Sérail: Pourquoi le camp Marafa s’affole

YAOUNDÉ - 06 Février 2012
© Bertin Mebenga | La Nouvelle

La sortie de l'ex-Minatd du gouvernement provoque comme un vent de panique dans les rangs de ses affidés. Pour ainsi dire que, dans ces conditions, le discours inverse que tentent de faire prévaloir le clan des affidés de Marafa Hamidou Yaya, porte en germe leur propre échec. Evocation.

La non reconduction de Marafa Hamidou Yaya dans la nouvelle équipe gouvernementale fait-elle remonter des bulles en surface dans certains milieux du septentrion? C'est du moins la pénible sensation qu'aura laissée la séquence amorcée par le chef de l'Etat au cours de la formation du gouvernement dit des «Grandes réalisations» du 9 décembre dernier. C'est aussi ce qui ressort en substance dans les premières lignes du rapport confidentiel commis par les éléments des services spéciaux basés à Garoua : «depuis le récent passage du Minadt, Marafa Hamidou Yaya à Garoua, région du Nord, une forte fièvre a gagné cette partie du pays au sujet de la candidature du président de la République S.E.M. Paul Biya aux élections présidentielles prochaines.» Qu'est ce qui pourrait bien susciter un tel vent de panique de la part des partisans de l'ex-ministre d'Etat?

Au moment où la question de la succession du président Biya était plus que d'actualité, l'on pensait dans certains milieux politiques assez avisés que, l'ex-ministre d'Etat, après avoir noué des solides alliances avec une certaine classe dirigeante française, était vraisemblablement sur le point d'affiner sa stratégie pour la conquête du strapontin présidentiel, dont on pense par ailleurs qu'il est le plus apte à la succession du chef de l'Etat: «Marafa Hamidou Yaya a de l'influence sur tous les responsables politiques et administratifs», indique le même rapport confidentiel.

Sa mise à l'écart serait-elle une riposte d'Etoudi face aux nombreuses manœuvres pouvoiristes qu'il affiche depuis plus d'une décennie? Dans la foulée, il a rapproché le groupe Bolloré à prendre le contrôle de la Camrail. Plutôt que courir le risque de se voir damer le pion par l'enfant terrible de Bibemi, quelques évidences font croire que le sommet de l'Etat aurait bien voulu se prémunir contre d'éventuels cailloux dans ses souliers, en mettant Marafa sur le banc de touche. Pour essayer donc de s'en convaincre, et dernière d'une longue série, le rapport secret concocté par les services spéciaux basés à Garoua vient tomber comme un pavé dans la mare. Dans cet agrégat d'informations assez sensibles, quel que soit le degré de réalité de celui-ci, l'impact de l'implication de Marafa Hamidou Yaya dans les réseaux du septentrion n'est pourtant plus à démontrer, et est symptomatique des ambitions politiques de l'ex-ministre d'Etat: «En tant qu'ancien Sg de la présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya a de bonnes infiltrations dans le corps de la pouce», note ledit rapport.


Harcèlement

A en croire les sombres prophéties de nombreux analystes de la scène politique, les vérités issues de ce brûlot sont véritablement à prendre au sérieux: «De façon indiscutable, les Peuhls n'ont jamais pardonné la mort du président Ahidjo et l'exécution des officiers nordistes lors du 6 avril 1984, faute qu'il attribue aux Bétis et plus précisément à Paul Biya qu'il tient pour principal responsable» rapporte le rapport. Il suffit pour la circonstance de jeter un regard dans la liste concoctée dans notre édition N°150 du lundi 9 janvier dernier (la liste des membres actifs du réseau Marafa). Elle constitue un argument commode qui tient une
place centrale dans le débat sur la succession du président Paul Biya. Il en va tout autrement pour Marafa Hamidou Yaya qui depuis son éviction du gouvernement le 9 décembre dernier, ne s'est prêté à aucune déclaration officielle, surtout lorsqu'il est établi qu'il était attendu le 24 décembre dernier en grandes pompes à Garoua, pour célébrer avec fastes une fête populaire. Or selon les cris d'orfraie relayés par certains médias, et la levée de bouclier de la part de certains de ses affidés, on est en passe de croire que la «Familia» est en train d'agiter le chiffon rouge pour tenter de faire croire à un quelconque harcèlement sur la personne de Marafa et de son proche entourage, ce qui en fait est un faux-semblant. Par contre, dans les milieux proches de l'élite nordiste, le même atavisme semble indiquer que, le spectre d'une rétorsion venant d'Etoudi pèserait véritablement sur quelques pontes très proches de l'ex-ministre d'Etat. Dans une certaine mesure, le nom le plus avancé est bel et bien celui de lya Mohammed Shagari, directeur général de la Sodecoton et non moins président de la Fécafoot, et qui constitue dans une commune mesure, le symbole de l'émoi qui règne dans la galaxie Marafa. Des sources assez crédibles proches de l'intelligentsia camerounaise, ne manquent d'ailleurs pas de supputer la connivence de ce palefrenier de l'écurie Marafa, dans le processus de déstabilisation du football camerounais, ce qui aurait pour principe actif, de mettre en réelle difficulté le régime Biya.

Si aujourd'hui plusieurs avis convergent pour laisser croire que le rapport concocté par les services spéciaux de Garoua serait le mécanisme qui aurait servi à son éviction du gouvernement, à l'opposé on semble oublier véritablement l'implication de Marafa Hamidou Yaya dans l'affaire de l'acquisition de l'avion présidentiel. Les faits sont têtus et ne sauraient occulter la prépondérance de sa responsabilité civile ou pénale dans ce casse financier qui aurait dû coûter la vie au chef de l'Etat, à sa famille et à son entourage le plus proche. En outre, dans sa parution N°464 du 23 janvier dernier, «L'œil du Sahel» vient confirmer ouvertement l'effectivité de ce rapport: «Certains ne sont pas loin de penser que dans les prochains mois, l'on pourrait assister à une sorte de «Demarafatisation» de l'administration et du parti.» Selon l'hebdomadaire régional d'information du Nord-Cameroun qui prend fait et cause pour l'ex-Minadt, Marafa Hamidou Yaya et ses proches, «le poste de liaison de la direction générale de la Recherche extérieure s'active à intimider ses proches. Ou du moins, ceux qui sont considérés comme tels.» Allusion est ici faite au maire Undp de Pitoa qui confirme d'ailleurs dans les colonnes de l'hebdomadaire du septentrion cette version des faits. Néanmoins, dans le cas d'espèce, il n'est encore question que d'un rapport des éléments des services spéciaux sommés d'agir contre tout débordement susceptible de focaliser quelques dérives politiques et sociales dans le Grand Nord et partant dans la Bénoué. Et pour nécessaire qu'il soit, c'est à la haute hiérarchie étatique que revient ce droit et non le contraire. Pour ainsi dire que, dans ces conditions, le discours inverse que tentent de faire prévaloir le clan des affidés de Marafa Hamidou Yaya, porte en germe leur propre échec.

Bertin Mebenga


Marafa Hamidou Yaya: Des raisons d’être inquiet

Sa forte implication dans l'acquisition d'un avion pour les voyages du président de la République de plus en plus claironnée par les protagonistes de «l'affaire Albatros» devant les tribunaux. L'ancien Minatd passe désormais ses journées dans la hantise de se retrouver derrière les barreaux.

Le gouvernement formé le 9 décembre dernier par le président de la République a eu ceci de particulier d'avoir laissé sur le carreau, un des plus emblématiques ministres du régime Biya. Marafa Hamidou Yaya puisqu'il s'agit de lui, cumulait alors plus de 2 décennies au sommet de l'Etat au point de mériter les attributs de ponte du régime. Du secrétariat d'Etat aux Finances au ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation (Minatd) en passant par le secrétariat général de la présidence de la République, l'homme était devenu comme un des pions sûrs du système. D'ailleurs, son entrée au Bureau politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) à l'issue de son 3ème Congrès ordinaire est venue le confirmer dans cette posture. Une posture qu'il n'a d'ailleurs cessé de cultiver au point de se constituer une véritable clientèle politique aussi bien dans son septentrion natal que dans le reste du triangle national. C'est sans doute pour cela que sa sortie ou gouvernement a été considérée par certains observateurs comme la grande surprise du remaniement ministériel du 9 décembre dernier. Avec raison puisque Marafa Hamidou Yaya, craint et redouté par plusieurs, avait fini par se convaincre qu'un grand destin l'attendait. Dans son entourage, l'on ne se faisait même plus d'illusions que le fils de Garoua était celui-là même qui devait remplacer Paul Biya à la tête de l'Etat. Et ceci dès 2011, grâce en partie à son impressionnant carnet d'adresses dans lequel figure en bonne place des proches du président français Nicolas Sarkozy, en froid avec le chef de l'Etat camerounais il n'ya pas longtemps.

Pourtant, pour d'autres observateurs de la vie politique nationale, ce n'est guère une surprise si Marafa Hamidou Yaya a été éjecté du navire gouvernemental camerounais. Et pour cause, notent les mêmes observateurs, il aurait été élégant que l'ancien Minatd se mette à la disposition de la justice, son nom ayant été abondamment cité par les protagonistes de «l'affaire Albatros» actuellement encellulés à la prison centrale de Kondengui. Démonstration a encore été faite le mardi 31 janvier dernier au Tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé au cours d'une audience où Hubert Patrick Otélé Essomba a vertement affirmé, présentant ses preuves à l'appui, que les 27 millions de dollars destinés à l'achat d'un Bb jet pour les voyages du président de la République avaient été détournés par Yves Michel Fotso et Marafa Hamidou Yaya. Suffisant pour que Marafa Hamidou Yaya perde le sommeil en ce début d'année. L'on se souvient également que la Cour des plaintes du Tribunal fédéral suisse avait inculpé l'ex Sg/Pr pour «suspicion de complicité dans la disparition des 31 millions de dollars destinés à l'acquisition d'un avion présidentiel de type Boeing Bb-jet 2ème génération à l'état neuf, viré dans le compte de Gia International, à la Bank Of America aux Usa par les soins de la Snh.» La justice fédérale suisse mentionne encore «qu'en mai 2003, un virement de 1 million de dollars Us avait été ordonné puis annulé dans le compte de Marafa.» Et le rapport de la Cour des plaintes du Tribunal fédéral suisse d'ajouter que «l'ordre de virement annulé avait finalement été viré au profit de la Commercial Bank of Cameroon».


Câbles Wikileaks

Dans la foulée, le nom de Marafa Hamidou Yaya apparait clairement dans l'ordonnance de disjonction de la procédure du 11 janvier 2011 où il est mis en cause dans le détournement de la tranche de 27 millions de dollars Us avancée par la Snh pour l'achat d'un Bb-jet2 présidentiel. L'on se souvient d'ailleurs qu'au Tgi du Mfoundi, l'ancien ministre des Finances Michel Meva'a Meboutou s'était rappelé avoir à l'époque été convoqué à une réunion à la présidence de la République où Marafa Hamidou Yaya, alors Sg/Pr, lui avait intimé l'ordre par de trouver 31 millions de dollars Us dans les 72 heures dans le cadre de l'acquisition d'un avion pour les voyages du chef de l'Etat. Il est donc établi que l'idée était de lui et que personne d'autres que son «ami» Yves Michel Fotso alors Adg de la Camair ne pouvait exécuter la sale besogne. D'ailleurs indiquent ses contempteurs, c'est également lui qui aura présidé au choix de Gia International comme partenaire dans cette opération. On peut aujourd'hui aisément comprendre les raisons de son inquiétude après sa sortie du gouvernement. Une inquiétude qu'il n'avait pas manqué de faire partager à Janet Garvey, ancienne ambassadrice des Etats-Unis au Cameroun comme l'a récemment révélé les câbles Wikileaks.

En définitive, notent certains analystes, dès lors que Yves Miche: Fotso a été mis au frais à la prison centrale de Yaoundé, il devenait évident que pour la manifestation de la vérité, le tour de Marafa Hamidou Yaya allait arriver. Son arrestation qui devrait normalement s'inscrire dans une question de temps ne saurait donc pas prendre un caractère politique comme semble l'indiquer certains esprits retors dans son entourage. Marafa Hamidou Yaya est un citoyen camerounais. A ce titre, il a le droit de nourrir des ambitions politiques et même celle de succéder à Paul Biya. Tout le problème est dans la nature et le cheminement adopté pour atteindre cet objectif. Seulement, certains ont tôt fait d'oublier que c'est le décret de Paul Biya qui a fait de lui ce qu'il est aujourd'hui. Sur un tout autre plan, l'on peut se poser la question de savoir si au cours de sa fulgurante carrière au sein de l'administration, il aura injustement amassé des biens comme en témoigne son riche patrimoine immobilier aussi bien au Cameroun qu'à l'extérieur.

Charles NWE



08/02/2012
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