Révélations sur la richesse de Polycarpe Abah Abah: Ce qui reste du «milliardaire» de Zoétélé

YAOUNDÉ - 10 Janvier 20121
© Bertille Missi Bikoun | L'Actu

La richesse de l'ancien Minefi, l’un des célèbres détenus à la prison centrale de Kondengui, continue à faire couler beaucoup d'encre et de salive.

Hormis un visage quelque peu amaigri, l'épreuve ne semble pas avoir entamé son moral. Et encore moins sa mise vestimentaire. Ce, malgré des conditions de détention pour le moins rugueuses pour quelqu'un qui déclare n'avoir pas vécu dans l'opulence; mais affirme néanmoins n'avoir jamais manqué de rien; et ceci depuis sa prime enfance. «Je ne suis pas un parvenu. Mon père était parmi les premiers fonctionnaires des impôts. Je n'avais donc pas une revanche à prendre quand on m'a nommé». Polycarpe Abah Abah a eu un parcours scolaire et académique assez impressionnant. Avant 30 ans, il occupait déjà des postes de responsabilité au sein de la haute administration camerounaise.

A 28 ans, c'est-à-dire trois ans seulement après sa sortie de l'Ecole nationale d'administration et de la magistrature (Enam), André Booto a Ngon, de regrettée mémoire, le nomme sous-directeur de la législation fiscale. Soit la troisième personnalité, dans l'ordre protocolaire, de la direction des Impôts. «Je n'y connaissais rien, mais je me suis mis au travail. J'ai dit: je vais apprendre», confie-il. Un coup du destin, oui, reconnait celui qui ne cache pourtant pas avoir longtemps été intéressé par les professions libérales avant de se retrouver, de façon fortuite, à l'Enam (il y suivait son meilleur ami dont il ne voulait pas se séparer). Il termine troisième de sa promotion. «J'avais peut-être eu un petit coup du destin, mais j'étais travailleur», déclare-t-il. Son intelligence couplée au destin, Polycarpe Abah Abah tonnait une carrière fulgurante. Son mentor: André Booto à Ngon, alors directeur des Impôts, dont il parle avec beaucoup d'entrain, de respect mais, surtout, de regret. «Je n'ai jamais travaillé sous les ordres de quelqu'un à la direction des Impôts, sauf le directeur Booto», qui voulait, poursuit-il, «que j'aie une grande formation. Et il a mis le paquet». Ce dernier l'initie à la fiscalité pétrolière. En même temps qu’André Titi Dibeng, un responsable de la structure, se charge de le former à la fiscalité. Il est envoyé en formation aux Etats-Unis (Université de la Californie du Sud) puis au Canada (Université de Cherbourg) d'où il revient nanti d'un Master en Public Administration.


30 000 F Cfa trouvés chez lui par les enquêteurs

A son retour, il est nommé sous directeur chargé du contrôle fiscal à la direction des Impôts. «Si je devais être riche, c'est là. Quand on est ici, si vous avez l'âme d'un corrompu, c'est là que vous allez prendre l'argent», susurre-t-il. Un an plus tard, le jeune fonctionnaire dynamique est propulsé à la présidence de la République. L'expert en fiscalité est attaché au Secrétariat général où il a pour patronne hiérarchique Esther Dang, «une dame très calée. Je suis sortie de la vision de fonctionnaire à une vision plus globale».

En plus de Polycarpe Abah Abah, Edouard Akame Mfoumou fait venir à la présidence de la République d'autres jeunes tels que Martin Aristide Okouda, Benjamin Amama Amama, Pierre Moukoko Mbonjo... Lorsque le Secrétaire général Sadou Hayatou est nommé Premier ministre le 26 avril 1991, il part avec toute son équipe. C'est durant son séjour ici qu’Abah Abah peaufine la réforme fiscale qui entraînera l'adoption du système de TVA (taxe sur la valeur ajoutée) à la place de la TCA (taxe sur le chiffre d'affaires), dès 1999.

Mais celui que nombre de Camerounais découvrent à son arrivée à la tête de la direction des Impôts est perçu comme étant un BCBG (bon chic bon genre). Une image dont l'ancien ministre de l'Economie et des Finances (Minfi) peine à se défaire. L'expert Dooh Collins, commis par l'Agence de l'investigation financière (Anif), dit d'ailleurs de lui qu'il est milliardaire. C'est du moins ce qu'affirment des câbles diplomatiques publiés sur le site internet américain Wikileaks. Des affirmations d'ailleurs à l'origine de l'interpellation, le 30 mars 2008, de Polycarpe Abah Abah, accusé d'enrichissement illicite. «Ça me fait mal lorsque quelqu'un me dit que je suis malhonnête. J'ai été membre, pendant cinq ans, de la Commission nationale des marchés. On n'a jamais cité mon nom comme corrompu». Mais les voitures rutilantes qui ornent le parking de sa résidence d'Odza ne sont pas pour inverser l'opinion du dernier des stupides. Au point ou pour nombre de ses concitoyens, Polycarpe Abah Abah est riche. Très riche même. Mais l'homme s'en défend. Et invoque «des fantasmes». Pour preuve, poursuit-il, lorsque la police vient perquisitionner chez lui, on ne retrouve que trois billets de 10 000 Fcfa...

Signe extérieur de sa richesse supposée ou avérée, la maison de Polycarpe Abah Abah, au quartier Odza, est sa seconde oeuvre, à Yaoundé, après celle bâtie sur 200m2 (sur une surface disponible de 600m2) à Efoulan, du temps où il était inspecteur des Impôts et aujourd'hui occupée par un de ses fils. Les travaux de la maison d'Odza, bâtie sur un terrain de 2 000 m2, ont débuté en 1998. Bien que ceux-ci ne soient pas achevés, la famille Abah Abah a intégré cette demeure en 2006.

Cette impressionnante bâtisse a fait jaser en raison du luxe qu'on y trouve mais aussi et, surtout, à cause de la qualité des mécaniques qui y étaient stationnées. «La plupart des voitures de fonction, quand j'étais directeur général, je les faisais garer chez moi parce que je ne voulais pas qu'on les vole ou qu'elles soient mal utilisées. Après, je les garais au parking du Hilton Hôtel». Et la Peugeot 607, la Lexus 4X4 ou encore l'Infiniti FX entre autres qui ont fait dire à plus d'un que l'homme est fan de belles mécaniques? «J'aime le confort», dit-il d'une voix chargée d'émotion. «J'ai acheté ma Lexus neuve au prix bas du dollar américain», ajoute-t-il.

«Je n'ai pas acheté un véhicule qui m'ait coûté 30 millions de F Cfa. Et c'était des véhicules achetés il y a plus de dix ans mais qui étaient bien conservés. Quand on m'a déchargé et que j'ai voulu les utiliser, on m'a arrêté» dit-il, avant d'ajouter: «J'avais quatre véhicules qui ont été saisis pendant la perquisition. Ce qu'on n'a fait à aucun autre ministre».


Le grand planteur de Zoétélé

L'inventaire des biens meubles de Polycarpe Abah Abah se chiffre en termes de dix salons dont un neuf en cuir, des appareils électroménagers et électroniques de marques, des gadgets et autres commodités quotidiennes; des biens immeubles dont deux résidences à Yaoundé, une maison non clôturée à Meyila, son village natal, non loin de Zoétélé, dans le département du Dja et Lobo. Celle-ci est subdivisée en un bâtiment principal, un bâtiment secondaire et un bâtiment annexe reparti en (deux) cases de passage. Des biens placés, depuis juin 2008, sous main de justice. Excepté un pavillon, dans la banlieue parisienne, appartenant, dit-il, à son épouse, Caroline Abah Abah. «Le transfert de propriété n'est pas intervenu. Mais on a cette possibilité, si on continue à payer les loyers. Mais où est l'argent?», S’interroge-t-il.

Polycarpe Abah Abah avoue que sa véritable richesse c’est sa palmeraie. Etalée sur 180 hectares, elle est la fierté du fils de Meyila, d'où le nom de l'usine: Meyila Oïl Corporation. «Mon ambition était de l'étendre. Mais je n'ai pas pu le faire». Le projet débuté en 1996 a été initié en partenariat avec une élite de Zoétélé, ancien membre du gouvernement. Ce qui justifierait peut-être que la justice n'ait pas mis la main dessus.


11/01/2012
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