Succession de Paul Biya: Fame Ndongo disqualifie Franck Biya. Simple manœuvre politique ou défi à son "créateur", le chef de l’Etat?

DOUALA - 04 DEC. 2012
© Rodrigue N. TONGUE | Le Messager

Au détour de sa sortie médiatique visant à laver le fils du président de la République de tout soupçon de détournement dans l’opération de titrisation des créances de Camtel, le secrétaire national à la communication du comité central du Rdpc estime que le concerné ne peut prétendre succéder à son père.

Au détour de sa sortie médiatique visant à laver le fils du président de la République de tout soupçon de détournement dans l’opération de titrisation des créances de Camtel, le secrétaire national à la communication du comité central du Rdpc estime que le concerné ne peut prétendre succéder à son père.

La guerre de succession s’annonce âpre. Les discussions à ce sujet sont houleuses sous les lambris dorés. Et l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, thuriféraire parmi les plus thuriféraires, en rajoute une couche. Dans sa dernière attitude éditoriale, le chancelier des ordres académiques signale en effet que le moment venu, le débat pourrait être tumultueux sur la question. Derrière les tournures langagières qu’on lui connaît, Jacques Fame Ndongo dit non à Franck Biya ès qualité de dauphin (présenté comme dauphin de son « illustre père ») par ceux qui auraient monté de toutes pièces la fameuse affaire « Franck Biya et les 100 milliards ». « Les décrypteurs de boules de cristal redoutent sans nul doute la désignation (imaginaire) de M. Franck Biya ès qualité de dauphin (successeur putatif) de son illustre père. En vérité, je vous le dis de manière péremptoire et apodictique : il n’y a pas de dauphin au Cameroun », écrit, sentencieux, le membre du bureau politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dans une tribune parue à Cameroon tribune, édition du mardi, 27 novembre 2012. A le lire, c’est clair que Franck Biya ne peut être le dauphin de son père. Et ce, pour plusieurs raisons dont la plus importante est que le Cameroun n’est pas une monarchie.

Dans ce qu’il présente comme le dévoilement du signifié ultime de « l’infra-texte » politique qu’écrivent « les fossoyeurs du Renouveau national » au sujet des accusations de détournement de 100 milliards Fcfa de la fortune publique par le fils du président, le sémioticien dit voir dans le texte caché de l’association dénonciatrice, la main invisible de ceux qui pensent que Franck Biya est le dauphin de Paul Biya et qui veulent l’en écarter. Or, l’analyse du ‘géno-texte’ du long texte du ministre de l’Enseignement supérieur permet d’affirmer de façon péremptoire que la manœuvre est vaine. Franck Biya n’étant pas le dauphin. Une tentative de disqualification qui pour de nombreux commentateurs, préfigure d’une lutte sans merci, d’un combat aux couteaux que pourraient livrer, en cas de vacance de pouvoir à la magistrature suprême, les fils du président avec ses fils putatifs et ses « créatures ». Et pour cela, Jacques Fame Ndongo annonce les couleurs du sens que pourraient prendre les débats le moment venu. « Le Cameroun n’est pas une monarchie. C’est une République démocratique et libérale », affirme celui qui est considéré comme l’un des artificiers médiatiques du régime de Yaoundé.


Irrévérencieux

Bien plus, derrière ces vœux pieux ou preux de voler au secours de son « créateur » dont l’image est malmenée au sein de l’opinion à cause des frasques de son fils , le menhir personnifié de Nkoladom [Jacques Fame Ndongo est le chef de son village natal, Ndlr » a glissé consciemment ou inconsciemment l’idée qui trotte dans l’esprit de certains de ses comparses-lieutenants de Paul Biya, lesquels redoutent que le moment venu, le Prince désigne son propre fils qui s’est toujours tenu au loin des affaires d’Etat alors qu’eux étaient allés au charbon. « Seul le peuple camerounais, souverain et maître de son destin choisira librement le successeur du président Paul Biya », renchérit Jacques Fame Ndongo. Suffisant pour les décrypteurs du texte du sémioticien de conclure à une mise en garde… à un appel à bien se tenir lancé en direction de tous les dauphins présomptifs, y compris Franck Biya. Car le combat sera rude. Il sera si rude qu’irrévérencieux ou courageux, le chef de village d’une contrée d’Afrique équatoriale peuplé par de Bantous « ose » parler de la succession de son chef qui plus est « chef des chefs » alors que ce dernier vit encore ou est encore en fonction au point d’insinuer qu’un fils de président devenu président relève d’un passé qui remonte au 14e siècle en France. Poussé, sans doute par le zèle d’un soutien béat récompensé par quelques conforts, le ministre de l’Enseignement supérieur, auto-déclaré esclave de son « créateur » n’a pas pu maîtriser ses ardeurs en appelant « chacun à cultiver son jardin (…) car celui qui cultive son jardin politique, économique, social ou culturel aura mérité de la patrie ». Mais pas seulement Franck Biya… les autres aussi.

Dans une autre attitude médiatique, Jacques Fame Ndongo saura dire s’il a cultivé le sien. Faut peut-être seulement attendre le bon timing. Dès le début des débâcles de l’actuel régime de Yaoundé ou juste après « l’ère Biya » ? Le temps saura nous le dire. Mais pour le moment, l’un des hauts parleurs du régime choisit les feintes, l’esquive, la ruse peut-être pour ne pas être taxé de créature de Frankenstein qui avait fini par tuer son créateur. Cultive-t-il son jardin pour se libérer de l’ascèse par lequel le maître de Platon tient son esclave pour pourvoir être, le moment venu, calife à la place du calife en changeant surtout le califat que perpétuerait le fils du président ? L’avenir tranchera.

Pour le moment, à trop parler, à trop vouloir forcer sur les traits pour redire leur infinie loyauté, les fantassins dont les armes sont le verbe peuvent nous dévoiler trop vite, peut être inconsciemment et surtout évitant la bravade, leur projet d’être un jour généraux. Ce ne serait en tout cas que la fresque d’autres tares et avatars d’un trop long règne. Alors, il faut dès maintenant prévenir d’urgence la nuit des longs couteaux en mettant sur pied des institutions solides dirigées par des hommes intègres. Mais c’est le cadet des soucis à Etoudi.


04/12/2012
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