Scène barbare de "justice populaire" au Cameroun

Scène barbare de "justice populaire" au CamerounAVERTISSEMENT : LES IMAGES QUI SUIVENT SONT CHOQUANTES.
 
Un individu allongé par terre, totalement nu, une partie de son corps brûlée et lacérée devant une foule surexcitée qui continue de le lyncher. Cette scène, filmée à Douala et envoyée à la rédaction des Observateurs de FRANCE 24, montre l’horreur d’une "justice populaire" fréquente au Cameroun.
 

Capture d'écran de la vidéo reçue par FRANCE 24 montrant la scène de justice populaire.
Scène barbare de "justice populaire" au Cameroun


 
La vidéo de 10 minutes, filmée avec un téléphone portable, a été publiée sans mention de la date ou du lieu exacte où elle a été tournée. La scène est décrite par l’internaute comme un acte de "justice populaire".
 
Ces images très dures, que FRANCE 24 a choisi de ne pas diffuser, montrent un homme nu, allongé dans la boue et apparemment inconscient. Il présente des plaies aux jambes et au torse et il est entouré par la foule. Des by Savings Wave">pneus brûlent autour de lui. Des hommes lui lancent des blocs de pierre sur le corps, puis une moto lui roule dessus. Un policier en uniforme tente ensuite de calmer la foule et de récupérer le corps.

Une personne dans la foule lance des blocs de pierre sur l'homme à terre.
Scène barbare de "justice populaire" au Cameroun
Une moto roule sur le corps de la personne allongée à terre.
Scène barbare de "justice populaire" au Cameroun


Sur la vidéo, on distingue un magasin "Erico Telecom" situé à l’angle d’un carrefour. L’un de nos Observateurs a retrouvé cette boutique, au carrefour du quartier Brazzaville à Douala, et a donc pu compléter l’histoire.

A gauche, une capture d'écran de la vidéo ; à droite, la photo prise lundi sur le même lieu par notre Observateur Jean D.
Scène barbare de "justice populaire" au Cameroun
Dans son rapport sur le Cameroun en 2012, Amnesty International dénonçait des cas de "personnes déshabillées, humiliées et insultées en public" dans le cadre de "vengeances personnelles pour cause de vol". Une scène similaire avait été décrite par une Mondoblogueuse de RFI en janvier dernier à Douala. Ces actes de lynchages de voleurs sont fréquemment à la une de la presse.

 
Le gouvernement camerounais tente régulièrement de lutter contre les actes de vengeance personnelle : en mai 2012, le garde des Sceaux Laurent Esso affirmait que la "justice informelle" était proscrite du nouveau Code de procédure pénale et qu’il appartenait "aux services du maintien de l’ordre et à la police judiciaire de conduire au parquet tous ceux qui se livrent à la justice populaire".

Le corps de la personne lynchée est transporté dans un drap jusque dans un véhicule.
Scène barbare de "justice populaire" au Cameroun


 
"Il avait volé une chaîne en or et un téléphone"
Jean D. habite Douala. Il a recueilli les témoignages de riverains pour comprendre ce qui s’était passé.
 
Sur place il y avait encore des restes de pneus brûlés et des bouts de ferrailles sur le sol. D’après les témoins à qui j’ai parlé, la scène s’est déroulée le samedi 22 juin. [Joint par FRANCE 24, le commissariat du 8ème arrondissement de Douala a confirmé cette date].
 
L’homme qui s’est fait lyncher était bien connu du quartier, il se faisait appeler Solo. Il venait de faire de la prison pour une histoire d’agression et de vol. Vendredi dernier, il y avait une veillée funèbre comme il y en a souvent sur cette place. C’est lors de cette veillée que l’individu aurait dérobé une chaîne en or et un téléphone, avant de s’enfuir. Excédés, des habitants du quartier présents à la veillée ont juré qu’ils lui feraient la peau le lendemain.
Ils ont réussi à le retrouver au petit matin.
 
D’après eux, il portait toujours au cou le collier de la personne qu’il avait volé et avait dans la poche la by Savings Wave">carte sim du téléphone. Lorsque la personne qui a été volée a récupéré ses biens, elle a dit aux autres "c’est bon, vous pouvez le laisser". Mais les gens ont rétorqué que ce n’était pas la première fois qu’il se comportait ainsi, qu’on ne pouvait pas faire confiance à la police ou à la justice, et qu’il fallait en finir avec lui.
 

Une foule importante était présente pour assister à cette scène.
Scène barbare de "justice populaire" au Cameroun

 
"Des personnes dans la foule criaient ‘comment ça se fait qu’il respire encore ! il faut en finir avec lui !’"
 
Ils l’ont emmené sur la place du quartier Brazzaville où il avait volé les objets ; ils ont commencé à le battre, avec des gourdins et des bâtons. Puis ils l’ont aspergé d’essence, l’ont mis au milieu de pneus et ont mis le feu. Le voleur est resté allongé par terre toute la matinée, au milieu d’une foule qui continuait de le torturer, jusqu’à ce que la police arrive à 14 heures.
 
Il semblait toujours vivant quand la police est arrivée [on le voit effectivement convulser sur la vidéo]. Des personnes dans la foule criaient "comment ça se fait qu’il respire encore ! Il faut en finir avec lui !". J’ai parlé avec un habitant du quartier qui voulait s’interposer, dire aux personnes présentes que même s’il avait volé, un être humain ne méritait pas un tel châtiment. Mais il ne l’a pas fait, il avait peur d’être lynché s’il le défendait.
 
"Personne ne s’est pressé pour aider la police à évacuer le corps"
 
Les policiers ont eu beaucoup de mal à calmer la foule. Des gens continuaient à lancer des pierres sur l’individu à terre ou à lui rouler dessus avec une moto sans que la police ne fasse rien. Son corps a finalement été traîné sur le sol jusqu’à une voiture, mais ce n’était pas un véhicule de police.
 
J’ai retrouvé la sœur de la victime qui m’a confirmé que son frère est mort avant son transfert à l’hôpital Laquintinie [la police affirme avoir transporté l’individu à l’hôpital Laquintinie, mais l’hôpital, contacté par FRANCE 24, explique ne pas l’avoir accueilli]. Il était presque mort et la famille ne voulait pas payer les frais de morgue. L’homme aurait, d’après elle, été enterré le lendemain dans son village d’origine.
 
Ces scènes de justice populaire sont très fréquentes à Douala. Les gens ont le sentiment que ces voleurs ne sont pas punis assez sévèrement et qu’ils ne font jamais l’intégralité de leur peine de prison.
© Source : France 24


03/07/2013
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