Succession : Autant en emporte… l’épervier

Succession : Autant en emporte… l’épervier

Cameroun - Succession : Autant en emporte… l’épervierDerrière les arrestations de hauts dignitaires de la République se joue l’après Biya.

Beaucoup de ministres originaires du grand Nord en fonction ont passé des heures au téléphone lundi dernier pour se rassurer au sujet de l’interpellation de l’ex ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Marafa Hamidou Yaya. D’aucuns ne sont émus devant la « torture » infligée à l’ancien secrétaire général de la présidence de la République par le régime qu’il a servi.

Bien plus, ainsi que le fait remarquer un fin limier du marigot politique septentrional, après cette arrestation, le grand Nord a perdu l’un de ses atouts majeurs dans la course à la succession de Paul Biya : « Marafa s’est forgé année après année une stature d’homme d’Etat tant sur le plan national qu’international. Aujourd’hui, le seul homme du septentrion qui peut assumer la fonction présidentielle, du fait de sa connaissance des rouages de l’Etat, c’est Amadou Ali. Mais ce dernier est quelque peu en disgrâce depuis la formation du dernier gouvernement. Il est en plus desservi par son âge [69ans]. En 7 ans, il sera difficile pour un autre ressortissant du grand Nord de se construire un destin présidentiel », tranche notre informateur.

C’est donc clair dans les esprits de nombreux observateurs, notamment des partisans de l’axe Nord-Sud dans le schéma de succession : Marafa Hamidou Yaya est incarcéré moins pour ses présumés détournements de fonds publics dans « l’affaire Albatros », que pour ses ambitions politiques, susurrées un temps puis mises sur la place publique via les câbles de Wikileaks en 2011. En effet, Niels Marquardt, du moment il officiait comme ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun en 2007, avait signalé à sa hiérarchie (d’après ces câbles) parmi «les successeurs propres, compétents et en bonne position», Marafa Hamidou Yaya.

Le diplomate américain, toujours selon Wikileaks, présentait l’ancien Minatd comme un personnage «ouvert, astucieux, dynamique, brillant» et comme «le favori de tous les ambassadeurs occidentaux de la ville [Yaoundé, ndlr]» ainsi que «le seul qui ait admis, en privé, devant lui, avoir l’ambition» d’être un jour candidat à l’élection présidentielle.

L’on prêtait surtout à ce pétrochimiste des connexions avec le président français Nicolas Sarkozy. C’est sans doute fort de cela qu’en décembre 2011, Paul Biya soufflera à un haut dignitaire originaire de l’Extrême Nord, en son palais, à propos de certaines affaires pendantes en justice, que «même ceux qui croient avoir le soutien des Français vont y passer ».

Toujours sous le prisme des enjeux de la succession, des informations émanant du site d’alerte Wikileaks auraient poussé Paul Biya a expédié au «garage», celui qu’on présente comme l’autre carte maîtresse du grand Nord, Amadou Ali. Ce dernier aurait déclaré en 2009 à l’ambassadeur Janet E. Garvey que « le septentrion soutiendra Biya aussi longtemps qu’il voudra rester président, mais n'accepterait pas  un successeur qui soit un autre Béti/Bulu, ou un membre du  groupe ethnique Bamiléké ».

Des déclarations qui auraient été très mal perçues par le « timonier national ». L’axe Nord-Sud serait-il dès lors désaxé dans la bataille pour la succession ?

Ironie du l’histoire, aux manettes de la « machine à broyer » ses successeurs potentiels, Paul Biya, d’après des analystes crédibles, a placé deux hommes dont l’opinion publique croit également avoir identifié les silhouettes dans les écrans-radars de la succession : Laurent Esso, le ministre d’Etat en charge de la Justice, qui est cœur du déclenchement de l’action judiciaire contre ses anciens collègues du gouvernement et René Emmanuel Sadi qui, à en croire des indiscrétions fiables, hérite de la mission de « détricotage des réseaux Marafa ».

Cela dit, une constante demeure : entre 2012 et 2018 (année de la prochaine élection présidentielle), beaucoup d’eau coulera sous les ponts. Les certitudes d’aujourd’hui ne sont pas nécessairement celles de demain. Même si tout porte à croire que Paul Biya prépare le chemin d’Etoudi à l’un de ses protégés, par un procédé qui s’apparenterait à un adoubement (le code électoral adopté en donne quelques clés),  même si un député Rdpc pense dur comme fer que le champion de son parti n’a pas de dauphins et qu’il conservera le gouvernail jusqu’à l’article de sa mort…

© Mutations : Georges Alain Boyomo


21/04/2012
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