Résultats Sénatoriales 2013: Controverse autour d’un Sénat bipolarisé

Douala, 30 Avril 2013
© Mathieu Nathanaël Njog | Aurore Plus

La Cour suprême siégeant en lieu et place de la Cour constitutionnelle a proclamé hier, lundi 29 avril 2013, les résultats du scrutin du 14 avril 2013. Rendant publiques les identités des 70 premiers Sénateurs du Cameroun, en attendant que le Président de la République désigne les 30 Sénateurs restants.

I- La majorité gouvernementale Rdpc et le Sdf

Le Président de la Cour Suprême, Alexis Dipanda Mouelle, a
proclamé les résultats des premières élections sénatoriales, hier, lundi 29 avril 2013. Rendant publics les noms des 70 premiers Sénateurs de la Haute Chambre, sur les 100 qu'elle devra comprendre. C'est dire que les expectatives sont désormais sur les 30 Sénateurs que le Président de la République va nommer. Toutefois, le Rdpc, parti au pouvoir, s'en est sorti avec 56 Sénateurs, représentant des victoires acquises à la majorité absolue sur 8 régions (Centre, Est, Extrême-Nord, Littoral, Nord, Nord-Ouest, Sud, et Sud-Ouest). Son principal rival, le Sdf s'en est sorti avec 14 Sénateurs, issus des victoires des listes Sdf dans deux régions (Adamaoua et Ouest). Donnant au Sénat, une configuration bipolaire. Avec seulement deux partis politiques représentés dans cette seconde Chambre (Rdpc et Sdf). Une configuration qui fait déjà jaser dans les états-majors des partis politiques. Aussi bien pour les partis politiques (Undp et Udc), ayant pris part à ce scrutin et qui n'ont pas pu remporter le moindre siège.

Passons sur leurs récriminations. Puisque cette proclamation fait suite aux verdicts des cinq contentieux post-électoraux que ces deux partis ont introduit avant de se voir débouter en fin de semaine dernière. Les deux contestaient les résultats issus du duel qui les a opposés au Sdf, respectivement dans l'Adamaoua et à l'Ouest. L'Undp et l'Udc relèvent plusieurs irrégularités qui ont émaillé ces scrutins. Ils n'étaient pas les seuls au départ, mais à mi-parcours, le Sdf s'est avisé et a retiré les recours introduits pour dénoncer certaines irrégularités constatées dans les scrutins, qui se sont déroulés dans la région du Nord-Ouest. Échéances où, pour sa première participation à une élection de proximité au Cameroun, le Chairman Ni John Fru Ndi a essuyé une déconfiture. Cela n'empêche pas que certains y voient déjà une alliance (contre nature), même si elle serait de circonstance entre le Rdpc et le Sdf. Il y en a dans le paysage politique qui dénonce déjà cette bipolarisation. Parce qu'elle dévoile la recomposition de la nouvelle majorité gouvernante sous la houlette du Rdpc et du Sdf.

Surtout que le microcosme politique est suffisamment diversifié et essaimé avec près de 300 partis politiques. Même si, véritablement, une dizaine seulement peuvent répondre de cette qualité, au regard de sa structuration et son fonctionnement, sa représentativité et son assise sur le territoire national, ses ou sa performance à une élection; le charisme de son leader et le poids historique de cette formation politique,... Pis encore, parce que l'opinion nationale et internationale est convaincue que cette bipolarisation a été savamment construite par le régime au pouvoir. Avec la complicité tacite ou la ferme recommandation intransigeante des puissances occidentales avec lesquels le Cameroun est en relations bi ou multilatérales. Parce que convaincu que c'est le passage obligé pour assurer une transition pacifique en cas de vacance de pouvoir. Comme ce fut le cas au Gabon, après le décès brusque d'Omar Bongo Ondimba.

C'est d'ailleurs l'argumentaire utilisé par le Sdf pour justifier son volte-face après avoir appelé les Camerounais à protester contre la convocation, de manière cavalière du corps électoral pour les sénatoriales du 14 avril 2013. Alors même que l'ensemble des grands électeurs n'étaient pas encore constitués. A l'instar des Conseillers régionaux. Il se susurre que, c'est sous la pression de ces pays occidentaux que le Chef de l'Etat a décidé de passer à la mise en place effective des institutions prévues depuis 1996, dans la constitution du Cameroun. Une exigence faite sous la conditionnalité de la mise à disposition de plusieurs enveloppes de financements des projets structurants, devant permettre de tenir les promesses des Grandes réalisations du septennat en cours. On voit bien qu'en dépit du fait que la France dit qu'elle va financer la construction du 2è pont sur le Wouri et l'élargissement des pénétrantes Est et Ouest de la capitale économique, pour permettre aux opérateurs économiques de faire face aux bouchons qui ont une influence négative sur l'économie.


II- Défaut de crédibilité

Mais il reste que pour la majorité des partis politiques plus ou moins crédibles et crédibilisés par leurs assises électorales et pour les organisations de la société civile, cette élection est dénuée de toute sa crédibilité. Ce d'autant plus que, le non respect de plusieurs conditionnalités a éloigné ces élections des standards exigibles de la démocratie et du dialogue républicain, notamment par le fait de convoquer celles-ci avant les élections municipales et législatives attendues, lesquelles en auraient garanti la légitimité et même la pleine légalité des «élus Sénateurs». Le Coordonnateur de l'Ong Un Monde Avenir, fait remarquer que ces élections ont violé les principes d'éthique démocratique. A l'instar des différents actes de corruption enregistrés, qui ont entravé les exigences d'élections démocratiques.

L'Offre Orange pour sa part, dans une déclaration rendue publique le 24 avril 2013, rappelle que «le Sénat à venir n'a aucune légitimité et ne peut même pas prétendre représenter les Collectivités Territoriales Décentralisées (Ctd) comme le prescrit la Constitution, dès lors que les représentants des Régions (encore attendus), base de ces Ctd, n'ont aucunement participé au choix de ces «Sénateurs». Et de poursuivre que «cette 2eme Chambre du Parlement, selon l'esprit et même la lettre du constituant camerounais, n'a qu'un pouvoir facultatif dès lors que le Sénat ne peut en aucun cas rejeter définitivement un projet ou proposition de loi à lui envoyé(e) par l'Assemblée Nationale, et que seul le Président du Sénat peut justifier de son importance dans le fonctionnement des institutions de la République, et ce exclusivement en cas de vacance à la Présidence de République».

A cet effet, elle propose sa dissolution dès que le prochain régime arrive au pouvoir. Une alternance que l'Offre Orange entend mettre en place sous la houlette d'une «Nouvelle Génération» de Camerounais. Elle ne cache pas son indignation de voir le Gouvernement de Yaoundé se précipiter dans la mise en place de cette institution dont ni l'opportunité, ni la nécessite ne s'imposaient en ce moment précis du processus démocratique et qui n'a, en fait, aucun rôle fondamental à jouer pour la consolidation de notre embryonnaire démocratie. Pour atteindre cette perspective, l'Offre Orange soutient qu'il est plus que désormais indispensable et urgent de travailler à la recomposition des forces de changement, sous un nouveau leadership véritablement engagé et prêt à œuvrer pour la libération totale et définitive du peuple du joug de la mafia néocoloniale.

A cet effet, elle annonce un véritable pacte républicain composé de véritables forces du changement pour analyser les contours et les stratégies d'un retournement de situation au Cameroun dans un délai raisonnable.

«Visant à engager le train du changement que nous attendons et appelons de tous nos vœux et qui débouchera sur la Naissance de la 3ème République que suggère l'Offre Orange», soutient Jean François Moghayie, Secrétaire National à l'Organisation. Mais on est à se demander qu'au delà de ses sorties quelques peu fallacieuses, qu'elle chance y a-t-il pour que le Cameroun parvienne à une coalition de l'opposition, pour réaliser le rêve de tout un peuple, celui d'une alternance par les urnes.


III- La difficile équation des 30 sièges restants

Pour mettre la cerise sur ce gâteau pourri, Paul Biya, sur qui tous les regards sont portés, devra compléter le nombre des Sénateurs à 100 pour faire le plein de cet hémicycle. Une lourde responsabilité pour le Chef de l'Etat, même si cela n'a pas souvent l'air, puisque ces nominations sont essentiellement discrétionnaires, par conséquent, ne lui donnent aucune obligation de s'expliquer. Seulement, face aux frustrations que les investitures ont engendrées à la base d'une part, avec des déséquilibres sociologiques observés dans les régions où les listes ont été validées, le Chef de l'Etat a comme la responsabilité de les réparer. C'est le cas de la liste Rdpc dans la région du Littoral où les communautés autochtones (Bakoko d'Edéa, Bakoko de Douala, Bassa du Wouri) se disent exclues sinon marginalisées. C'est aussi le cas de la région de l'Est où les peuples autochtones Maka ne décolèrent pas pour avoir été ignorés, les 14 noms (7 titulaires et 7 suppléants). On peut aussi citer le cas de la région du Centre où trois départements ne sont pas représentés.

Devant ces récriminations tribales, le Chef de l'Etat devrait au même moment, conjuguer avec les dénonciations des autres composantes de la société qui estiment ne pas avoir été prises en compte. C'est le cas des handicapés, des Avocats, qui réclament une prise en compte et une certaine représentativité d'au moins 1 5%; et les femmes qui revendiquent que la parité octroyée par le Chef de l'Etat soit respectée. La liste des couches sociologiques est loin d'être exhaustive. A côté, il y a aussi les partis politiques. Particulièrement, ceux qui ont pris part à ces élections et qui ont essuyé des frustrations légitimes. Surtout que la désignation de leurs membres permettra de donner au Sénat, une coloration multipartiste. Et il y a ceux qui se réclament être des partis alliés traditionnellement au pouvoir, et qui estiment qu'ils méritent un retour d'ascenseur pour avoir sauvé ce régime au sortir des élections législatives de mars 1992, un coup d'Etat constitutionnel, à la faveur de la majorité absolue de sièges que l'opposition (Undp, Upc et Mdr) avait obtenu. Mais que les leaders avaient choisi de compromettre.


02/05/2013
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