Téléphonie Mobile: Pourquoi on paye plus cher au call-box

YAOUNDE - 10 JAN. 2012
© Aziz Salatou | Le Jour

Depuis la mi-décembre, les entreprises de mobile ont durci la répartition de ces avantages à leurs clients. Les petits revendeurs et la petite clientèle se sentent lésés.

Téléphonie: Call-box cherche bonus

Depuis la mi-décembre, les entreprises de mobile ont durci la répartition de ces avantages à leurs clients. Les petits revendeurs et la petite clientèle se sentent lésés.

Au quartier Ngoa Ekellé de Yaoundé, il est une rue qu'on a baptisée Bonamoussadi. C'est un rendez-vous où les étudiants se retrouvent pour faire des photocopies et autres petits travaux de papeterie.

Une ruelle bordée de boutiques dont chacune offre un service qui a trait aux Ntic. Une véritable cour des miracles pour les nouvelles technologies de l'information et la communication (Ntic). L'attraction ici n'est pas que les branchements anarchiques de câbles électriques, ou les faux de documents officiels, qui, semble t-il, sont vendus sur les trottoirs. Il y a aussi les prix des services des Ntic. La minute d'appel au téléphone portable par exemple a atteint le prix record de 25 Fcfa. Mais depuis la mi-décembre dernier, c'est de l'histoire ancienne. Ce lundi 9 janvier, plus un call-box n'affiche plus une carte des prix à moins de 50 fcfa. Mais encore, ce ne sont pas les vrais tarifs. La minute coûte en réalité 75 Fcfa. Un tremblement à Bonass, ainsi que l'appelle les étudiants, un bouleversement pour les call-box et leurs clients par delà la capitale.

Hubert Matiké revend du crédit de téléphone en demi-gros. Sa boutique est le seul « yello point» de Bonass. Une dizaine de téléphones sont posés devant lui ce matin vers 10 h. Il n'arrête pas de les triturer. Le lundi c'est la journée des comptes. Tous les call-boxeurs (l'essentiel de sa clientèle), qui ont consommé à crédit le week-end doivent rembourser. Quatre longues listes sont disposées devant lui. Ce sont des numéros de clients, qu'il appelle sans discontinuer. Une grosse ride de concentration lui barre le front, ses calculs ne le satisfont visiblement pas. Il est absorbé par sa tache. Il explique, entre deux appels que ses affaires ont dégringolé «de 50% à peu près». «L'offre de la minute d'appel n'a coûté 25 Fcfa que le temps d'un produit qu'on avait lancé, où il fallait consommer 10.000 Fcfa en 24 h. Maintenant, c'est 75 Fcfa, on ne peut plus à moins».

Comme par effet d'entrainement, au quartier Manguiers, les call-boxeurs ne proposent plus la minute d'appel à moins de 75 Fcfa. Karamé, un jeune quadragénaire, nous exprimait son indignation : «Je suis allé pour effectuer un transfert de crédit. Je voulais 500Fcfa, la vendeuse m'a dit, que pour mes 500 Fcfa je ne pourrais avoir que du crédit pour 450 Fcfa. J'ai cru qu'elle me bluffait, j'ai essayé partout dans le quartier, mais c'était la même chose», explique t-il tout bouleversé. En fin de compte, il s'est résolu à s'acheter une carte de recharge à 1000 Fcfa.«Mais je préfère cela que de donner 50 Fcfa a des vendeuses», se console-t-il.

Fadimatou est revendeuse de crédit. Ce n'est pas à proprement parler une call-boxeuse, mais elle a une grande échoppe située devant un snack-bar à Manguiers. Sa clientèle est faite de noctambules, à l'en croire, de gros consommateurs de crédit de téléphone. Elle est l'une des premières à avoir modifié ses prix sur les transferts de crédit. « Si on augmente pas de 50 Fcfa le prix des transferts, on ne peut pas s'en sortir. Le transfert ne rapporte plus rien, je sens que je vais arrêter, je suis fatiguée d'expliquer aux clients que ce sont les entreprises de téléphonie qui ont augmenté les prix. On se querelle chaque fois», explique- t-elle.


Manœuvres sur le bonus

Bouba Kaélé, du service de marketing de Mtn, s'insurge contre cette explication qu'il trouve «simpliste».«Nous n'avons pas augmenté nos prix, nous avons modifié la répartition des bonus que nous offrions à nos clients », explique t-il. Selon lui, les call-boxeurs détruisaient la valeur de leur produit. « Notre produit le moins cher est de 1,5 Fcfa la seconde, soit 90 Fcfa la minute. Or, les call-boxeurs vendaient aux clients les bonus plutôt que le crédit. Il y avait une tromperie, l'abonné ne recevait jamais le bonus auquel il a droit, il était lésé par les call-boxeurs. Nous avons procédé à une nouvelle répartition du bonus pour nous rapprocher de nos clients », précise-t-il.

Duval, vendeur de crédit en gros au marché central de Yaoundé, détaille l'opération:«Pour nous, il décortique le problème que jusqu'ici les uns et les autres n'ont fait qu'effleurer.«Le problème est survenu le 14 ou le 15 décembre. Jusque-là, avec la puce Evd commerciale, pour 10.000 Fcfa, on nous octroyait un crédit de 20.000 Fcfa. Maintenant, il faut 13.500 Fcfa pour 18.000 Fcfa. Pour le crédit Evd non commercial, pour la même somme, on vous donne 10.700 Fcfa ». Il y a aussi que les abonnés à la puce commerciale voient leur compte débité de 5%.Selon un schéma de Duval, la puce Evd est segmentée en trois parties : une partie pour le transfert simple où le compte est débité de 5%, une rubrique pour un transfert Evd (Electronic vouchers distribution) normal, où rien n'est débité et un compte bonus. Pour un crédit de départ de 15.000Fcfa, si le call-boxeur effectue un transfert de 10.000 Fcfa, à la fin de la transaction il se retrouve avec 4.500 Fcfa. Or, pour une puce normale, on ne lui retranche rien.

C'est donc sur l'importance du bonus que jouaient les call-boxeurs. Ils avaient une astuce qui en a enrichi plus d'un. L'abonné qui veut 2000 Fcfa de crédit,verse 1.500 Fcfa à son call-boxeur. Celui-ci programme alors un transfert de 5.000 Fcfa, qu'il envoie à son client. Le crédit qui parvient dans le téléphone de ce dernier se scinde en deux : 4000 Fcfa pour le compte me2u (un produit de Mtn) ou transfert simple et 2.000 Fcfa pour le compte bonus. Le call-boxeur se fait par la suite transférer les 4000 Fcfa, laissant au client les 2.000 Fcfa pour la grande satisfaction des deux parties.

Aziz Salatou


Les explications des opérateurs

Mtn-Orange. Ils affirment que les bonus continuent à être redistribués. Mais reconnaissent qu'il y a une réduction.

Une certaine confusion règne depuis quelques jours entre les opérateurs de téléphonie mobile au Cameroun (Orange Cameroun et Mtn Cameroon) et les call-boxeurs sur la question des bonus. Les call-boxeurs accusent Mtn et Orange d'avoir suspendu les bonus. Faux, rétorquent les opérateurs. D'après Melvin Akam, directeur de la communication de Mtn Cameroon, « il y a des problèmes plus importants au Cameroun tel que l'eau et l'électricité. Les call-boxeurs continuent à recevoir des bonus. Ils jouent aux malins ». A cet instant, Alice, call-boxeuse à l'avenue Kennedy, suit la conversation. A la fin, elle tient à rappeler que depuis décembre 2011 elle ne reçoit plus de bonus et qu'elle « ne gagne plus rien ».

A Orange Cameroun, le son de cloche n'est pas différent de celui de Mtn. Eloundou Ofono, coordonnateur régional de la communication indique que « le bonus est une gratification. Par conséquent, elle n'est pas une obligation. Il relève de la magnanimité d'Orange. En plus, les bonus n'ont pas été suspendus. Ils ont été réduits ». Pendant plusieurs années, les bonus ont été un important instrument de rentabilité pour les call-boxeurs. Mais au fur et à mesure, leurs activités auraient impacter négativement sur les ventes des crédits de communication par les opérateurs. Comme le souligne Jean Michel Eloundou, « à force d'accumuler les bonus, les call-boxeurs n'achetaient plus les crédits ».

Une situation suivie de près par l'Agence de régulation des télécommunications (Art). Dans une interview accordée au quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, François de Sales Enyegue, chef de la cellule de l'information et de la documentation de l'Art, explique que « les opérateurs auraient compris que les bonus n'étaient pas réservés de manière substantielle et en réalité cela faisait des détaillants, les concurrents directs des opérateurs ». Il ajoute que « l'Art a toujours attiré l'attention des opérateurs pour que leurs tendances aux bonus soient toujours limitées dans le temps et dans l'espace comme partout ailleurs ou dans toutes les tombolas ».

Boris Bertolt



10/01/2012
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