a confié à l'ambassadrice qu'il avait l'intention d'utiliser ses propres pouvoirs discrétionnaire pour nommer les membres du Sénat afin de déplacer les généraux âgés et corrompus de l'armée, où ils continuaient à bloquer les réformes.

Electricité, AES et Rio Tinto

7. (C) Biya est fréquemment revenu sur des préoccupations concernant l’économie Camerounaise, en particulier l'absence de progrès sur les grands projets d'investissement et les retombées potentielles de la crise économique mondiale. Biya avait rencontré la veille un cadre supérieur du géant multinational minier Rio Tinto. Se référant à cette rencontre et aux assurances de Rio Tinto à développer la production d'aluminium au Cameroun, malgré les contraintes financières, Biya a déclaré: « J'espère qu'ils vont tenir leurs promesses parce qu'ils promettent, promettent, promettent". Biya a déclaré qu’il était conscient que Rio Tinto et le fournisseur d'énergie américaine AES étaient bloqués dans des négociations sans fin pour fixer le tarif de l'énergie pour ALUCAM, joint-venture Rio Tinto-Gouvernement du Cameroun en vue de l’exploitation d'une usine d'aluminium à Edéa. Mais il n'a fourni aucune piste sur la manière dont le conflit serait résolu.


8. (C) Répondant à l'analyse de l'ambassadrice qui soulignait l’impact des négociations AES-Rio Tinto sur l’avenir du secteur de l’énergie au Cameroun, Paul Biya a indiqué qu'il pensait que l'électricité est « la chose la plus importante » pour une l'économie. Mais il n'a pas indiqué sa vision de la solution que le gouvernement envisageait : soit subventionner l’énergie dont Rio Tinto a besoin soit faire payer le courant plus cher aux consommateurs camerounais.

Biya a affirmé qu'il espérait que les travaux de construction d'une nouvelle centrale électrique à gaz commenceraient bientôt à Kribi par la Kribi Power Development Company (KPDC) filiale de AES. Et il s’est dit frustré du report de la date de début du projet de plus d’un an. Biya a indiqué qu'il n'avait pas réalisé que le projet avait été suspendu à cause de l'absence d'un accord entre la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et Perenco, l'entreprise privée chargée de fournir du gaz à l'usine de Kribi. Biya a déclaré qu'il avait été « crucifié » d’apprendre que l’accord n’avait pas été signé comme il l’avait ordonné et dit à l'ambassadrice qu’il va « appeler » Laurent Esso, le secrétaire Général à la Présidence, et Adolphe Moudiki, le directeur général de la SNH, pour leur faire part de sa frustration.


Commentaire: Biya est-il toujours aux commandes ?


9. (C) Biya a semblé plus fatigué et plus usé que d'habitude et ne semblait pas être au courant des informations fraîches au sujet des événements en cours au Cameroun. Il est apparu comme mieux informé (par la télévision française) de la récente visite de « POTUS » en Europe que des problèmes locaux urgents actuels, y compris les luttes des Camerounais pour atténuer les pertes d'emplois et de revenus déjà subis à la suite de la crise économique internationale. Son engagement pour la signature du contrat gazier entre SNH et le britannique Perenco est révélateur: deux de ses plus proches collaborateurs et les plus puissants conseillers n'ont pas appliqué ses instructions et ne l'ont pas informé de la situation, causant plus de un an de retard dans le développement pourtant indispensable de la centrale de gaz de Kribi. Mais Biya n’a montré qu’une légère irritation et n’a promis aucune sanction.

10. (C) Paul Biya a également dit qu’il ignorait que la Première Dame Chantal Biya partait pour Los Angeles à l’occasion du « Sommet des premières dames Africaines sur les soins de santé ». De même qu'il n'était pas au courant de la visite en cours d'une équipe de la Banque mondiale travaillant sur le recouvrement des avoirs volés par des corrompus (Soi-disant l'une de ses plus grandes priorités). Comme il l’a fait avec l’ambassadeur précédent, Biya envisageait à voix haute les candidatures possibles pour le futur gouvernement et bavardait tranquillement, sans but ou direction apparents. Lorsque l'ambassadeur a pris congé, Biya lui a dit « Si vous voulez me parler appelez directement le bureau, ne passez pas par le protocole». Biya n’a pas fourni de réponses fortes aux questions pressantes du jour: les hauts fonctionnaires qui désobéissent ou qui transgressent ses ordres, le remaniement ministériel annoncé, la kleptocratie, l'avenir du secteur de l'énergie, la réponse de Cameron face à la crise économique. Malgré l'impression répandue que Biya a un contrôle sur tout, nous sommes de plus en plus frappé par des signes de laxisme de Biya, sa compréhension légère des enjeux lourds et urgents et son ignorance apparente, ou son indifférence à propos des activités de ses propres proches collaborateurs parfois corrompus, incompétents et déloyaux.

Janet E Garvey (ancienne ambassadrice US au Cameroun)

Source: http:wikileaks.org/cable/2009/04/09YAOUNDE370.html
© Traduit par : PEDIE Michel



11/09/2011
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