Une avocate camerounaise prisonnière politique dans son pays, selon son avocate française

Une avocate camerounaise prisonnière politique dans son pays, selon son avocate française
(Le Nouvel Observateur 10/04/2010)


L'avocate parisienne Caroline Wassermann ne décolère pas. L'une de ses clientes, une avocate camerounaise qui s'occupe des intérêts de l'Etat du Cameroun, a été arrêtée le 11 janvier à Yaoundé dans le cadre d'une opération de lutte contre la corruption dans ce pays et croupit depuis en détention dans des conditions indignes.

"Je suis très inquiète. Ma cliente, Me Lydienne Yen Eyoum, est détenue dans des conditions lamentables à Yaoundé", explique l'avocate française. "Dix-huit détenues par cellule d'environ 20m2, où se promènent rats, cafards et parfois même des serpents. Pour toute nourriture, 1kg de riz et 1kg de haricots par mois", souligne-t-elle.

Me Yen Eyoum, avocate depuis plusieurs années du ministère des Finances camerounais, a été interpellée dans le cadre de l'opération Epervier, vaste opération de lutte contre la corruption initiée au début des années 2000 au Cameroun sous la pression des bailleurs de fonds internationaux.

Selon l'avocate française, la justice camerounaise reproche à sa cliente d'avoir perçu des honoraires sur des fonds qu'elle avait fait saisir à la Société générale de banque au Cameroun (SGBC) pour le compte et avec l'accord du ministère des Finances.

"Pendant ces dix années de procédure (contre la SGBC, NDLR) mon épouse n'a pas été payée. Le ministère des Finances ne lui reproche rien et ne veut pas porter plainte contre elle", a expliqué Michel Loyse, le mari de Me Yen Eyoum, à l'Associated Press.

"Ma femme est la fille d'un ministre du président Ahidjo (qui a démissionné en 1982, NDLR). C'est une avocate d'affaires qui réussit. Elle a suscité de nombreuses jalousies", avance son mari, ressortissant français et ex-directeur d'une banque française au Cameroun. Il se dit persuadé qu'elle est une victime collatérale des règlements de comptes politiques à l'approche de l'élection présidentielle de 2011.

"Me Yen Eyoum est un prisonnier politique incarcérée dans le cadre de l'opération Epervier", s'insurge Me Wassermann. "Ses conditions de détention sont sans rapport avec les prétendus délits qu'on lui reproche", ajoute-t-elle, précisant que dans le bloc où elle est incarcérée, les 130 détenues partagent trois WC et six douches qui ne fonctionnent pas.

"Il y a eu à un moment donné une certaine volonté de combattre la corruption par les pouvoirs publics. Les lois votées et promulguées, la ratification de la convention des Nations unies contre la corruption, la mise en place de certaines structures de lutte contre la corruption constituent de réelles avancées", analyse Jean Bosco Talla, directeur de publication du journal ivoirien "Germinal", joint par l'Associated Press.

En 2008, le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, a fait modifier la constitution pour briguer un nouveau mandat en 2011. "De nos jours, la lutte contre la corruption apparaît plus comme un jeu de massacre politique qu'un désir d'assainir la maison Cameroun", regrette le journaliste qui, en décembre dernier, a été condamné pour outrage au chef de l'Etat camerounais.

Trois autres personnes sont détenues dans la même affaire: un ancien ministre des Finances, Polycarpe Abah Abah, incarcéré pour d'autres affaires de corruption, l'ancien ministre délégué au Budget, Henri Engoulou, et l'huissier ayant pratiqué la saisie des fonds.

Michel Loyse, qui a écrit à trois reprises à l'ambassadeur de France au Cameroun, s'étonne du silence des autorités consulaires. A partir d'août 2010, son épouse pourra demander la nationalité française. Mais d'ici là, il craint qu'elle soit l'objet de représailles. L'une des plus fréquentes en détention: pieds enchaînés et cheveux rasés. AP

© Copyright Le Nouvel Observateur



10/04/2010
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres