Rev. Jérôme EBUA sur Affaire du bébé volé: «Le mal prend des proportions inquiétantes»

DOUALA - 20 Février 2012
© Jacques Willy NTOUAL | Le Messager

C'est une sordide histoire. Une histoire qui m'a littéralement choqué. C'est simplement malheureux pour cette jeune fille et pour la société camerounaise toute entière. Cette intrigue de mauvais goût montre à suffire que le mal prend des proportions inquiétantes au point où l'on s'amuse avec la vie humaine. C'est inimaginable. Notre société est à l'envers. C'est grave!

Révérend, êtes-vous au courant de l'affaire Vanessa Tchatchou, si oui, quelle lecture vous en faites en tant que homme de Dieu?

C'est une sordide histoire. Une histoire qui m'a littéralement choqué. C'est simplement malheureux pour cette jeune fille et pour la société camerounaise toute entière. Cette intrigue de mauvais goût montre à suffire que le mal prend des proportions inquiétantes au point où l'on s'amuse avec la vie humaine. C'est inimaginable. Notre société est à l'envers. C'est grave! Par contre, il est temps de faire quelque chose pour arrêter la propagation et la banalisation de la méchanceté. Tous les Camerounais doivent être mobilisés autour de Vanessa afin que son enfant lui soit rétrocédé. Que ce soit la société civile, l'administration et surtout l'Eglise. Nous ne devons pas être indifférents. Lorsque je jette un regard dans la Bible, il y a une histoire où deux femmes se discutent un enfant après que l'une ait perdu le sien. L'autorité suprême de la nation, le roi Salomon, a été mis au courant. Avec tact et sagesse, la vérité a jailli. Ceci interpelle toute la nation, parce que si nous sommes légers par rapport à cette histoire, c'est encourager le phénomène et les conséquences qui vont avec. C'en est trop. Il faut trouver une solution à cette histoire.


Lorsque vous faites allusion à l'église, ce n'est pas pour vous accabler, mais n'est-ce pas tard? Et comment appréciez-vous, cette attitude alors que l'Eglise devrait selon vous, jouer un rôle de choix?

C'est vrai que depuis que cette affaire a éclaté, les hommes de Dieu n'ont véritablement pas pris position, du moins de manière officielle. Ce ne devrait pas être le cas. Toutefois, cette attitude dénote de notre incapacité à juger à sa juste valeur la position et la place de l'Eglise dans cette église. Cette dernière peine à savoir qu'elle a un rôle prophétique dans ce pays. C'est-à-dire, à moraliser les gens par rapport à l'actualité. En sus, l'Eglise a mandat d'éduquer les masses. Mais au-dessus de tout elle doit parler. Qu'on le veuille ou pas, la voix de l'Eglise porte, il faut donc que nous sachions seulement la capitaliser. Vous savez, l'Eglise représente Dieu et je ne veux pas croire que Dieu est indifférent à tout ce qui se passe. Je voudrais encourager mes pairs tout en comprenant ceux qui ont peur de se prononcer, à dénoncer ce qui doit l'être en toute vérité. Souvenons-nous de Jean Baptiste qui a été décapité pour avoir dit au roi Hérode la vérité. Le Cameroun a besoin de ce genre de personne capable de se tenir sur la vérité et condamner ce qui se passe à la lumière de la parole du Seigneur. N'oublions pas que la justice élève une nation et le péché la détruit.


C'est bien beau ce discours, mais comment l'Eglise peut-elle le faire quand elle-même est rattrapée par des scandales? Avec une telle réputation, a-t-elle vraiment les moyens de sa politique? N'a-t-elle pas perdu de sa crédibilité?

C'est vraiment triste et dommage pour ceux qui, comme moi, ont connu cet aspect véridique de l'Eglise, de la Foi il y a quelques années. Je suis d'accord avec vous, lorsqu'on voit l'actualité dans nos chapelles, il n'y a rien d'encourageant. Vous avez des hommes de Dieu qui se sont complètement détournés de la Vérité et qui vivent désormais pour une autre cause. Ceci décrédibilise l'Eglise dans sa globalité. Visitez les assemblées, vous verrez que ceux qui ont dilué et tronqué la Parole pour de l'argent, le confort matériel et la gloire humaine, sont ceux-là qui attirent le plus de monde. C'est grave! Heureusement, le moment vient et il est déjà arrivé, où l'on saura distinguer le bon grain 'de l'ivraie. En attendant, nous devons beaucoup prier et dénoncer de la plus belle des manières cet «évangile de prospérité» qui n'a rien à voir avec Christ. Il ne faut plus rien cacher, même au sein des congrégations, il faut exposer les comportements et les attitudes qui ne sont pas bibliques. J'encourage les serviteurs de Dieu qui veulent voir le réveil authentique au Cameroun, à se lever contre les vices et dérives qu'on retrouve dans l'Eglise et au sein de la société. En se tenant dans la Vérité, marchant dans l'intégrité et la sanctification et se donner à la prière afin que le Seigneur lui-même expose les fils de l'ombre. C'est de cette manière que l'Eglise aura son lustre d'antan.


Tout ceci illustre bien dans quel état se trouve notre société. La morale et les valeurs ont disparu, la corruption érigée en modèle... quelle serait votre panacée?

Ce tableau m'attriste beaucoup et j'en suis sûr, je ne suis pas le seul dans ce cas. Je me rends malheureusement compte que plusieurs ignorent le sens du terme «patriote». La corruption banalisée, les valeurs qui sont foulées au sol, les détournements des deniers publics symbole de réussite... illustrent bien que le Camerounais a perdu ce qu'il a d'essentiel: son âme. L'état de décrépitude avancé dans le quel se trouve notre société est lamentable. A chaque fois qu'on trouve un moyen pour endiguer soit la corruption, soit les détournements, certains génies finissent toujours par trouver une voie secondaire pour assouvir leurs instincts de prédateurs sociaux. L'Eglise est une fois encore interpellée, elle doit sonner le tocsin (bien entendu en montrant l'exemple) et frapper le poing sur la table. Vous savez, où se recrutent mes détracteurs? (rires), dans l'Eglise. Comment de telles personnes sont-elles les protégées des pasteurs? Uniquement parce qu'elles tiennent la bourse de l'assemblée. Dès lors, on fait table rase de leurs égarements, de leurs abominations parce que c'est lui qui finance. Vous voyez à quel niveau on se trouve... Ma recette, c'est de revenir aux principes bibliques avec leur discipline. Les serviteurs de Dieu doivent s'appuyer sur la Parole pour encadrer le peuple de Dieu. A côté, il faut enseigner la Parole de sorte que des vies soient changées et transformées. Enfin, l'Eglise doit assister l'Etat. Autrement dit, le chef de l'Etat doit s'entourer des membres du clergé crédibles capables de lui parler et lui prodiguer de conseils sans avoir peur de représailles. Il ne s'agit pas des griots. Mais des voix comme Jean Baptiste.


Il est facile de critiquer... qu'avez-vous concrètement fait au sein de votre assemblée?

J'applique les principes bibliques. Il y a eu des personnes, celles que j'appelle «l'élite», qui, lorsqu'elles se sont retrouvées impliquées dans des malversations et autre débauches, le conseil d'anciens et moi n'avions pas manqué d'appliquer ce que l'apôtre Paul recommande. Publiquement, on vous dit, écoutez, «celui-ci ne vit pas comme la bible le prescrit, il mérite la mise sous discipline», et on le fait tout en ayant précisé ce pour quoi on le fait. Peu importe qui vous êtes, ou quelle position vous occupez dans la société. C'est cette honte qui est efficace et si vous n'en voulez pas, vous êtes libre de partir. L'Eglise ne va pas pour autant mourir. On ne doit pas encourager le mal dans l'Eglise. Et si nous cautionnons le mal, c'est toute la société qui en souffre et l'évangile est biaisé. Vous êtes ministre, c'est bien on vous respecte, mais si vous avez une mauvaise vie, mis au courant, on va le dénoncer avec amour. Mais avec fermeté pour la gloire de Dieu.


Pour revenir à la question des enfants volés, il y a quelques jours, c'est un enfant qui était subtilisé à sa maman à Ndokoti, un autre à Yaoundé...y a-t-il à votre avis une explication à la recrudescence de cette déviance?

Aux actes aussi démoniaques, il y a une panoplie d'explications. La première, vous avez les familles ou les femmes qui n'ont pas pu procréer, celles-ci s'attachent les services des «agents» qui sont aux aguets pour avoir un enfant par tous les moyens ; nous avons également les cultes sataniques dont les rites font de la chair et du sang humain un objet de sacrifice. Ici encore, l'Eglise doit se lever parce qu'un tel degré de perversion, témoigne de ce que l'atmosphère spirituelle de notre nation se déprécie à un rythme vertigineux. En tant que membre du clergé, nous ne devons pas assister les bras croisés devant pareil spectacle regrettable. Ce sont ces vices qu'il faut dénoncer et combattre...à genoux.


Dans les prises de positions en faveur de Vanesse, le chef de l'Etat a demandé que de nouvelles investigations soient menées. On parle aussi des tests Adn et de commission...toutes ces démarches vous paraissent-elles suffisantes pour que l'enfant retrouve enfin les bras de sa mère?

Nous félicitons déjà la réaction du président Biya qui, à travers cette décision, montre à suffire que les Camerounais ne doivent pas être menés en bateau. Il prouve qu'il est non seulement au courant de ce problème mais qu'il en est préoccupé. C'est sage. Pour ce qui concerne les tests Adn, j'y adhère formellement. Cela participe à l'éclosion de la vérité. Ce n'est pas négociable. Au sein de cette commission, il faut trouver des personnes qui n'ont pas d'affinités avec chacune des deux parties. En d'autres termes, je propose qu'il y ait des hommes de Dieu aux états de services irréprochables, des organismes de défense des droits de l'Homme et des femmes et des hommes intègres qui vont trouver laboratoire sérieux susceptible de donner sans le moindre doute les résultats desdits tests. C'est fondamental.


Quel message pour les Camerounais en ce début d'année?

Cette année est l'année de grands exploits. Il faut également comprendre au passage qu'il y aura deux vents: celui de la bénédiction et celui du jugement. La clef du succès c'est la crainte de Dieu. La crainte de Dieu, c'est faire du bien et éviter le mal. Il y a une telle semence de mal dans ce pays que l'on pense que nos enfants ont les gènes du mal encrés en eux. Devant un tel constat, les uns et les autres démissionnent. Non, il ne faut pas le faire. Les Camerounais doivent aimer cette nation, avoir la haine du péché et avoir la crainte de Dieu afin que tous soyons fiers d'être Camerounais.


21/02/2012
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