Wikileaks: Le pétrole et le gaz camerounais vus par les américains

YAOUNDE - 15 SEPT. 2011
© Janet E Garvey (Source : Wikileaks) | Mutations

REF. 08 YAOUNDE 1046

Résumé:

Le Cameroun est le 7ème producteur en Afrique au Sud du Sahara, non compris les 4 milliards de dollars du pétrole tchadien qui transitent par le pipeline du consortium Exxon-Mobile. Bien que le groupe français Total contrôle les deux tiers de l’exploration et de la distribution à ce jour, les compagnies américaines détiennent des parts importantes dans le secteur. Face aux récentes attaques dans le Golfe de Guinée, le gouvernement camerounais y a renforcé les mesures de sécurité. Au-delà du pétrole, le gouvernement met en avant les réserves annoncées de gaz, dans l’espoir d’attirer plus de compagnies pour l’exploration. Le premier projet d’une usine de gaz conduit par la société américaine AES a été retardé par des divergences sur la structure financière du partenariat. Fin du résumé.


LA PRODUCTION PRETOLIERE
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2. (U) Le Cameroun est le septième producteur de pétrole d’Afrique au Sud du Sahara (le cinquième d’Afrique centrale) avec une production de 31.2 millions de barils en 2007 (85,600/jour). Le niveau de la production a été relativement stable ou cours de la décennie écoulée mais elle est largement en dessous des niveaux atteints au milieu des années 1980. La production était en 1986 de 65,5 millions de barils par an.

Et aujourd’hui, la plupart des observateurs estiment que le pic de la production camerounaise est derrière nous. Le pétrole a représenté en 2008 50% de la valeur des exportations, 10% du produit national brut et 26% des recettes budgétaires. Au cours des quatre premiers mois de 2008, le gouvernement camerounais a engrangé $500 millions de revenus pétroliers, pratiquement le double des prévisions, largement en raison des prix particulièrement élévés sur le marché international, bien au-delà de ce qui était attendu. Au cours d’une récente rencontre avec le Directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), Adolphe Moudiki, il a admis que les réserves de pétrole connues du Cameroun déclinaient. Mais il a souligné que le mouvement à la baisse s’était atténué depuis 1993.

La seule réserve importante du pétrole camerounaise, le bassin offshore du Rio del Rey est exploité depuis 1977 et se trouve à la baisse. Il existe également une réserve marginale non loin de Kribi exploitée par Perenco Cameroon avec une production de 9 608 barils par jour. On compte 59 plateformes pétrolières au Cameroun (41 pour Total, 12 pour Pecten et 6 pour Perenco) et 4 terminaux de pétrole (y compris celui du pipeline Tchad- Cameroun).



L’EXPLORATION PETROLIERE
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4. (SBU) La SNH cherche à développer de nouvelles explorations dans l’espoir de trouver des réserves additionnelles. Depuis 2007, le gouvernement a manifesté de l’intérêt pour l’exploration du pétrole et du gaz dans les blocs de Bakassi (752 Km2), Bolongo (462 km2) Lungahe (84km2) et Mokoko Ouest (18km2). Sur la base de tests géologiques préliminaires, la SNH pense qu’il y a du pétrole dans l’Extrême Nord (le bassin du Logone Birmi, 27 000 km2), dans le Nord (Garoua, 7800 km2) et dans le Sud Ouest (le bassin de Mamfé, 1775 km2). Mr Moudiki a indiqué à l’ambassadrice que malgré l’idée communément répandue selon laquelle Bakassi est riche en pétrole, il n’y a aucune donnée indiquant qu’il y ait du pétrole dans cette zone. « S’il y a du pétrole à Bakassi, ce sera une bonne surprise » a-t-il déclaré.

5. (U) La hausse continue du prix du matériel pour l’exploration pétrolière a conduit la SNH a nouer des partenariats avec des compagnies pétrolières étrangères et a rendu onéreux les coûts de l’exploration. Toutefois, les investissements dans ce domaine ont été multipliés par deux, passant de $101 millions en 2006 à $246,76 millions en 2007. Les sociétés impliquées dans l’exploration sont d’origine américaine (Exxon-Mobil, Noble Energy, Kosmos Energy, Rodeo Resources Inc, Sterling Oil and Gas Ltd, Pecten – avec également UK/Dutch stake), française (Total E & P, Perenco Oil and Gas), Britannique (Euroil, filiale de Bowleven, Tullow Oil), australienne (Fusion Oil and Gas), malaisienne (Petronas), vietnamienne (en association avec la française Total) et suisse (Addax Pretroleum). La Chine va bientôt pénétrer dans le secteur, d’après Adolphe Moudiki.



LA DISTRIBUTION PETROLIERE
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6. (U) Environ 80% de l’approvisionnement en essence pour la consommation locale est assurée par la SONARA, la raffinerie à capitaux publics. Les 20% restant étant comblés par les importations. La raffinerie de la SONARA utilise du crude light importé du Nigéria ou de la Guinée Equatoriale. Les subventions du gouvernement et le contrôle des prix permettent de maintenir des prix bas à la pompe. L’opinion publique est particulièrement sensible aux prix du pétrole qui constituent un élément inhabituellement élevé dans la structure des prix des produits alimentaires. La hausse du prix du pétrole est un facteur qui a contribué à la pression socio-économique qui a provoqué les violentes émeutes de février 2008.

La Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH), une société publique, transforme les factures de pétrole de la SNH en subvention à la pompe. En septembre 2008, la CSPH estimait le montant de ses subventions à plus de $46 millions par mois, ce qui fait des subventions sur le prix de l’essence le plus important poste budgétaire du gouvernement.

7. (U) Parmi les opérateurs du secteur de la distribution à la pompe on trouve Total, Lybia Oil (qui a racheté le réseau de Exxon Mobil), la société publique Tradex et Chevron-Texaco [qui a racheté Shell elle est sortie du marché pour céder son réseau à MRS, Ndlr]. Total contrôle les deux tiers du secteur pétrolier avec 36 plateformes en haute mer, 5 usines de traitement et 160 stations de gaz.

8. (SBU) Mr Moudiki était frustré de ce que certaines sociétés de distribution aient pris la décision au niveau de leur siège de céder leur réseau local en n'informant le gouvernement qu’après coup. Le gouvernement camerounais n’a pas le premier droit de reprise ou de refus mais il estime que ces cessions soudaines déstabilisent le marché. Toutefois la SNH entretient d’excellentes relations avec les compagnies américaines et traite tous les opérateurs sur une base non discriminatoire, affirme-t-il. L’ambassadrice a souligné que les compagnies américaines ont félicité la SNH pour son expertise et son ouverture.



LA SECURITE DU SECTEUR PETROLIER
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9. (SBU) Mr Moudiki affirme que le gouvernement camerounais est “très préoccupé par la sécurité” dans le secteur pétrolier. Il a rencontré récemment les compagnies pétrolières avec le ministre de la Défense pour discuter des moyens de prévenir la piraterie et améliorer la sécurité. Il espère que les compagnies pourront contribuer à organiser la logistique et la possibilité de réparer les navires du gouvernement. Mais il était emphatique en affirmant qu’il n’attendait pas des compagnies qu’elle apporte de l’argent au gouvernement pour financer leur sécurité. Concernant le pipeline Tchad-Cameroun, il estime que la sécurité n’y est pas une préoccupation majeure, dès lors qu’il est enterré sous terre. Depuis ce rendez-vous avec Mr Moudiki, le gouvernement a engagé des actes concrets pour améliorer la sécurité des installations pétrolières offshore, y compris en mettant des escortes militaires à la disposition de certains navires.



LE POTENTIEL GAZIER
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10. (U) Le gouvernement camerounais se flatte des 157 milliards de m3 de réserves de gaz naturel prouvées avec un potentiel estimé de 570 milliards de m3 dans les bassins de Rio del Rey et Douala/Kribi-Camp. Addex, Euroil et Glencore sont les plus importantes compagnies qui font de l’exploration du gaz. Le développement de la production de gaz peut prendre de nombreuses années, en particulier tant que les gisements connus sont éparpillés en petites quantités, d’après Mr Moudiki.


11. (U) La raffinerie de la SONARA produit du gaz naturel liquéfié et le gouvernement a discuté de la possibilité de vendre des quantités importantes à la société Marathon Oil de Guinée Equatoriale à partir de 2010/2011. Cependant, Mr Moudiki nous a déclaré qu’il considère que la priorité c’est l’approvisionnement en gaz du marché local et la SHN envisage d’agrandir significativement ses capacité de stockage de gaz naturel liquéfié. Le consortium franco-belge Gaz de France (GDF) Suez LNG Lt devait entamer une étude de faisabilité pour développer du gaz naturel liquéfié, y compris l’extration onshore pour les besoins locaux, la production de condensate et la création de capacités supplémentaires d’énergie basée sur le gaz.

12. (SBU) D’après Mr Moudiki, le Président Biya a exigé que le gouvernement mette l'accent sur l’énergie thermique à base de gaz. Dans son premier projet de centrale thermique à gaz, le gouvernement a signé un accord avec la société américaine AES pour la construction d’une usine d’une capacité de 150 MW à Kribi. Le projet est bloqué à cause de désaccord entre AES et la SNH au sujet de la structure du partenariat et de certains points de l’accord. Le gouvernement étudie également la possibilité une usine de transformation de gaz à Logbaba, dans la banlieu de Douala d’une capacité de 66 MW pour un coût d’environ $80 millions. Par ailleurs en tant que membre du Global Gas Flaring Reduction (GGFR), le Cameroun espère transformer les émanations de gaz (estimées en 2005 à 1,1 milliards de m3).


Commentaire .
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13. (SBU) En réeaction à la pression international liée au processus d’implémentation de son statut de Pays pauvre très endetté ( PPTE), le gouvernement camerounais a ouvert la gestion du secteur pétrolier à plus de transparence. Il s’est inscrit à l’Initiative de transparence des industries extractives (EITI) et a fait évoluer les transferts de la SNH vers des mécanismes comptables classiques. Mais le secteur reste sous un ferme contrôle de la présidence et les récents rapports des dépenses « hors budget » de la SNH laissent penser qu'il y a un retour à des pratiques passées lorsque la SNH était traitée comme la cagnote privée de la présidence. Avec environ un tiers du budget national provenant des recettes pétrolières, le pouvoir camerounais reconnait la menace que représente le déclin de ses réserves. Et il se tourne désormais vers de nouvelles explorations, vers le potentiel du gaz et du secteur minier encore vierge pour remplacer les revenus pétrolier en déclin. La chute des prix du pétrole et la pression sur le budget soumis notamment à la nécessité de subventionner les produits alimentaires n’ont pu que pousser le gouvernement à agir dans l’urgence.

JANET E. GARVEY


15/09/2011
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