Sécurité : Appréhension de réhabilitation des réseaux Fochivé

Sécurité : Appréhension de réhabilitation des réseaux Fochivé

Les dernières nominations de Paul Biya laissent croire à un retour aux méthodes du passé à l’approche des échéances politiques de l’an prochain.

La plus grosse surprise dans les textes signés par le président de la République mardi 31 août dernier fut à coup sûr la nomination au poste de secrétaire permanent du Conseil national de sécurité (Cns) de Paul Atanga Nji, jusque là ministre chargé de missions à la présidence de la République. Cet opérateur économique controversé, Pdg notamment de Highland Bank Corporation fermée depuis plusieurs années, originaire de Bamenda dans le Nord-Ouest où son activisme débordant dans le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) - dont-il est président de la section Mezam I - fait exister le parti au pouvoir dans ce fief incontesté du Social Democratic Front (Sdf) de John Fru Ndi, avait déjà créé un coup d’éclat en entrant au gouvernement en juin 2009.

Le Conseil national de la sécurité est une structure qui existait sous le règne de feu le président de la République Ahmadou Ahidjo, et avait pour secrétaire permanent Samuel Kame, un membre influent du bureau politique de l’ancien parti unique, l’Union nationale camerounaise. Paul Biya l’a ressuscité par un décret signé en janvier 2009. Le Cns est un organe stratégique dans la politique sécuritaire du pays, parce qu’il est chargé de coordonner l’ensemble des structures chargées de la sécurité et de la défense nationales: Le ministère de la Défense (Mindef), le secrétariat d’Etat chargé de la gendarmerie (Sed), la Délégation générale à la Sûreté nationale (Dgsn), la Délégation générale à la recherche extérieure (Dgre), la direction de la sécurité présidentielle (Dsp), la Garde présidentielle (Gp) et l’état major particulier du président de la République.
Le ministre de l’Administration territoriale et celui des Relations extérieures sont également partie prenante dans cette structure névralgique placée sous la haute autorité du président de la République. C’est donc un rouage central dans le dispositif sécuritaire du pays. Comment comprendre dès lors que son premier secrétariat permanent depuis sa réhabilitation ait été confié à un homme issu du privé, et que personne ne voyait venir? Dans les coulisses du palais de l’Unité, il se murmure en effet que plusieurs noms ont été proposés au chef de l’Etat par ses collaborateurs, y compris des généraux de division. Paul Biya a pris tout le monde de court en nommant Paul Atanga Nji au poste.

Il se pourrait bien que, touché par les fuites et les failles de l’appareil sécuritaire, il ait décidé par ce choix de remettre au goût du jour les réseaux de Jean Fochivé. Car il est établi que Paul Atanga Nji avait été un maillon essentiel dans les stratagèmes montés par feu l’ex redoutable patron des services secrets camerounais (Cener) pendant notamment les années de braise du début des années 90. Lors des ‘’villes mortes’’, il fut notamment le bras séculier de ‘’Père Foch’’ pour déverser les taxis des services de renseignement à Douala et à Bamenda, les deux villes les plus touchées par cette action originale et spectaculaire de désobéissance civile. Atanga Nji, outre cet engagement de l’ombre avec le Cener, prenait du reste le risque et le courage d’aller se répandre dans les médias d’Etat pour défendre un régime qui était alors vomi par la rue. Sa promotion comme secrétaire permanent du Cns peut apparaître dès lors comme une prime à la fidélité à un pion du système, au moment où il est prévu par ailleurs que le chef de l’Etat aille présider la célébration du cinquantenaire de l’armée camerounaise à… Bamenda!

Le retour aux vieilles méthodes peut se lire aussi à travers le rappel à la Dgsn de Martin Mbarga Nguelé, un come-back sur lequel personne ne pouvait parier un kopeck. Eloigné du pays et du poste depuis 26 ans, ce commissaire divisionnaire à la retraite a certainement été rappelé par Paul Biya pour une reprise en mains de la police nationale, très décriée à l’intérieur même du sérail ces derniers temps. A ce niveau, la plupart des analystes s’accordent à dire que le calendrier politique du Cameroun n’est pas étranger au tsunami qui a décapité le système sécuritaire de l’Etat mardi dernier.
Paul Biya, en confiant son appareil sécuritaire à de nouveaux hommes issu d’un dispositif ancien, travaille inéluctablement avec la perspective de l’année électorale 2011, où lui-même devrait repartir sans surprise à la conquête d’un nouveau mandat présidentiel, après avoir fait opportunément modifier la Constitution qui l’en empêchait. Et dans cette même coulée, ceux qui aiment annoncer un «remaniement ministériel imminent», peuvent être cette fois dans le vrai…

Emmanuel Gustave Samnick



06/09/2010
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