VERITES SUR LES MASSACRES DE MAI 1955 (I)

VERITES SUR LES MASSACRES DE MAI 1955 (I)

Massacre Ouest:Camer.beLa série des 06 (six) textes qui vont suivre poursuivent l’objectif de mettre l’histoire héroïque de ce pays à la portée d’une jeunesse camerounaise encore trop ignorante de la richesse de la lutte indépendantiste de nos aînés nationalistes, qui se sont illustrés par milliers. Elle est tirée de « Radical nationalism in Cameroon, Social origins of the UPC rebellion » (1977) de l’historien trinidadien Professor Richard Joseph, directeur du « Northwestern University’s African Studies Department » aux Etats-Unis d’Amérique.

LES FAITS

C’est entre le 22 et le 30 Mai 1955 qu’eurent lieu une série d’émeutes dont l’administration française rendit l’UPC responsable et qui, d’après les sources officielles, firent vingt-six morts (vingt-six manifestants, quatre civils dont deux européens et deux forces de l’ordre) et cent quatre vingt neuf blessés (cent quatorze manifestants, treize civils dont onze européens et soixante deux forces de l’ordre)1. Je donnerai tout d’abord, à partir des rapports administratifs qui ont été rédigés, en résumé de la version officielle des incidents qui sont censés avoir lieu avant de considérer d’autres interprétations de cette explosion de violence dans le sud Cameroun2.

En avril 1955, un groupe anti-UPC de la région bamiléké, connu sous le nom de rassemblement du peuple camerounais, entreprit par trois fois, sous la direction de plusieurs chefs bamiléké, d’empêcher des dirigeants de l’UPC comme Um Nyobe et Abel Kingué de tenir des réunions. Le 15 Mai, une réunion non autorisée fut organisée à Mbanga dans la région du Moungo : elle fut dissoute par les troupes et  l’incident fit de nombreux blesses parmi les participants et les forces de police. Le lendemain, la section UPC de Mbanga décida d’organiser une autre réunion et déclara que toute intervention de l’administration recevrait une violente riposte. Cette seconde réunion se tint le 22 Mai : quand la police commença à disperser les cent à cent cinquante participants, ces derniers se retranchèrent a l’endroit prévu d’où d’autres upécistes, qui étaient dissimulés, chargèrent les force de l’ordre ; l’affrontement fit de nombreux blesses parmi les manifestants et les forces de police dont un membre décéda des suites des ses blessures a l’hôpital.

Le bruit de la « victoire » UPC à Mbanga se répandit dans toutes le Sud. Le 23 Mai, des incidents opposèrent manifestants et policiers à Nkongsamba, la ville principale de la région du Moungo ; parmi les manifestants se trouvaient une quarantaine des membres de l’UPC venu de Mbanga venus avec des couteaux et des matraques : deux d’entre eux furent tues et un certain nombre de policiers furent blessés. Le 25 Mai, de nouveaux incidents furent neuf blessés parmi les manifestants à Nkongsamba. Mais c’est à Loum, une autre ville de la région du Moungo, qu’eurent lieu, le même jour, les incidents les plus marquants : la prison de la ville et les bureaux administratifs furent pris d’assaut par deux cent à deux cent cinquante manifestants qui, une fois repoussés par la police se retranchèrent derrière une brigade de pavés. La police dut recourir aux grenades et aux armes à feu pour venir à bout de cette échauffourée au cours de laquelle six manifestants furent tués et cinq autres blessés. Le 25 Mai, également, la route fut coupée entre Douala et Nkongsamba, mais, des le 26, l’administration avait repris le contrôle de la région. Le 29 Mai, les forces de l’ordre investirent les villages de Mombo dans la région du Moungo pour disperser une réunion : de nombreuses arrestations eurent lieu mais ce fut le dernier incident noté dans cette année.

Le 22 Mai, c’est-a-dire le jour même des incidents de Mbanga, une réunion du Front National (une organisation anti-UPC née a Douala) fut interrompu par de militants UPC qui furent arrêtés par la police ; pendant les deux jours qui suivirent, on nota plusieurs agressions de camerounais non upécistes par des membres de l’organisation indépendantiste de douala. Dans la nuit du 23 au 24 Mai, des patrouilles organisées de membres de l’UPC firent leur apparition dans la communauté de New-Bell a douala : ces patrouilles, qui étaient la en position défensive pour protéger le quartier général (siège) du parti, s’opposèrent plusieurs fois aux forces de l’ordre. Dans la nuit du 24 au 25 mai, les patrouilles de l’UPC s’attaquèrent de nouveau aux camerounais non upécistes. Le gouverneur demanda des renforts aux territoires voisins d’AEF. Le 25 mai, en début d’après midi, les locaux et les locaux administratifs de New-Bell furent attaqués ; des voitures incendiées servirent de barrages. De nombreux véhicules d’européens furent endommagés ; cet après-midi des violences furent deux morts chez les blancs et de nombreux blessés. La police utilisa des grenades et des armes a feu pour disperser les manifestants qui dénombrèrent des dizaines de blessés et sept morts dans leur rang.

On estime que 1500 personnes participèrent a l’attaque de la prison de New-Bell et que 3000 manifestèrent ce jour là.  Le couvre feu fut donné a 19 heures, ce qui évita tout autre incident pendant la nuit. Le 26 mai à l’aube, la police prit d’assaut le siège de l’UPC à New-Bell et saisit des machettes, des gourdins et des barres de fer ; une vingtaine de militants UPC, qui tentèrent de résister furent arrêtés. Ce fut le seul incident ce jour là. Mais dans la nuit du 27 mai, un incendie se déclara dans le quartier de New-Bell ne laissant que les murs du siège de l’UPC, Félix Moumié, s’adressa à plus de 1500 personnes. Trois jours plus tard, l’UPC donna la consigne aux commerçants bamilékés de refuser de payer leurs taxes et de désobéir aux injonctions de l’administration. On n’enregistra aucun autre incident à douala.

Le 22 mai, à Yaoundé, le président de l’UPC, Félix Moumié, s’adressa à plus de 1 500 personnes. Trois jours plus tard, l’UPC donna la consigne aux marchands Bamiléké de refuser de payer leurs taxes et de désobéir aux injections de l’Administration. Le lendemain, à Yaoundé, Pierre Tayou, délégué force ouvrière fut attaque par des marchands qui furent aussitôt arrêtés par la police. Une foule de 2 à 300 personnes envahit le commissariat et réussit à faire libérer certains hommes. L’affrontement fit un mort, un badaud touché par une balle perdue : le corps du jeune homme fut transporté à l’ATCAM où, après l’intervention de plusieurs élus camerounais, la foule de manifestants se dispersa enfin. Le lendemain 27 mai, la route Yaoundé-douala fut bloquée par des manifestants et les troupes durent intervenir pour rétablir la circulation des véhicules. Une foule de 2000 personnes marcha vers le centre de la ville et refusa d’obéir aux ordres de dispersion des forces de l’ordre. Les policiers reçurent alors l’ordre de leurs supérieurs de tirer : il y eut trois morts et plusieurs blesses parmi les manifestants. Ce fut le seul incident a Yaoundé mais à Obala, au nord de la capitale, une réunion UPC fut dispersée le lendemain sans problème.

 
Enfin, la dernière région du sud du Cameroun à avoir connue une agitation pendant cette période fut la Sanaga Maritime. Là, les incidents eurent essentiellement lieu dans la région de Babimbi. Le 26 mai, une réunion conduite par Abel Kingué, vice-président de l’UPC, dégénéra en émeute et, dès le lendemain, Kingué organisa « la résistance » : les militants de
l’UPC furent repartis en groupe d’action dont chacun avait un objectif bien précis, comme la destruction des ponts ou le transfert de barques sur une seule rive pour empêcher les troupes de traverser le fleuve Sanaga. De nombreuses échauffourées opposèrent les membres de l’UPC a ceux de l’ESOCAM : au cours de l’une d’entres elles, un militant de l’ESOCAM, M. Bassama, tira sur deux de ses attaquants et les tua. Le 28 mai, les forces de l’UPC furent dispersées par l’armée. Le 29, Abel Kingué fit une autre tentative pour organiser des comités de résistance qui s’opposèrent à l’armée : le 30, les comités perdirent trois de leurs hommes et Abel Kingué s’envola pour le Cameroun Britannique.

C’est à Edéa, la plus grande ville de la Sanaga Maritime, que la résistance tenta de s’organiser a nouveau au cours d’une réunion secrète. Les groupes de combat de nuit se postèrent sur la route Edéa-Douala mais aucun incident ne fut enregistré. Le lendemain, après une autre réunion secrète, un mot d’ordre de grève générale fut lancé pour la région mais aucun incident ne fut rapporté. Le 28 mai. Le dirigeant upéciste et syndical André Njock, qui avait présidé ces réunions fut arrêté ; le 30, de nombreux comites centraux de l’UPC prirent le maquis. Quant à Eséka, l’autre grande ville de la Sanaga Maritime, le seul incident qui y fut enregistré eut lieu le 25 Mai, quand un administrateur qui avait tente de disperser une réunion de l’UPC fut forcé par les participants de « se retirer précipitamment ».

La région bamiléké ne fut secouée par aucun incident sérieux mais une certaine effervescence se manifestait à travers le blocage de routes, la destruction des ponts et la coupure de lignes téléphoniques. Les seules attaques directes furent le fait de membres du Rassemblement du Peuple Camerounais qui réussirent à détruire le siège local de l’UPC à Bafoussam le 28 mai, et celui de Bafang le 29 : les deux fois, la police ne put intervenir à temps. Aucun autre incident ne fut enregistré dans les autres communautés camerounaises au cours des derniers jours de mai 1955.

© Correspondance : Théophile Nono


25/05/2012
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