Sérail: Du refus d'alternance à la guerre du dauphinat

YAOUNDE - 12 AVR. 2010
Nestor Djiatou | L'Anecdote
 
Plus de 10 jours après le fameux brûlot du poisson d'avril du quotidien Mutations, que d'aucuns ont allègrement qualifié de «poison» d'avril, le feuilleton est loin de livrer ses conclusions.

Le prologue se débine en une polémique rageuse qui masque tant bien que mal les coups secs voilés, les batailles de positionnement sournoises, ou encore les règlements de comptes larvés entre les hommes du sérail. « René Sadi: Candidat du Rdpc à l'élection présidentielle ». Oui, les camerounais et particulièrement ceux du Rdpc, ont consommé avec un appétit d'affamés ce poisson d'avril. Mais il est resté au travers de la gorge en attendant des réponses plausibles sur les enjeux, l'opportunité et les conséquences d'une telle révélation, que certains esprits classent sans coup férir dans le registre de la manipulation ou de la déstabilisation. Et pour cause. C'est d'abord de l'intérieur de la rédaction même du journal que fuse la première surprise, particulièrement chez les journalistes n'ayant pas pris part à la conférence de bouclage. A tout le moins savaient-ils, de source bien informée, que le poisson d'avril retenu pour l'édition du 1er avril concernait le transfert de Samuel Eto'o Fils au Paris St Germain. Un pur mensonge qui, à l'instar de Mendo Ze nommé Evêque auxiliaire de Yaoundé ou du passage de Samuel Eto'o Fils et Didier Drogba sur les antennes de la Crtv, aurait eu le mérite de faire l'économie des dégâts collatéraux et des commentaires abracadabrants qui alimentent l'opinion aujourd'hui. Qu'est-ce qui a bien pu se passer entre 18 h et 22 h ce soir du 31 mars pour qu'on en arrive à la transformation de la Une ? Mystère total.


SADI, L'HOMME A ABATTRE ?

Quelques responsables du quotidien plaident leur bonne foi, arguant de ce que le choix de ce titre était d'une innocence angélique, guidé exclusivement par le désir de servir à son lectorat une information travestie par la pratique courante du mensonge du 1er avril. Mais dans cet environnement brumeux, comment ne pas donner crédit à toutes ces supputations, perfides ou non, qui continuent à envenimer ce « poison » d'avril ? L'initiative était-elle celle de la déstabilisation du Secrétaire général du Comité central du Rdpc, appuyée par certains apparaticks du régime, comme cela se susurre dans certaines coulisses cossues de la République ? Quoi qu'il en soit, telle est la trame du débat actuel au sein du Rdpc où les responsables, après des démonstrations ostentatoires contre la succession à Paul Biya auraient décidé de « se manger » pour le stratégique strapontin de dauphin.

En poussant l'analyse plus loin, les exégètes du Rdpc liraient dans la montée fulgurante de René Sadi, les coutures d'un virtuel remplaçant de Paul Biya. Ce, au cas où, redoutent-ils, le chef de l'Etat ne serait pas disposé à accorder suite aux appels redondants pour une nouvelle candidature à la chaire présidentielle. Ce ne serait pas d'ailleurs la première fois que Paul Biya poserait un lapin à ses camarades du parti. En 1990, au plus fort des revendications pour le retour au multipartisme, à défaut de recueils étalés sur plusieurs tonnes, les barons du régime avaient multiplié marches populaires et offices religieux pour inciter le chef de l'Etat à refuser le vent de l'Est. Mais hélas, prenant tout le monde à contre-pied, Paul Biya les avait invités à se préparer à la concurrence.

L'histoire va-t-elle se répéter ? Manifestement, les plus futés du parti au pouvoir n'ont pas oublié ce tournant de la vie de la nation. Ce d'autant plus que pour d'aucuns, les dernières prestations scéniques du Secrétaire général du Comité central s'apparentent à un apprentissage du jeu du pouvoir. Homme de l'ombre bien connu, René Emmanuel Sadi s'est métamorphosé depuis quelques temps en un homme du terrain, haranguant les foules dans les meetings politiques auxquels il n'était guerre habitué. De Mbouda à Douala en passant par Yaoundé ! Lors de sa réception par les cinq sessions Rdpc du Wouri, un dignitaire l'avait affublé du titre de « Monsieur le Président », avant de se réviser. L'orateur avait-il simplement fourché sa langue ? Question à mille inconnues. Mieux, ils ne sont plus que deux dans la légion rapprochée du chef de l'Etat à faire partie de ses voyages officiels. D'où l'autre lecture qui tend à laisser croire que cette épreuve médiatique n'était qu'un galop d'essai visant à apprécier son tempérament et sa réaction devant une équation d'envergure. Ce qui explique aussi toutes ces réunions secrètes qui se multiplient dans les salons huppés de la république depuis la publication de ce brûlot. Assurément, le retour au bercail du chef de l'Etat qu'accompagne en Europe comme d'habitude René Emmanuel Sadi, tracera une trajectoire à ce front qui se dessine au sein de son parti. Car du refus de l'alternance à la guerre pour le dauphinat, il y a incontestablement un écheveau mesquin qu'il faudra démêler.



13/04/2010
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