Scandale à l’Association des Camerounais du Canada (ACC) : Quand les jongleries institutionnelles de Yaoundé inspirent la diaspora

Canada - Scandale à l’Association des Camerounais du Canada (ACC) : Quand les jongleries institutionnelles de Yaoundé inspirent la diasporaJamais avant l’invention du concept de commission électorale indépendante (CEI), on avait vu en Afrique, et bientôt dans sa diaspora, tant de manipulations, tant de jeu de passe-passe. Voici que l’année 2012 va entrer dans les annales de l’histoire comme celle ayant vu certains Camerounais de la diaspora s’inspirer des pratiques antidémocratiques de leur pays d’origine pour choisir et exclure des candidats à présidence de leur association. L’exemple de l’Association des Camerounais du Canada (ACC) suscite désormais toutes les attentions.

Tout a commencé lors des états généraux de l’ACC tenus le 20 Octobre 2012 où les nouveaux textes régissant le vote ont été entérinés. Dès l’adoption de ces textes qui exigeaient à tout électeur ou à tout candidat d’être un membre en règle, certains barons ont commencé à proposer des exceptions, en faisant voter des résolutions par tout le monde, y compris ceux (majoritaires) qui n’étaient pas en règle. Quelques membres avaient alors quitté la salle pour exprimer leur désarroi. C’est dans ce contexte que cette commission électorale dite indépendante a été constituée, c’est-à-dire de personnes pas forcément en règle, et par une assemblée dont l’écrasante majorité n’était elle-même pas en règle. Et ce fut là son pêché originel. C’est plus tard que l’on comprendra pourqoui un membre influent de la CEI (une ancienne présidente) déposera sa démission au motif que la neutralité de cette commission n’est pas acquise du tout.

1) Sur l’action de la Commission électorale indépendante (CEI).

Depuis cette date fatidique du 20 octobre 2012, la CEI, qui avait a été mise sur pied pour encadrer le processus électoral devant mener à l’élection d’un nouveau bureau de l’ACC, s’est comportée sur un certain nombre de sujets comme le bureau exécutif de l’association même, ayant un pouvoir surdimensionné. En effet, les membres de cette commission ont tenu, le samedi 03 Novembre 2012, une réunion de travail avec le Président de l’ACC. Il ressort du compte-rendu fait par ce dernier que pour la première fois, la CEI s’est arrogé le droit de vendre les cartes de membres. Pis encore, la commission l’a sommé de lui remettre toutes les cartes encore en sa possession. 100 cartes ont ainsi été remises séance tenante.

Ce compte rendu a donc été la sonnette d’alarme qui nous a poussé à voir clair dans le jeu qui se tissait dans l’ombre. De questionnements en questionnements, notre connaissance des processus électoraux à l’ACC est devenue plus grande, et nous avons compris que la CEI ne peut se prévaloir de la vente des cartes à aucun moment autre que le jour des élections. Aucun texte ne lui concède un tel pouvoir.

En vendant les cartes plus d’un mois avant le jour des élections, la CEI a outrepassé ses prérogatives. Elle s’est donné un vaste champ d’opérations comme si elle était elle-même un candidat à la recherche des électeurs, et s’est comportée comme juge et partie, ce qui est une violation grave des statuts.

L’article 10 des statuts portant sur les cartes de membres prévoit ce qui suit : «Le Conseil d’administration délivre des cartes de membres attestant l’acquittement de la cotisation annuelle. Les cartes de membres sont signées par le Président et le Secrétaire général ou le Trésorier de l’ACC.» Le président sortant n’étant pas candidat à une réélection, il n’était pas urgent de le déposséder de toutes les cartes, qui constituent au demeurant l’actif le plus liquide de l’association.

Par ailleurs, la distribution des cartes par la CEI est conditionnée par la perception des des fonds qui y sont liés. De là, il se pose la question de savoir sur la base de quel texte la CEI peut-elle percevoir des fonds au nom de l’association, alors qu’un Trésorier élu, qui n’est pas candidat à sa propre réélection, est encore en exercice? Sur quelles plateformes la CEI procède t-elle à la vente de ces cartes depuis le 03 Novembre dernier?

Voilà un certain nombre de questionnements qui traduisent le malaise dans la communauté camerounaise du Canada, et qui rendent urgentissime le retour à la légalité, notamment à travers la restitution, au conseil d’administration sortant (précisément le bureau exécutif), de la prérogative de la délivrance des cartes de membres conformément aux dispositions de l’art 10 des statuts de l’ACC. De cette manière, avant toute élection, les membres de la CEI devraient être des membres en règle à l’ACC. Or tous les membres affectés à la commission n’étaient pas en règle au 20 Octobre 2012, jour de leur désignation, quoiqu’ils le fussent devenus par la suite.

2) L’inéligibilité de l’unique candidature acceptée le 13 Novembre 2012

Dans sa délibération du 13 Novembre 2012, la CEI n’a pas respecté les critères d’éligibilité au Conseil d’administration de l’ACC. En effet, Selon les dispositions de l’article 17 alinéa 1 des statuts portant sur l’éligibilité, «Pour être éligible au Conseil d’administration, un candidat doit remplir les conditions suivantes : 2- être membre actif de l’ACC et, pour la présidence, l’ayant été durant les deux dernières années.»

Qu’est-ce qu’un membre actif? La réponse nous est fournie par l’alinéa 2 de l’art 7 des statuts qui énonce : «Est membre actif tout membre de droit, toute personne qui adhère à la mission et aux objectifs de l’ACC, qui s’acquitte de ses droits d’inscription et participe à la vie de l’association. Seuls les membres actifs sont éligibles et ont le droit de vote». Le titre 3 du règlement intérieur précise finalement que «pour rester actif, un membre doit renouveler sa carte dès le 1er Janvier de l’année en cours ».

La CEI étant devenue le nouveau guichet unique, c’est auprès d’elle que la candidature de liste récemment approuvée a souscrit son adhésion il y a une dizaine de jours, incluant la tête de liste.
Comment comprendre alors qu’une personne candidate à la présidence de l’ACC soit éligible après s’être acquitté de ses droits d’adhésion à quelques jours des élections, alors même que les statuts exigent clairement que le statut de membre actif soit acquis durant les deux dernières années. La qualité de membre peut-elle être attribuée de manière rétroactive? Si la CEI concède à cette candidature la qualité de membre pour toute l’année 2012, même si le paiement n’a eu lieu qu’en novembre, qu’en est-il de 2011?

Comment la CEI a-t-elle pu omettre de vérifier le tout premier critère d’éligibilité en ce qui concerne une candidate, et a tout de même cru devoir exiger un certificat de bonne moralité à un autre candidat, et ce dans une dimension qui ne relevait aucunement de son mandat? Comment en est-on arrivé là ?

Voilà des questions qui montrent à suffire les contradictions dans lesquelles nous sommes désormais rompus. Il ne s’agit pas de remettre en question la qualité des membres de la CEI qui sont des "cadres" de la communauté, mais de questionner un système tortueux qui s’installe petit à petit dans une communauté vivant pourtant dans un vaste océan de démocratie : la démocratie canadienne. Il s’agit d’interroger la constitution de cette commission électorale et son aptitude à la neutralité.

Que toutes ces manipulations aient conduit à la désignation d’une seule canditate à la présidence de l’ACC, et qu’on en conlue que cette désignation consacre de fait sa victoire et sonne en même temps le glas de la démocratie dans la communauté camerounaise du Canada, montre que la diaspora camerounaise est désormais à la croisée des chemins. L’élimination de toutes les candidatures et le profilage d’une seule est la preuve de la non neutralité de la CEI.
Alors qu’au Cameroun les acteurs sociaux et politiques luttent inlassablement pour changer les institutions antidémocratiques, la diaspora devra accompagner ces efforts en montrant le bel exemple. Elle devrait pouvoir rappeler en tout temps que la mise entre parenthèses des textes statutaires régissant le fonctionnement d’une communauté et d’un peuple n’est pas seulement une atteinte à sa liberté. C’est un crime contre sa conscience, un poignard dans le dos des fondements mêmes de son existence.

© Avec Camer.be : Maurice NGUEPE


20/11/2012
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