Sénatoriales: Paul Biya ignore les menaces de Fru Ndi

DOUALA - 28 FEV. 2013
© Donat SUFFO | Le Messager

Le leader du Social democratic Front va–t-il gâter le pays comme promis ?
Au moment où le président de la République convoquait hier le collège électoral essentiellement constitué des conseillers municipaux pour les sénatoriales prévues pour le 14 avril 2013, nous apprenions que le véhicule dans lequel se trouvait John Fru Ndi, en route pour Yaoundé a été victime d’un accident de la circulation vers Obala. Rencontré, à l’imprimerie du Sdf où il officie comme gérant, Mochiggle Vanigansen, par ailleurs nouveau ministre de l’intérieur du gouvernement fantôme du parti du 26 mai 1990, confirme cette information «Je suis au courant de cet accident. C’est malheureux, nous souhaitons que l’âme de la femme qui est décédée sur le champ repose en paix». S’il se réjouit que le Chairman s’en est tiré sans problème, il met en cause la responsabilité du conducteur de la moto taxi.

Sur la question de la convocation du collège électoral dans le cadre des sénatoriales, le ministre de l’intérieur du Sdf nous dit qu’il apprend cette information du reporter du Messager. Et pour cause, très occupé en mi-journée d’hier, il n’a pas suivi le journal de 13h sur la Cameroon Radio and Television (Crtv). Néanmoins, il a son mot à dire sur cette convocation des sénatoriales pour le 14 avril 2013.

«Vraiment je suis très étonné que le président Biya et son gouvernement puissent faire ça» laisse-t-il entendre. Il poursuit «vous savez que les sénatoriales ont pour électeurs les conseillers municipaux. Non seulement le mandat des conseillers municipaux que nous avons actuellement a expiré mais aussi les élections municipales qui avaient conduit à l’élection de ces derniers étaient entâchées de beaucoup d’irrégularités que le président de la République lui-même avait relevées au cours d’un discours à la nation. L’Onel, organe de supervision de ces élections avait fait également mention de ces irrégularités à l’époque». Pour lui, la convocation du collège électoral pour les sénatoriales faite hier par le président de la République « est une fuite en avant. Je ne sais pas pourquoi le président Biya n’aime pas ce pays. Il ne cherche que l’embuscade pour régler les véritables problèmes de cette République; ce qui n’est pas bien.». Interpellé sur la position à tenir par le Social Democratic Front après cette convocation des sénatoriales, Mochiggle Vanigansen croit davantage que la hiérarchie du parti réagira en temps opportun, après concertation.


Sénat aux couleurs du Rdpc

Néanmoins, il précise « vous savez que le chairman au cours de sa récente descente sur le terrain (dans le Nord-Ouest Ndlr) avait fait remarquer que si les choses ne sont pas claires, le Sdf ne participera pas à ces sénatoriales. Surtout que ces élections ne concernent que le Sdf et le Rdpc, parce qu’en observant vous constaterez qu’il n’y a que le Sdf et le Rdpc qui sont représentés dans les communes et dans une moindre mesure l’Undp et l’Udc». Pour lui, si le Sdf refuse de prendre part à ces sénatoriales, cela traduirait qu’on va vers un Sénat entièrement dominé par le Rdpc « un sénat qui n’a pas le soutien populaire, et je ne sais pas si ce pays peut se développer sans le soutien populaire» tranche le ministre de l’intérieur du shadow cabinet du Sdf.

On se souvient que lors de sa tournée visant à booster les inscriptions biométriques dans la région du Nord-Ouest, Fru Ndi promettait aider le président de la République à « gâter le Cameroun » si «Mr Biya s’entête à organiser les sénatoriales avant les municipales». Le leader du principal parti de l’opposition projetait par la même occasion que « si les conseillers municipaux rechignent à aller voter si Mr Biya organise les sénatoriales avant les municipales, je vais envoyer les Bayam sellam les tabasser ». Maintenant que Paul Biya a ignoré ces menaces, l’homme « fort » de Ntarinkon va-t-il passer à l’acte ? Wait and see.

Donat SUFFO


Réactions des leaders politiques


Abanda Kpama (président du Manidem): «Des électeurs illégitimes pour désigner les sénateurs»

Le Manidem a été le 1er parti politique à dénoncer le coup d'Etat politique que préparait M. Biya en entrevoyant les élections sénatoriales avant les législatives et les municipales. C'était au mois d'octobre 2012 lors d'une conférence de presse publique au siège de notre parti à Douala. Toutes les enquêtes prévoient une défaite du Rdpc aux prochaines législatives et municipales. Pour contourner la volonté populaire, M. Biya a donc décidé de bâtir un Sénat aux seules couleurs du Rdpc, puisque les électeurs seront les conseillers municipaux actuels dont l'écrasante majorité est issue des rangs du Rdpc. Rappelons toutefois, que le mandat des conseillers municipaux actuels est caduc depuis juillet 2012. Ce sont donc des électeurs illégitimes qui vont désigner des sénateurs qui seront de ce fait illégitimes. Le 2ème volet sera la désignation du Conseil constitutionnel par le chef de l'Etat, M. Biya, le président du Conseil supérieur de la Magistrature, M. Biya, le président du Sénat, désigné par M. Biya et le président de l'Assemblée nationale, M. Cavaye, affidé de M. Biya! Il s'agit d'un véritable dévoiement de la démocratie et de l'esprit républicain. On s'achemine vers une inévitable crise politique avec des risques de déstabilisation de notre pays.


Jean Michel Nintcheu (Sdf): «C’est du banditisme politique»

Pour moi, c’est le sommet de l’imposture et du banditisme politique. Comment monsieur Biya peut-il décider de la tenue des sénatoriales alors que les conseillers municipaux sont en fin de mandat depuis huit mois et souffrent d’un déficit de légitimité. Cette fuite en avant résulte de la peur de M. Biya qui considère la biométrie comme un saut dans l’inconnu. C’est d’ailleurs pourquoi il redoute un rapport de force à l’Assemblée nationale et dans les communes après les municipales et les législatives. Toutes choses qui auraient un impact sur les résultats des sénatoriales si elles se tenaient après. Les acteurs politiques doivent réagir face à cette provocation et refuser de cautionner cette énième imposture. De toutes les manières, mon parti, le Sdf, incessamment, va prendre position par rapport à ce décret qui convoque le collège électoral.


Dr Alain Fogué, vice-président du Mrc: «C’est dommage pour la démocratie»

En deux mots : la convocation de l’élection sénatoriale par le président de la République pour le 14 avril prochain vient confirmer les craintes de notre parti le Mrc tel que nous l’avons exprimé dans un communiqué que nous avons rendu public récemment. Nous avons effectivement pris l’opinion publique à témoin en faisant remarquer qu’il n’était pas politiquement correct. Les électeurs des sénatoriales sont essentiellement les conseillers municipaux qui actuellement ont vu simplement leurs mandats prorogés. C’est bien dommage pour la démocratie.

Recueillies par Alain NJIPOU


28/02/2013
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