Roger Milla: "Eto’o peut faire mieux que ce qu’il nous a proposé en Afrique du Sud"

Yaoundé - 11 Août 2010

© Ateba Biwolé | Le Jour


L’ancien Lion Indomptable revient sur la débâcle du Cameroun à la dernière Coupe du Monde, sur le capitanat des Lions et sur la question du recrutement de l’entraîneur.


Le Cameroun dispute un match amical contre la Pologne cet après-midi, alors que l’entraîneur n’a pas été recruté. Quelle en est votre réaction à cela ?

Ce n’est pas une question qui me préoccupe personnellement, puisque je ne fais pas partie du comité chargé de recruter l’entraîneur, c’est le problème du ministère et de la Fédération. Mais je pense qu’il faut qu’on nous trouve un entraîneur sérieux, un entraîneur qui viendra mettre de la discipline dans notre équipe. Je ne cesserai jamais de le dire. On a beau chercher à me couper la gorge, les gens ont beau dire ce qu’ils veulent, je continuerai à parler des problèmes de cette équipe. Ça fait trois ans que je le dis et tout le monde le sait. Il y a de vrais problèmes dans notre équipe nationale et il existe des crises entre les joueurs. Avant la Coupe du Monde, j’ai demandé que cela soit réglé, on m’a traité de jaloux, de fouteur de désordre, d’aigri, mais je pense qu’aujourd’hui, on voit bien ceux qui ont foutu le désordre dans cette équipe pendant la Coupe du Monde.


Cela ne vous gêne donc pas qu’on joue le match de ce soir sans entraîneur ?

Je pense que ce n’est pas normal. Il faut qu’on s’assaye, qu’on en discute. Il n’est pas normal d’aborder un tel match sans qu’on ait vraiment discuté de ce qui ne va pas. On joue contre la Pologne, on change des joueurs, on pense que c’est cela qui fera changer les choses ou régler nos problèmes. Non ! Il est temps qu’on dise certaines choses et qu’on mette les choses au point.


Après la Coupe du Monde, vous avez rencontré le chef de l’Etat. Peut-on savoir ce que vous vous êtes dit ?

Si je rencontre le chef de l’Etat, cela ne veut pas dire que je viendrai vous déclarer tout ce que nous nous sommes dit. Si aujourd’hui l’entraîneur n’est pas recruté, il faudrait que les gens comprennent que c’est parce que le chef de l’Etat n’est pas content de notre équipe nationale. Que les gens sachent au ministère des Sports et à la Fédération camerounaise de football que le chef de l’Etat n’est pas content de cette équipe. Il a mis beaucoup d’argent pour que nous participions à la Coupe d’Afrique des Nations et à la Coupe du Monde, mais on s’est rendu compte que les gens sont partis à ces deux compétitions pour s’amuser. Le Cameroun méritait un rang honorable à ces deux compétitions et non ce que nous avons vu. On est passé à côté et on doit rendre compte au chef de l’Etat. Il doit être mis au courant de tout ce qui s’est passé. Il fallait absolument une assise avant le match amical que nous allons disputer contre la Pologne.


On a entendu dire que vous aviez proposé un entraîneur au chef de l’Etat. Est-ce vrai ?

Ça fait 15 ans qu’on dit que j’ai proposé un entraîneur, mais on ne l’a jamais vu. Au Cameroun, quand les gens veulent se couvrir, ils mettent le nom de Roger Milla en avant en se disant que le chef de l’Etat ne va pas réagir, mais ils se trompent. Il ne faudrait pas qu’ils continuent à se tromper, parce que le peuple en a marre ! Oui, il en a marre ! En Coupe du Monde, nous avions une très bonne équipe pour aller jusqu’en demi-finale, mais les gens nous ont frustrés, ils ont fait des conneries et maintenant tout le monde paye. Nous sommes 45ème au classement Fifa. Vous trouvez ça normal ? Nous sommes partis de la 11ème place à la 45ème. Je pense que c’est inacceptable pour un pays comme le Cameroun. Même le Gabon qui n’a jamais participé à une Coupe du Monde se retrouve devant nous. Est-ce que c’est sérieux ? Non ! Il faut que nous trouvions une solution. J’ai beaucoup discuté avec le ministre des Sports et j’espère que les choses vont changer.


Pour le match de ce soir, certains joueurs qui étaient à la Coupe du Monde ont été mis à l’écart. Pourquoi ?

Je ne sais pas si c’est une mise à l’écart. Il faut déjà savoir qui les a mis à l’écart, il faut savoir qui a fait la sélection pour ce match. Je ne sais pas si c’est vraiment une mise à l’écart. Vous savez, on peut ne pas appeler les joueurs parce que c’est un match amical. Le vrai problème de cette équipe c’est le désordre. Il faut qu’on y remette de l’ordre, sinon nous ne pouvons rien attendre. Il n’est pas normal que le désordre vienne de partout dans une équipe comme la nôtre. Si nous voulons des réformes dans notre football, il faudrait qu’on se dise toutes les vérités, parce que si nous en cachons, rien ne pourra aller.


Quelles sont ces vérités ?

La vérité c’est que rien ne marche et tout le monde essaye de tout camoufler, même les dirigeants. Je vais quand même dire, en ce qui me concerne, que lorsqu’un Camerounais refuse de disputer un match avec les Lions, il doit être sanctionné. Un joueur n’a pas le droit de refuser de porter le maillot de l’équipe du Cameroun. S’il refuse, qu’on le suspende clairement afin que même dans son club, il soit suspendu.


Roger Milla, le problème de cette équipe nationale ne vient-il pas du changement de capitaine ?

Non, je ne pense pas, c’est un problème plus profond que cela. Tout part de la discipline au sein de cette équipe, parce qu’il n’y a pas que les joueurs. Même chez les dirigeants de l’équipe nationale, il y a une indiscipline caractérisée. Je crois qu’il est temps de mettre tout le monde au pas. Chacun doit faire son travail. Il n’est pas question que pour une Coupe du Monde, on fasse voyager tout le monde comme ça a été le cas en Afrique du Sud. Quand on fait voyager tout un peuple pour une compétition, qui suit les affaires derrière ? Je crois qu’il faut mettre de l’ordre dans cette équipe, car il y a par exemple des gens qu’on fait voyager et à qui on donne de l’argent sans savoir pourquoi. Ce n’est pas sérieux.


Avant la Coupe du Monde, des médias français ont relayé quelques tensions entre Samuel Eto’o et vous. Qu’en dites-vous aujourd’hui ?

Ils ont honte aujourd’hui, parce que je n’ai fait qu’apporter ma petite contribution à la construction de notre équipe nationale. Certains ont voulu nous mettre dans des problèmes, mais on s’est rendu compte que les problèmes sont aussi venus de chez eux. Je n’ai aucun problème avec Samuel Eto’o Fils, tout ce que je lui demande c’est d’être discipliné. La discipline peut être personnelle ou collective. Lorsqu’on est capitaine d’une équipe, on doit montrer le bon exemple à tout le monde. C’est tout ce que je veux lui dire. A part ça, je n’ai rien à lui reprocher et j’ai toujours dit que s’il joue dans son vrai registre, il sera le meilleur avant-centre au monde. C’est à lui de tourner la page et de passer à autre chose de mieux que ce qu’il nous a servi ces dernières années.


Pour vous, Samuel Eto’o n’a donc pas joué son rôle à la Coupe du Monde ?

Je ne peux pas le dire parce que je ne faisais pas vraiment partie de l’effectif qui était avec les Lions. Je peux dire qu’il a joué son rôle pour avoir porté le brassard pendant tous les matchs du Cameroun. Je l’ai toujours dit, Eto’o peut faire mieux que ce qu’il nous a proposé en Afrique du Sud. Le Cameroun voudrait qu’il fasse plus, comme lorsqu’il joue dans les clubs européens.


Il se dit que dans cette équipe, tout le monde le craint, et que c’est lui qui prend certaines décisions…

C’est pour cela que je dis que dans cette équipe, il n’y a pas que Samuel Eto’o qui met du désordre. Les autres joueurs aussi mettent du désordre et c’est vraiment lamentable. Si les joueurs ne peuvent pas dire la vérité sur ce qui se passe au sein de l’équipe nationale, ça veut dire qu’ils mettent aussi du désordre. C’est à tous les joueurs de régler les différends entre eux, car ce sont tous des adultes. Si six à huit joueurs disent la vérité, les choses vont changer. Mais si personne ne parle, la situation empire. C’est à cause de ce type de comportement hypocrite que nous sommes rentrés d’Afrique du Sud la queue entre les jambes. Je vois que maintenant, certains commencent à parler, mais ce n’est pas ça que nous voulions. Il fallait qu’ils le fassent quatre, cinq, six mois avant. Je l’ai dit et certains ont estimé que je voulais apporter le désordre dans cette équipe, que j’étais jaloux et nous avons tous vu le résultat de cet entêtement. Il y a des gens comme Linus Pascal Fouda, qui sont allés sur des chaînes de télévision raconter n’importe quoi. J’espère qu’il a remis l’argent qu’on lui a donné.




12/08/2010
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