Valère EPEE « Aucun peuple du monde n’est prêt à brader ses sanctuaires »

Lottin Epee Valere:Camer.beL’occupation du site du Ngondo, la fête traditionnelle du peuple Sawa par la cimenterie Dangote sur les berges du wouri à Douala  ne finit pas de faire des vagues. Pour des raisons évidentes de protection de la tradition et de préservation de ce sanctuaire, des voix s’élèvent au sein de la communauté Sawa pour protester  contre cette expropriation. Un comité a été mis sur pied, le patriarche Valère  Epee en fait partie. Il donne le bien fondé de la lutte pour la maintient du sanctuaire de cette fête millénaire.

Qu’est en réalité le site du Ngondo ?

Que nul ne vous trompe : aucun peuple au monde n’est prêt à  brader ses sanctuaires. Aucune cause n’est assez bonne pour un tel sacrifice.  On brûlerait plutôt sur le bûcher de la Raison ancestrale tout  traître qui oserait vendre son âme à une cause sacrilège.

Le fleuve Wouri n’a pas valu au Cameroun son nom par un hasard colonial : ce en quoi  les explorateurs portugais et espagnols n’avaient vu  que des « camaroês » ou « camarones » (de simples crevettes), les ancêtres Sawa y voyant  tout autre chose les avaient déjà rituellement baptisés « Ñambe ya Towa » (des grâces divines à ramasser), en abrégé « Mbeatowe ». Un aliment sacré, par conséquent ; offert par la Main Divine aux Sawa,  seul peuple au monde dont le mot de salutation—premier mot social de l’homme (à savoir : « Nje’ tuse ? » Ñambe !)—est un véritable hymne à l’Absolu Divin.

Ce n’est pas un hasard non plus si ces callianasses dits Mbeatowe, sont une espèce unique au monde et ne se retrouveront donc que dans le Wouri et la Dibamba voisine. Qui peut dire pourquoi la toute première énigme de la langue duala n’est autre que le nom mythologique de Dieu, qui décline son essence-même : Njambe, décrypté de « Nja nu be » (‘Celui Qui Est’ ») Autant de mystères qui confèrent tout leur poids aux secrets des fonds et tréfonds du Fleuve Sacré des Côtiers camerounais et du Mutangari, leur Estuaire de Sirènes. Fleuve dont la sacralité réside dans le fait qu’il n’est qu’un long Couloir de phénomènes mystérieux aux accents de mythologie et de religion.

Voilà ce qu’hébergent les Berges du Wouri. Voilà ce que représente pour le Peuple du Fleuve le site de la Base Elf : CA NE SE VEND PAS !  Et ce, tout simplement  parce que L’AME D’UN PEUPLE NE PEUT NI SE NEGOCIER NI ENCORE MOINS S’ALIENER.
La longue et lourde histoire du peuple muet qui du fond de son silence vous regarde devrait suffire à interpeller toutes les consciences, car tôt ou tard, inéluctablement, ce qui s’est passé chez les Coqs se passera chez les Canards. Et ceux qui croient jouer au Chat et à la Souris avec leurs frères de sang auront tôt fait de réaliser que la Souris n’est pas ce qu’ils croyaient !

Le Fleuve a peut-être son mot à dire après tout. Gare aux catastrophes !
A bon entendeur…

© Ciorrespondance : Par VALERE EPEE, Chercheur Ecrivain, Ancien Secrétaire Général du NGONDO, Maître Initiateur de MUTIBE


22/11/2012
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