Succession-Magistrature suprême: Franck Emmanuel Olivier Biya peut-il remplacer Paul Biya?

Douala, 27 Novembre 2012
© Michel Machaut Moussala | Aurore Plus

Un tel scénario conduirait le Cameroun dans une dangereuse instabilité.

I- La non préparation de Franck Biya

ON PRÊTE tellement d'intentions, vraies ou fausses, à Paul Biya que la dernière trouvaille est qu'il va laisser le pouvoir à son rejeton Franck Emmanuel Olivier. A l'analyse, un tel scénario est un peu gros même s'il est envisageable car en politique tout est possible. Paul Biya a beau être un homme retors, imprévisible, nous pensons qu'il ne peut pas prendre ce risque le sachant en homme politique averti qu'une telle démarche pourrait conduire à l'implosion de notre pays. Dans une interview accordée au journal «Jeune Afrique Economie» parue dans son édition n° 358 du mois d'octobre 2004, Paul Biya avait écarté l'éventualité d'un dauphinat. A la question posée à Paul Biya: «Avez-vous choisi un «dauphin»? Si vous ne l'avez pas fait, quel est le profil de l'homme ou de la femme que vous souhaiteriez voir gouverner le Commun après vous?» Sa réponse fut la suivante: «Le Cameroun n'est pas une monarchie. Seul le peuple souverain est habilité à choisir mon successeur». Démagogie ou sincérité? Quand on lit entre les lignes, on comprend que Paul Biya ne favorisera pas l'accession au pouvoir après son départ d'un quelconque dauphin, fût-il son propre fils qu'est Franck Biya. Si cela pourrait être vrai pour Franck, cela ne l'est pas forcément pour les autres personnalités plus ou moins en vue.

Même s'il ne le dit pas, Paul Biya va favoriser l'accession d'une personne qu'il connaît très bien en dehors du cercle familial. Ça pourrait être René Sadi, ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, ça pourrait être Laurent Esso, ci-devant ministre d'Etat en charge de la Justice, ou un Anglophone. Voici les raisons objectives pour lesquelles Paul Biya ne peut pas positionner son fils Franck. Contrairement à Ali Bongo Ondimba du Gabon, Francis Bozizé de Centrafrique, Teodorino Obiang Nguema de Guinée Equatoriale, Joseph Kabila de la République démocratique du Congo (Rdc) qui ont été ou sont préparés à remplacer leurs pères à la plus haute charge de l'Etat, Franck Emmanuel Olivier Biya n'a pas reçu une telle formation.

On ne vient pas à la politique comme un cheveu dans la soupe, en aventurier. Il faut une préparation à laquelle Franck Biya n'a pas été soumis. En effet, Paul Biya n'a jamais mis les pieds à l'étrier à Franck. Il ne lui a jamais confié des fonctions officielles même comme on murmure que le fils est le conseiller du père dans les domaines financier et économique alors que dans le cas du Gabon le fils Ali Bongo Ondimba était pleinement associé au pouvoir en tant que ministres de la Défense membre à un très haut niveau du Pdg, le parti au pouvoir créé et dirigé par son père El Hadj Omar Bongo Ondimba. En République Centrafricaine, Francis Bozizé est ministre, en Guinée Equatoriale Teodorin Obiang Nguema n'est plus un simple ministre depuis quelques semaines, il est l'un des deux vice-présidents de la République. En Egypte Gamal Moubarak était devenu le bras droit de son père, le général Hosni Moubarak avant que ce dernier ne tombe, emporté par le "printemps arabe".

Gamal était devenu l'un des patrons du parti au pouvoir. Au Sénégal, Karim Wade occupait ou jouait un rôle central dans le régime de son père Abdoulaye. Il avait un pouvoir énorme en gérant des ministères aussi important que la coopération internationale, l'Aménagement du territoire, les Transports aériens et les infrastructures avec un œil sur le secrétariat de la présidence de la République, les ministères des Mines, de la Défense, etc. Franck Biya quant à lui n'a pas connu ce parcours, ce genre d'expérience Il n’a jamais été ministre, directeur général d'une société d'Etat. Cela veut dire que son père n'a jamais pensé à lui comme éventuel successeur même si d’autres personnes disent qu'il y a pensé et qu'il y pense encore. Même dans sa propre famille, Paul Biya n'a jamais nommé de ministre. Ce que Paul Biya a pu faire pour sa famille est très maigre. Tenez! Son neveu Dieudonné Evou Mekou, fils de sa sœur Elisabeth Meku Me Mvondo est l'actuel directeur général de la Caisse autonome d'amortissement (Cca) après avoir été directeur général adjoint de la Scb. Crédit Lyonnais aujourd'hui aux mains des Marocains et conseiller technique au Premier ministère C'est un pur produit de l'Enam.

Son autre neveu Martin Bile Bidjang alias «Petit Martin» a été nommé il y a environ deux ans chargé de missions au cabinet civil la présidence de la République dirigé par Martin Belinga Eboutou auprès de qui il apprend le travail. Il est le fils de la sœur-aînée du chef de l'Etat, Régine Ngonda Mvondo. Un autre neveu est député Rdpc à l'Assemblée nationale, c'est Mvondo Assam Bonaventure alias «Bonivan»:


II- Le peu d'intérêt manifesté par Franck Biya

DE TOUT TEMPS FRANCK BIYA n'a jamais été intéressé par la politique mais plutôt par les affaires. On ne sait même pas s’il est membre du Rdpc au pouvoir dont son père est le président. Même s'il est membre, dans quel comité de base, cellule, sous-section milite-t-il? On ne le voit pas dans les meetings du Rdpc ni dans les marches de soutien. On ne l'a pas encore vu arborer la tenue du parti ni tenir un discours relatif à la politique. C'est à peine si on le voit soutenir son géniteur lors des campagnes présidentielles. On l'a vu à Douala en octobre 2011 à trois jours de l'élection présidentielle du 9 octobre 2011 aux côtés de son père et Chantal Biya. On l'a vu deux jours plus tard à Kribi, où Paul Biya était allé poser la première pierre du complexe industrialo-portuaire. Et puis c'est tout! Mais les gens ont vite trouvé le dauphin, le digne successeur de son père, mais c'était aller trop vite en besogne. Contrairement aux autres fils de président qui sont aux côtés de leur père pour apprendre la gestion du pouvoir en vivant sur place dans leur pays, Franck Biya passe le plus clair de son temps à l'étranger refusant ainsi de voir ce qui se passe.

Paul Biya sait ce qu'on appelle le pouvoir, il connaît ses avantages et ses inconvénients. Peut-être a-t-il estimé qu'il y a trop d'inconvénients pour son fils qu'il l'y a soustrait pour le préserver de mauvaises surprises de son vivant ou après son départ du pouvoir.

Paul Biya sait à quoi sont exposés les fils des anciens chefs d'Etat. Les exemples nous viennent de l'Egypte ou Gamal subit un sort similaire à celui de son père. Plus récent est le cas de Karim Wade du Sénégal qui a été entendu pendant de longues heures à son retour de France pour détournements de biens publics.

On cannait aussi le cas de Teodorino Obiang Nguema dont le père est encore en place mais qui est poursuivi par la Justice française pour «biens mal acquis». L'affaire des titres de Camtel pour 100 milliards de FCFA dans laquelle serait mêlé Franck Biya est un exemple parfait des situations dans lesquelles peut se trouver le rejeton d'un chef d'Etat. Les adversaires politiques ou pas de Paul Biya font tout pour que cette affaire soit mise en exergue dans le but avoué de créer des problèmes au chef de l'État. Incapable de l'atteindre personnellement, ces adversaires veulent utiliser cette affaire pour le déstabiliser.


III- Les conséquences éventuelles

Quand on parle de succession familiale, à la tête d'un pays, il faut tenir compte du contexte. Le contexte camerounais est différent des gabonais, centrafricain, égyptien, équato-guinéen, etc. Le contexte dans lequel il faut tenir compte de la composante sociologique, c’est-à-dire des ethnies et dans le cas du Cameroun cela pèse.


Le Grand Nord

Il ne peut pas accepter dans sa grande majorité que Franck Biya succède à Paul Biya, cela est tout simplement inimaginable. Cela veut dire que grosso modo qu'un Béti/Fang ne doit pas succéder à Paul Biya, à plus forte raison son fils Franck, L'actuel vice-Premier ministre Amadou Ali en charge des Relations avec les Assemblées avait exprimé cette position du Grand Nord très clairement quand il était en charge de la Justice. Au cours d'un entretien avec l'ancienne ambassadrice américaine à Yaoundé, Mme Janet E. Garvey, entretien rendu public en 2011 par Wikileaks, il avait déclaré: "Les trois régions du Nord qui sont ethniquement et culturellement différentes du reste du Cameroun vont continuer à apporter leur soutien à Biya aussi longtemps qu'il souhaiterait demeurer président, mais le prochain président du Cameroun ne viendra pas de l'ethnie Béti/ bulu de Biya. Les Beti sont trop peu nombreux pour s'opposer aux Nordistes, encore moins au reste du pays".


Les Bamiléké et les Anglophones

Eux aussi ne peuvent pas accepter qu'un Béti/Fang succède à Paul Biya. De son fils Franck, ils considèrent la chose impossible. Dans toutes leurs projections pour la succession de Paul Biya, ils ne voient pas Franck, peut-être seulement dans les rêves mais pas dans la réalité. Les Anglophones pensent que leur moment est arrivé de gérer le pays au plus haut niveau après 50 ans d'attente, ce pouvoir ayant été accaparé par les francophones hautains et méprisants à leur égard.


Les occidentaux

La France de Sarkozy avait Paul Biya en horreur. C'est la même chose avec la France socialiste de François Hollande qui ne peut pas tolérer que Franck remplace son père. Ce sera même une occasion pour les Français de se débarrasser de Biya dont les relations sont au plus mal avec le locataire du palais d'Etoudi à cause de l'affaire Thierry Michel Atangana Abega, ce Français d'origine camerounaise qui croupit dans les geôles depuis 15 ans. Les Américains, Barack Obama a été réélu, ne portent pas également Paul Biya dans leurs cœurs. Le chef de l'Etat camerounais le sait très bien lui qui veut améliorer ses relations avec les Américains ne peut donc pas tomber dans le piège d'une dévolution familiale du pouvoir.


Les conséquences

Paul Biya sait qu'il ne peut pas faire avaler la pilule au Grand Nord. et aux anglo-bamilékés en se faisant remplacer à la tête de l'État camerounais par son rejeton. Il sait que cela peut déboucher sur la guerre civile et l'éclatement du pays en plusieurs entités comme dans l'ex-Yougoslavie. Ce n'est pas à souhaiter.



29/11/2012
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