Tribunal Criminel Spécial: Le cimetière de l’«Epervier»

Yaoundé, 29 avril 2013
© René Atangana | La Météo

Cette juridiction est devenue le lieu par excellence pour enterrer les dossiers liés à l'assainissement des mœurs publiques.

Des piles de dossiers. Des montagnes de chemises à sangles. Les services du nouveau tribunal, à Yaoundé, sont un véritable capharnaüm au point qu'on se demande comment les magistrats s'y retrouvent. Eh bien, ils n'éprouvent pas seulement des difficultés à s'orienter dans les tonnes de documents, ils y perdent leur latin. Et c'est cela la vérité réelle aujourd'hui, que le grand public mais aussi, et surtout, les justiciables doivent savoir.

Polycarpe Abah Abah (ex-Ministre des Finances) et Henri Engoulou, son Délégué d'alors chargé du Budget, Joseph Edou (ancien Directeur Général du Crédit Foncier), et son infortuné collègue de la Société Camerounaise des Dépôts Pétroliers, Jean-Baptiste Nguini Effa, Roger Ntongo Onguéné (ci-devant Directeur Général d'Aéroports du Cameroun), l'ancienne Ministre de l'Éducation Nationale, Haman Adama, l'avocate Lydienne Yen Eyoum ou encore l'ex-Président du Comité de Pilotage et de Suivi des Travaux des Axes Routiers Yaoundé-Kribi et Ayos-Bertoua (COPISUPR), Michel Thierry Atangana, risquent sans doute encore de ronger leur frein pendant de longs mois avant de voir leurs dossiers appelés à la barre.

Entré en fonction le 15 octobre 2012 en vue, disait-on alors, d'accélérer (6 mois) les procès liés aux atteintes à la fortune publique, le TCS croule aujourd'hui sous la charge de travail. Et les délais s'allongent. Ceux de saisine prévus par ses textes organiques. Ceux de privation des libertés, surtout «Ça nous amuse beaucoup de lire dans la presse que nous bloquons les procédures. Vous n'y comprenez rien, et pouvez continuer d'écrire ce que vous voulez: c'est comme ça», éructe un magistrat.

«Ceux qui nous accusent de bloquer les dossiers n'ont rien compris. En réalité, nous sommes dans l'incapacité de faire mieux qu'attendre que les choses se décantent, que des moyens conséquents soient mis à notre disposition. On nous croit bien lotis au dehors, mais à l'intérieur c'est l'enfer», explique un magistrat ayant requis l'anonymat. Il est donc urgent d'attendre, pour voir enfin cette juridiction atteindre sa vitesse de croisière comme espéré.

En cause, le manque de moyens logistiques. Il existe ici, explique-t-on, des dossiers comptant parfois des milliers de pages. Et il faut les multiplier en de nombreux exemplaires, les assembler et les classer dans des chemises cartonnées. Une tâche titanesque, qui nécessite beaucoup d'argent. Que le TCS n'a pas. Des machines de reprographie (photocopieuses) qui font cruellement défaut au TCS. Des hommes dévoués et désintéressés. C'est ce qui manque le plus en ce moment au TCS. A ceux qui veulent voir leur(s) procédure(s) avancer, on n'hésite pas aujourd'hui à demander de contribuer à l'effort de guerre.

Des milliers de francs sont alors exigés à ces personnes soucieuses de voir leurs procédures s'accélérer. Ainsi, raconte-t-on l'histoire d'un directeur général aujourd'hui en prison, qui avait interjeté appel de sa lourde condamnation et qui doit se farcir au moins 1 million de francs pour la duplication de son by Text-Enhance">dossier. Ainsi, de cet autre infortuné ex-patron d'entreprise placée sous tutelle de la Présidence de la République, dont des proches ont été rabroués par des intermédiaires à qui ils proposaient 500.000, au lieu des 800.000 francs exigés pour les besoins de la cause. Malheureusement, le TCS n'est pas seulement un grand muet. Son silence méprisant quant à son fonctionnement laisse actuellement croire qu'il a été créé non pas pour des besoins de gouvernance et de diligence, mais pour enterrer les procédures à lui soumises. Et qui continuent de s'entasser.


01/05/2013
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