Sarkozy hausse le ton et demande à Gbagbo de partir

Sarkozy hausse le ton et demande à Gbagbo de partir
(Le Figaro 18/12/2010)


La tournure des événements et les premiers morts ont contraint Nicolas Sarkozy à sortir du bois. La dynamique diplomatique a également joué son rôle.

C'est un véritable ultimatum qu'a lancé vendredi Nicolas Sarkozy depuis Bruxelles à Laurent Gbagbo pour qu'il quitte son poste sans délai. Le président ivoirien, qui s'accroche au pouvoir malgré sa défaite à l'élection présidentielle du 28 novembre dernier, doit partir « avant la fin de la semaine » , a déclaré le président de la République. S'il persiste à se maintenir en place, Laurent Gbagbo et son épouse « seront nommément sur la liste des sanctions » préparées par l'Union européenne, a déclaré Nicolas Sarkozy d'un ton très ferme.

Une telle vigueur est inédite depuis le début de la crise. D'emblée, Nicolas Sarkozy a certes clairement pris partie pour Alassane Ouattara. Mais il a aussi évité de donner publiquement de la voix contre son adversaire. « Gbagbo a trop souvent montré qu'il pouvait prendre la France comme bouc émissaire de ses difficultés », expliquait-on récemment encore à l'Élysée pour justifier cette prudence. Paris ne « reste néanmoins pas inerte et vient en soutien des tentatives de conciliation africaines », commentait-on encore. Côté français, l'essentiel des efforts s'est concentré, dans la discrétion, sur les préparatifs d'une éventuelle évacuation des ressortissants français présents en Côte d'Ivoire. Une tâche à laquelle s'est attelé le nouveau ministre de la Défense, Alain Juppé, qui pour cette raison n'a pu participer au voyage du chef de l'État en Inde, début décembre.


Dynamique diplomatique

La tournure des événements et les premiers morts ont contraint Nicolas Sarkozy à sortir du bois. La dynamique diplomatique a également joué son rôle. Très impliqués dans la crise ivoirienne, les États-Unis ont dans un premier temps tendu une perche à Laurent Gbagbo, lui faisant même miroiter un rendez-vous à la Maison-Blanche s'il jetait l'éponge, avant d'élever la voix. Jeudi soir en effet, un haut responsable de l'Administration américaine a évoqué un ultimatum, prévenant que les États-Unis, la France et les puissances africaines souhaitaient voir l'ancien président quitter le pays dans un délai se comptant « en jours », faute de quoi il s'exposerait à des sanctions. «Les Etats-Unis sont prêts à imposer des sanctions ciblées, individuellement en tant que pays et de concert avec nos partenaires, contre le président Gbagbo, sa famille immédiate et le cercle de ses proches s'il devait continuer à revendiquer illégitimement le pouvoir», a déclaré un porte-parole du département d'Etat. «Le temps presse», a-t-il souligné.

Au niveau européen également, Paris a été confronté à une dynamique de pression accrue à l'encontre de Laurent Gbagbo. Dès lundi dernier, l'UE a décidé le principe de sanctions ciblées contre le président de la Côte d'Ivoire et son entourage. Une liste de 18 ou 19 noms, essentiellement des proches de Laurent Gbagbo, a été préparée, impliquant pour ces personnes des sanctions telles qu'un gel des avoirs et des restrictions de visas. Cette décision doit être entérinée lundi par les représentants des Vingt-Sept d'où l'échéance de la fin de la semaine fixée à M. Gbagbo par Paris et Washington. Avant-hier toutefois, à l'ouverture du Conseil européen, l'inscription du chef de l'État ivoirien figurait toujours entre crochets sur cette liste, ainsi que le souhaitait Paris. L'Allemagne, la Grande-Bretagne ou encore la Pologne poussaient pour que la liste soit adoptée en l'état. Dans leur déclaration à l'issue du sommet de Bruxelles, vendredi, les dirigeants de l'UE ont maintenu la pression en réaffirmant leur détermination « à prendre des mesures ciblées contre qui voudrait empêcher le respect de la volonté exprimée par le peuple ivoirien ».

Sans écarter la possibilité de sanctions, la France aurait voulu, elle, se donner un peu de temps et laisser encore une chance à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir de son plein gré en échappant à des sanctions. Il n'a désormais plus que 48 heures pour s'exécuter. Et rien n'indiquait hier qu'il y soit prêt. Le 3 décembre, en se rendant en Inde, Nicolas Sarkozy l'avait appelé depuis son avion pour le convaincre de se démettre. Un deuxième coup de téléphone était prévu entre les deux hommes, mais Gbagbo s'est refusé à prendre en ligne le président français. Conscient que le temps ne joue pas forcément contre le dirigeant ivoirien, convaincu des risques d'une situation de plus en plus explosive, le chef de l'État n'a finalement eu d'autre choix que de mettre Laurent Gbagbo dos au mur.

Par Alain Barluet

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18/12/2010
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