Vol et trafic des enfants: Les pouvoirs publics aux bancs des accusés

DOUALA - 17 Février 2012
© Jacques Willy NTOUAL | Le Messager

En principe consacrée à la protection des Hommes et des biens, au fil des événements, l'administration se retrouve malheureusement engluée dans ces affaires au point de torpiller son devoir régalien.

Ayant la responsabilité de protéger les Camerounais dans leur globalité et les enfants en particuliers, l'administration camerounaise pèche par une posture qui met en déroute les missions institutionnelles d'un Etat de droit. Même la ratification de la charte des Nations unies sur les droits de l'enfant n'a pas amélioré la situation. Ce n'était qu'un leurre. Malheureusement, à en croire Mme Marie-Sixte Nomo Messina, promotrice de l'orphelinat Main dans la main à Douala, «l'enfant au Cameroun n'est pas protégé. Il est loin d'être protégé par ceux-là mêmes qui doivent le faire: les parents, l'administration et les organisations non gouvernementales» dénonce-t-elle. Pessimiste, elle s'interroge quant à l'avenir même de l'enfant devant l'ampleur que prend le phénomène de vol et de trafic d'enfants: «Je me demande quel Saint viendra nous sortir de cette abysse dans laquelle ploie l'enfant dans notre pays». Suivant son argumentaire et quelques exemples précis, on se rend compte de la pertinence et de la véracité des propos de cette dame qui a dédié sa vie aux enfants.

Le premier exemple, est l'affaire Vanessa Tchatchou où une kyrielle de hautes personnalités de l'administration est montrée du doigt. D'abord, le directeur de l'hôpital, Dooh Anderson Sama, la ministre des Affaires sociales, Catherine Bakang Mbock et la fameuse magistrate résidente de la banlieue cossue d'Odza à Yaoundé, se retrouvent comme par enchantement au centre de ce mélodrame. Chacun en ce qui le concerne, aurait selon toute vraisemblance, joué un rôle pour le moins répréhensible dans «la disparition» du bébé de Vanessa. Il ne faut pas croire que la capitale politique a l'exclusivité de ce genre de micmacs où de gros bonnets de l'administration sont impliqués dans les dédales du «trafic d'enfant». A Douala, c'est monnaie courante. Comme l'atteste la dernière affaire relayée par nos confrères de la Nouvelle Expression, livraison n°3166 du 15 février 2012.


Direction inconnue

Ici, c'est le délégué régional des Affaires sociales pour le Littoral, Samuel Ndjock qui est dûment poursuivi pour «détournement de bébé». Les faits datent de 2007 lorsqu'un bébé déclaré «abandonné» par des tantes maternelles qui n'en voulaient manifestement pas, est remis par les services sociaux du commissariat du IIe arrondissement à l'orphelinat Afrad ainsi que l'atteste le courrier n°2007/08/L/Minas/Dpas-Lt/Dda sw/Cs2/S as du 9 juillet 2007. Deux semaines plus tard après l'arrivée du bébé Abdoulaziz dans cet orphelinat, Samuel Ndjock ordonne une levée de garde par le biais du courrier n° 2007/005/L/Sg/Depas/Lt/Spe. Résultat, Abdoulaziz quitte l'institution pour une destination inconnue.

Heureusement, El Hadj Ali Ben, le géniteur, hors du pays lors des faits, n'a pas croisé les bras. Il l'a fait savoir lundi 6 janvier courant quand il adresse une requête à Samuel Ndjock: «Monsieur, écrit-il en substance, vous seul savez où notre enfant se trouve». A ces mots, de manière épistolaire le délégué réplique: «(...) Je tiens à vous rappeler que vous êtes en droit d'ester en justice si vous avez la qualité et l'intérêt».

Ali Ben (qui ignorait la manigance des tantes) n'aurait donc plus le droit de savoir ce qu'il en est de son fils? Hélas, pareils cas sont légion. Illustration. Il y a deux mois, à l'orphelinat Main dans la main, un enfant d'à peine deux mois a quitté les lieux sans laisser de trace. C'est aussi par le même procédé que les bébés Glory et Christian Tumi ont été «enlevés» dans la même institution sans «levée de garde». «Malgré ma réticence et ma résistance à laisser les enfants partir dans ces conditions, la représentante de la délégation régionale qui est venue nuitamment et un samedi les chercher, nous a- fait savoir qu'on les attendait à Yaoundé», déplore Nomo Messina. Approché par Le Messager, Samuel Ndjock, n'a pas voulu s'expliquer sur la question.


Réglementation foulée au sol

Mais un cadre de la délégation régionale qui a requis l'anonymat soutient à la charge de son supérieur hiérarchique, que pour ce cas (Abdoulaziz), la procédure d'adoption n'a pas obéit à la réglementation en vigueur, «c'est le seul hic.» Poursuivant, «le délégué qui a pris sur lui de signer l'adoption ignore les parents adoptifs. Pis, ne sait même pas où l'enfant Abdoulaziz se trouve actuellement. Ce qui est grave.» Cependant, il se veut rassurant car si Abdoulaziz a été bel et bien adopté, «il n'est pas question d'un quelconque trafic ou de vol d'enfants. Aussitôt qu'on saura quelle direction a pris l'enfant, les parents naturels auront leur enfant. C'est légitime.»

Notre source affirme par ailleurs que cette situation est née des bisbilles qui existent entre le délégué et sa collaboratrice, chef service de l'adoption et de la protection de l'enfant qui «a piloté toute l'opération et sait pertinemment où se trouve l'enfant recherché.» Il est donc temps de faire taire ces querelles de services pour que l'enfant revienne à la maison.


17/02/2012
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