Sommet de la Ceeac : Paul Biya dribble son «frère» Idriss Déby

Sommet de la Ceeac : Paul Biya dribble son «frère» Idriss Déby

Le chef de l’Etat camerounais s’est fait représenter à N’Djamena où il était personnellement attendu.

«J'ai une adresse particulière à votre endroit, Monsieur le Président, je vous convie au prochain sommet de la Ceeac qui aura lieu chez vous, à N'Djamena, en janvier 2012». Ainsi s’exprimait le président de la République du Tchad, Idriss Déby Itno, le 29 décembre dernier à Yaoundé à l’occasion du déjeuner officiel offert en son honneur par le couple présidentiel camerounais au palais de l’Unité.
Au cours de la «visite d’amitié et de travail» du président tchadien au Cameroun, le mot «frère» est du reste revenu avec emphase dans les toasts de Paul Biya et Idriss Déby, comme pour magnifier les liens historiques, géographiques et culturels qui unissent le Tchad et le Cameroun.

Les deux chefs d’Etats semblaient surtout d’accord sur ce constat fait par le président camerounais : «…Si, au plan institutionnel, les progrès de notre organisation sous-régionale sont satisfaisants, notre intégration, au plan économique, n’avance qu’à pas comptés. Or, si nous voulons faire de notre sous-région un ensemble dynamique et prospère, il paraît évident que nous devons tirer le meilleur parti de la complémentarité de nos économies et surmonter nos égoïsmes nationaux. Par exemple, nous gagnerons tous à ce que notre programme économique régional soit rapidement mis en oeuvre».

On eût alors pensé que cette convergence de vues entre les deux «frères» devait être capitalisée dans le cadre de la 15ème conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale(Ceeac) qui s’est tenue à N’Djamena de dimanche à lundi dernier. Ce d’autant plus que les sujets inscrits à l’ordre du jour de cette rencontre tiennent manifestement à coeur le binôme Biya-Déby ; notamment la sécurisation du Golfe de Guinée, la circulation des personnes et des biens dans cette zone qui regroupe dix membres (l'Angola, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, la RD Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, Sao Tome et Principe et le Tchad) et la création d’une zone de libre échange.

Volonté
Mais pour cette conférence, qui a été reportée à deux reprises pour des raisons de calendrier des chefs d'Etat de la région Afrique centrale, Paul Biya a choisi de se faire «personnellement» représenter à un niveau questionnable pour une conférence qui engage l’avenir et la stabilité d’une zone où il fait office de doyen. Si l’on reconnaît volontiers le charisme du vice-Premier ministre, ministre délégué à la présidence chargé des Relations avec les Assemblées, Amadou Ali (qui représentait le chef de l’Etat), il ne reste pas moins que sur le plan protocolaire de la République, ce baron du régime, en disgrâce supposée ou réelle, n’est pas formellement reconnu dans l’ordre protocolaire de la République contrairement au président de la République, au président de l’Assemblée nationale, au président du Conseil économique et social ou au Premier ministre.

C’est probablement face à la demi-dizaine de défections (dont celle de son «frère» Paul Biya, en villégiature en Mvomeka’a) que Idriss Déby, a eu cette phrase à l’intention des cinq chefs d’Etat présents, en l’occurrence, Théodoro Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale et Président en exercice de l’Union africaine, Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville, François Bozizé de la RCA, Pierre Nkurunziza du Burundi et le Président en exercice de la Ceeac et chef d’Etat du Tchad : «Après deux tentatives manquées, je note avec satisfaction aujourd’hui, que votre présence, messieurs les chefs d’Etat, témoigne bien de votre attachement au processus d’intégration de notre sous-région. Cette intégration demeure un impératif et la seule issue, à mon sens, qui puisse nous permettre de nous arrimer à la mondialisation». A méditer.

Intégration, comme un verre à moitié vide
Des six discours prononcés à l’ouverture du sommet des chefs d’Etat de la Ceeac dimanche dernier à N’Djamena, celui du président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping, restera gravé dans les esprits. A en croire le site de la présidence de la République du Tchad, M. Ping s’est attardé sur les multiples soubresauts qui ont secoué le continent durant l’année 2011, avec en première ligne «le printemps arabe». Pour Jean Ping, l’Afrique doit parler d’une seule voix pour se faire entendre. Le diplomate gabonais a du reste salué la vision panafricaniste du chef de l’Etat tchadien et ses implications pour la résolution des conflits en Afrique. «Il nous faut engager des réflexions pour faire face aux nouveaux défis qui s’imposent à l’Afrique», a-t-il déclaré.

Cependant, Jean Ping s’est réjoui de la santé économique du continent. «Aujourd’hui, le taux de croissance de l’Afrique est situé entre 5,5 et 6%. Il y a des pays africains qui ont un taux de croissance à 2 chiffres. Il est clair que c’est nous qui devons sauver aujourd’hui ceux qui ont l’habitude de nous sauver hier», a-t-il lancé. Jean Ping a par ailleurs appelé les pays de la Ceeac à mener une lutte acharnée contre la criminalité.
Le président tchadien, Idriss Déby Itno a indiqué, pour sa part : «Plus qu’un impératif dicté par les contingences extérieures, l’intégration régionale est pour moi une conviction politique profonde, un engagement personnel. Comment en effet, pouvons-nous faire pour devenir des acteurs et non des victimes résignées de la mondialisation, si nous ne construisons pas ensemble, les conditions de notre accès au marché international ? Comment comprendre qu’une région aussi pourvue en richesses naturelles de toutes sortes soit paradoxalement la zone la plus pauvre de la planète où l’industrialisation est totalement absente ? Disons le franchement, cette situation ne s’explique que par une insuffisance marquée, voire une absence de volonté politique de notre part».

Et de poursuivre : «Si nous ne voulons pas que l’Afrique centrale soit le dernier wagon du train de l’émergence, abandonnons nos égoïsmes et nos nationalismes au profit d’une politique volontariste d’intégration, au bénéfice de nos populations. Mutualisons pour ce faire, nos nombreuses potentialités économiques et nos ressources humaines. Créons un véritable espace économique intégré».
Cependant, Idriss Déby s’est félicité des avancées sur le plan sécuritaire et des programmes routiers en Afrique centrale, «notamment : le pont-route-rail de Brazzaville-Kinshassa, le prolongement du chemin de fer Kinshasa-Ilébo et Ouesso-Bangui-N’Djaména ; la navigation fluviale sur l’Oubangui, le Congo et la Sangha.

Bientôt, les travaux de bitumage de la route Ouesso – Sangmélima vont démarrer», avant de retomber dans la «sinistrose» : «Je dois relever, pour le déplorer, les contraintes budgétaires qui constituent un véritable frein à nos ambitions communautaires. Je veux évoquer ici, la question du budget du Secrétariat général [de la Ceeac]. A cet effet, je voudrais rappeler que lors de notre 13éme sommet, nous avions déclaré que la Contribution communautaire d’intégration était un préalable stratégique à la réalisation des objectifs de la Communauté. Malheureusement, nous constatons que nous n’avons pas toujours rendu ce mécanisme autonome opérationnel au niveau de nos Etats. Prenons aujourd’hui l’engagement solennel de rendre ce mécanisme effectif cette année, car nous n’avons pas le droit de décevoir nos populations».

Georges Alain Boyomo



17/01/2012
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