Révolution: Biya n'a pas le monopole de l'hymne National du Cameroun

18 FEV. 2011
© Patrice Nganang, écrivain | Correspondance

"... Lors des marches du 23 février, nous devrions chanter l’hymne national de notre pays. Nous devrions le chanter encore plus si les soldats de Paul Biya venaient barrer notre chemin..."

BIYA N’A PAS LE MONOPOLE DE L’HYMNE NATIONAL DU CAMEROUN !

L’hymne national d’un pays, c’est le chant de solidarité de femmes et d’hommes qu’unit un territoire et une histoire. Le chanter c’est moins l’expression d’un nationalisme, que du choix d’appartenance à ce pays-là. C’est donc un chant de solidarité volontaire. On n’est pas né chantant l’hymne national du pays dans son berceau de nourrisson. On apprend tous à le faire : voilà pourquoi nos enfants le chantent dans la cour de l’école, alors que nombreux d’entre eux ne comprennent pas encore la signification des mots qu’ils disent. On choisit de le faire : voilà pourquoi les Lions indomptables le chantent avant de jouer, bien que nombreux d’entre eux ne vivent plus au Cameroun et sans doute n’ont de Camerounais que leur équipement de foot. Voilà pourquoi lors des marches du 23 février, nous devrions chanter l’hymne national de notre pays. Nous devrions le chanter encore plus si les soldats de Paul Biya venaient barrer notre chemin. Nous le chanterions alors encore mieux et avec plus de courage, car le Cameroun c’est nous.


Biya n’a pas le monopole de l’hymne national du Cameroun ! Ses sbires non plus. Que l’hymne encercle ses propos n’est qu’un protocole, et tout protocole est une tradition choisie par les habitants du pays, par nous donc. La bataille autour de l’hymne national au Cameroun est longue. Nous savons que nos grands-parents René Jam Afane, Michel Nkomo Nanga, Moïse Nyatte Nko’o, Samuel Minkyo Bamba qui l’ont composé en 1928 à Foulassi, s’ils ne sont pas morts dans la pauvreté, comme le vieux nègre n’ont reçu de Biya qu’une médaille. Nous savons que lors de la rébellion de 1956-1970, ceux des Camerounais qui avaient choisi le maquis avaient fait preuve de beaucoup d’imagination poétique, inventant des hymnes alternatifs qu’ils traduisaient dans les diverses langues de chez nous pour les circonstances de leurs batailles. La chanson ‘Liberté !’ d’Anne Marie Nzié qui rythma les années de braise a elle aussi une histoire qui pour beaucoup d’entre nous est celle de notre jeunesse. Trop de fois dans les batailles pour le futur de notre pays cependant, l’hymne national camerounais a été laissé aux forces de l’infamie qui d’emblée croient que c’est elles seules qui représentent la république du Cameroun. Cela, nous le savons aussi.


Or, l’hymne national camerounais n’est pas la propriété du locataire du palais d’Etoudi. Le drapeau national n’est pas non plus réservé au défilé du 20 mai et aux parades militaires. Ni l’hymne, ni le drapeau national camerounais ne sont réservés aux tribunes de l’Assemblée nationale, ni d’ailleurs aux cours de bâtiments administratifs ; non, ils ne sont pas l’apanage des gouverneurs des provinces, des préfets et des sous-préfets seuls. Ils ne peuvent donc pas être réservés aux gendarmes et soldats que ces derniers enverront intimider les Camerounais unis de leur propre vœu dans la rue dans quelques jours. C’est que toutes les fois où des Camerounais de toutes origines se réunissent de leur propre gré, la république du Cameroun se manifeste. S’il en est ainsi lors des matchs de football, ou dans la cour des écoles primaires de notre pays, il en sera ainsi également lorsqu’à partir de ce 23 février nous viendrons volontairement dans la rue demander à Biya de dégager. En ces occasions l’hymne national camerounais devient moins qu’une chanson de circonstance ; il devient l’expression d’une solidarité de choix. Quant au drapeau national, il porte les couleurs de ce choix commun et public d’unité manifestée d’un peuple enfin décidé.


Chers amis: le roi est sans caleçon ! La république du Cameroun a cessé d’être représentée au palais d’Etoudi, dans lequel nous dit-on – sans blague ! -, un officier de la garde présidentielle s’est suicidé en se tirant de multiples balles dans la tête ! Aujourd’hui, c’est dans la rue qu’elle manifestera son visage digne. Vingt-neuf ans d’exclusion systématique de la majorité des populations camerounaises : des moins de trente ans surtout, cette majorité réelle de notre pays qui de toute sa vie n’a connu comme président que Biya ; des pauvres, cette majorité fabriquée par un demi-siècle d’injustice d’Etat ; vingt-neuf ans de renouveau honteux nous ont montré que pour les grandes ambitions, l’unité n’est et n’a toujours été qu’une farce ; le 23 février, redonnons-lui la signification qui est sienne lorsque notre pays gagne. Il est illusoire d’attendre que Biya, à 80 ans, se découvre pour sept ans une nouvelle politique, car son bilan d’assassin est plus bavard que chacun de ses discours. Le 23 février, montrons que le quadruple champion d’Afrique de football ne mérite pas de sombrer dans la dictature pour sept ans encore ! Le 23 février n’est donc pas un jour de deuil mais de célébration nationale du réveil du peuple camerounais de son sommeil de vingt-neuf ans. C’est un jour de victoire populaire ! Que quiconque n’a pas de drapeau national s’habille en maillot des Lions indomptables ! Qui n’a pas de maillot prenne un survêtement ou une banderole aux couleurs nationales, et le porte ! Et que chacun racle sa gorge pour en manifestant, encore mieux chanter l’hymne national camerounais. Après tout, ce pays nous appartient à tous, bèbèla !

Patrice Nganang, écrivain



21/02/2011
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